La chirurgie du plaisir
Les chirurgiens marocains spécialisés reçoivent de plus en plus de clients des deux sexes recherchant une sexualité épanouie, et n’hésitant pas à recourir pour cela à des opérations audacieuses et encore controversées. Enquête sur un phénomène en croissance.
Envie de rivaliser en centimètres avec Rocco Siffredi ? D’une poitrine volumineuse comme Pamela Anderson, voire d’un conduit vaginal aussi étroit que celui d’une vierge, même si vous avez trois accouchements derrière vous ? Les psys seront sans doute dubitatifs, mais les
chirurgiens spécialisés (ou la plupart d’entre eux) n’auront pas autant de scrupules.
Contre un gros chèque, la réalisation de vos fantasmes est désormais possible grâce aux nouvelles techniques de la “chirurgie du sexe”. Un genre médical qui connaît un engouement croissant au Maroc – dans le sillage du succès de la chirurgie plastique – chez une clientèle plutôt aisée, urbaine et décomplexée, soucieuse de son bien-être sexuel.
Pour autant, comme le répètent médecins et sexologues, on est encore loin de la fièvre du “sex design”, particulièrement répandue aux Etats-Unis, où hommes et femmes n’hésitent pas, souvent sur un simple coup de tête, à changer leur morphologie sexuelle du tout au tout.
“Au Maroc, on est encore très loin de cette vague, pour la simple raison que tous les sujets liés au corps, et a fortiori au sexe, sont encore tabous, milieu aisé ou pas”, explique le sexologue casablancais Aboubakr Harakat.
Du coup, vous ne trouverez pas de plaques en cuivre, sur les portes des cabinets de chirurgiens, vantant leurs mérites en phallo ou vulvoplastie. La chirurgie du sexe qui fait intervenir gynécologues, urologues et chirurgiens plasticiens se pratique au Maroc dans la plus grande discrétion, et la notoriété des praticiens se construit via le bouche-à-oreille, entre hommes et femmes d’un certain âge, essentiellement à la recherche d’une solution à un souci d’ordre fonctionnel (problèmes d’érection ou de sécheresse vaginale, la plupart du temps). “La majorité écrasante des patients n’en sont pas encore à remodeler leurs organes génitaux dans un souci esthétique ou de performance sexuelle, explique ce chirurgien casablancais. Ils viennent surtout pour ‘réparer’ ce qui est, à leurs yeux, défectueux”.
Mais quelques-un(e)s, de plus en plus, selon l’avis unanime des praticiens spécialisés (bien qu’il reste impossible d’avoir des chiffres sur le phénomène) réclament franchement des “améliorations”, censées leur assurer un plus grand épanouissement sexuel : resserrement du conduit intime jugé trop large, remodelage des lèvres inférieures considérées disgracieuses, allongement du pénis estimé trop petit…
Pudiques, mais décidées…
D’après le Dr Fatima-Zahra Niane, gynécologue à Casablanca, la patiente-type est une femme dépassant la trentaine, ayant enfanté plus d’une fois. La succession des dilatations vaginales, consécutive aux accouchements, finit par avoir des répercussions sur la qualité des rapports sexuels. Mais généralement, si la femme recourt au bistouri, c’est moins pour retrouver des sensations perdues que pour réagir à une “petite remarque” négligemment lancée par le mari, mais psychologiquement dévastatrice pour l’épouse.
L’opération de vaginoplastie, qui consiste à suturer la vulve pour qu’elle retrouve sa forme initiale plus étroite, coûte entre 4000 et 6000 DH. “Contrairement à ce qu’on peut penser, ce ne sont pas uniquement les femmes riches qui recourent à cette opération. Celles appartenant à des catégories socioprofessionnelles moyennes sont tout aussi soucieuses de leur sexualité. Et j’en reçois beaucoup”, explique la gynécologue. Considérée comme une forme de chirurgie réparatrice, la vaginoplastie est prise en charge par la plupart des assurances-maladie, contrairement à d’autres opérations purement esthétiques, comme le rétrécissement des lèvres inférieures (8000 DH en moyenne), quand elles sont jugées “trop voyantes”. Trop voyantes pour quoi ? Pour porter des touts petit maillots ou des pantalons très serrés, par exemple. L’expression “victime de la mode” prend là tout son sens…
Mais d’autres facteurs, plus intimes ceux-là, peuvent aussi pousser à de telles opérations : les actrices de films X arborent en effet systématiquement des vulves juvéniles, quel que soit leur âge, et beaucoup de femmes (mais surtout d’hommes) en arrivent à considérer cela comme la norme, et à en oublier que les parties vaginales, comme le reste du corps, évoluent aussi avec les années…
Cela dit, les Marocaines candidates à de telles opérations s’étalent rarement, une fois dans le cabinet du chirurgien, sur leurs motivations. “La plupart de mes patientes sont très pudiques. Quand je leur demande pourquoi elles veulent diminuer cette partie de leur sexe, elles se contentent de dire qu’elle ne se sentent pas bien. Je respecte leur intimité et ne cherche pas à aller au-delà”, explique le Dr Sanae El Mounjid, chirurgienne plasticienne. Etrange situation où une patiente en quête de plaisir sexuel est trop pudique pour en parler, mais assez audacieuse pour réclamer une opération chirurgicale…
Les mieux informées (souvent par le biais de sites web ou de forums de discussion spécialisés) vont même jusqu’à tenter la dernière née, et déjà la plus “in” des opérations : le gonflement du “point G”. Il s’agirait, selon les praticiens (qui ne sont pas tous d’accord là-dessus) d’une zone érogène située à l’entrée du vagin et qui constituerait l’épicentre du plaisir féminin. L’opération consiste à injecter un liquide gras (de l’acide hyaluronique ou la propre graisse de la patiente) sous ce point précis (mais encore faut-il le localiser) pour le rendre saillant et donc augmenter l’intensité de la sensation de friction pendant le rapport sexuel. Reste que l’opération est, à ce jour, très controversée. “Il n’y a aucune preuve anatomique de l’existence du point G, conteste un médecin plasticien à Casablanca. C’est uniquement un point métaphysique”. Autrement dit, ça ne se passe pas là, mais dans la tête. Pourtant, “les clientes semblent satisfaites après coup, et la demande est de plus en plus nombreuse”, affirme ce chirurgien qui pratique cette technique. Mais peut-être dit-il cela justement parce qu’il la pratique…
Ces pratiques pointues mises à part, l’opération la plus fréquente, et de loin, reste le remodelage de la poitrine. Depuis quelques années, les plasticiens marocains en ont fait leur cheval de bataille pour attirer la clientèle nationale et même étrangère. Reste que pour les Marocaines, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, il y en a presque autant qui veulent une poitrine plus volumineuse qu’une poitrine plus petite. Les assauts, via la parabole et Internet, du culte occidental de la minceur, voire de la maigreur, commencent à se faire ressentir chez les Marocaines, jusqu’à récemment désireuses de cultiver un relatif embonpoint (notamment de la poitrine) parce que la norme locale de séduction l’exigeait. La réduction du volume des seins se fait par l’ablation des glandes mammaires, et l’opération peut coûter jusqu’à 30 000 DH, en fonction du volume “à enlever”. “J’avais mal au dos à cause du poids de mes seins et j’étais constamment harcelée dans la rue”, témoigne cette Casablancaise de 34 ans. Avec sa nouvelle poitrine, plus menue, elle déclare se sentir beaucoup mieux.
Selon les praticiens, les femmes qui ont recours à la “chirurgie du sexe” sont généralement satisfaites de leur nouvelle image, et leur vie change complètement. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Normalement, les opérations de ce genre, quel que soit leur type, nécessitent un suivi psychologique, parce qu’elles impliquent un changement de la représentation que la femme se fait d’elle-même – ce qui peut causer parfois de lourds dommages psychologiques. La déontologie médicale requiert même que le traitement psychique précède toute opération de ce type. “Dans la plupart des cas, la chirurgie intime a des soubassements psychiques qu’il faut d’abord élucider avant de brandir le bistouri”, rappelle le Dr Harakat. “Récemment, j’ai reçu une femme qui a intenté un procès à son plasticien, l’accusant d’avoir ‘raté ses seins’. Or, à la base, cette femme était dépressive et l’opération n’aurait rien changé à son état”, justifie le sexologue. “Face à la demande d’une patiente, le médecin doit agir en son âme et conscience en s’assurant d’abord du bien fondé de l’opération”, précise le Dr Niane. Une étude scientifique parue dans la revue médicale américaine Epidemiology, en mars 2006, a démontré que le taux de suicide chez les femmes qui se font gonfler les seins est plus élevé que chez les autres.
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Les chirurgiens marocains spécialisés reçoivent de plus en plus de clients des deux sexes recherchant une sexualité épanouie, et n’hésitant pas à recourir pour cela à des opérations audacieuses et encore controversées. Enquête sur un phénomène en croissance.
Envie de rivaliser en centimètres avec Rocco Siffredi ? D’une poitrine volumineuse comme Pamela Anderson, voire d’un conduit vaginal aussi étroit que celui d’une vierge, même si vous avez trois accouchements derrière vous ? Les psys seront sans doute dubitatifs, mais les
chirurgiens spécialisés (ou la plupart d’entre eux) n’auront pas autant de scrupules.
Contre un gros chèque, la réalisation de vos fantasmes est désormais possible grâce aux nouvelles techniques de la “chirurgie du sexe”. Un genre médical qui connaît un engouement croissant au Maroc – dans le sillage du succès de la chirurgie plastique – chez une clientèle plutôt aisée, urbaine et décomplexée, soucieuse de son bien-être sexuel.
Pour autant, comme le répètent médecins et sexologues, on est encore loin de la fièvre du “sex design”, particulièrement répandue aux Etats-Unis, où hommes et femmes n’hésitent pas, souvent sur un simple coup de tête, à changer leur morphologie sexuelle du tout au tout.
“Au Maroc, on est encore très loin de cette vague, pour la simple raison que tous les sujets liés au corps, et a fortiori au sexe, sont encore tabous, milieu aisé ou pas”, explique le sexologue casablancais Aboubakr Harakat.
Du coup, vous ne trouverez pas de plaques en cuivre, sur les portes des cabinets de chirurgiens, vantant leurs mérites en phallo ou vulvoplastie. La chirurgie du sexe qui fait intervenir gynécologues, urologues et chirurgiens plasticiens se pratique au Maroc dans la plus grande discrétion, et la notoriété des praticiens se construit via le bouche-à-oreille, entre hommes et femmes d’un certain âge, essentiellement à la recherche d’une solution à un souci d’ordre fonctionnel (problèmes d’érection ou de sécheresse vaginale, la plupart du temps). “La majorité écrasante des patients n’en sont pas encore à remodeler leurs organes génitaux dans un souci esthétique ou de performance sexuelle, explique ce chirurgien casablancais. Ils viennent surtout pour ‘réparer’ ce qui est, à leurs yeux, défectueux”.
Mais quelques-un(e)s, de plus en plus, selon l’avis unanime des praticiens spécialisés (bien qu’il reste impossible d’avoir des chiffres sur le phénomène) réclament franchement des “améliorations”, censées leur assurer un plus grand épanouissement sexuel : resserrement du conduit intime jugé trop large, remodelage des lèvres inférieures considérées disgracieuses, allongement du pénis estimé trop petit…
Pudiques, mais décidées…
D’après le Dr Fatima-Zahra Niane, gynécologue à Casablanca, la patiente-type est une femme dépassant la trentaine, ayant enfanté plus d’une fois. La succession des dilatations vaginales, consécutive aux accouchements, finit par avoir des répercussions sur la qualité des rapports sexuels. Mais généralement, si la femme recourt au bistouri, c’est moins pour retrouver des sensations perdues que pour réagir à une “petite remarque” négligemment lancée par le mari, mais psychologiquement dévastatrice pour l’épouse.
L’opération de vaginoplastie, qui consiste à suturer la vulve pour qu’elle retrouve sa forme initiale plus étroite, coûte entre 4000 et 6000 DH. “Contrairement à ce qu’on peut penser, ce ne sont pas uniquement les femmes riches qui recourent à cette opération. Celles appartenant à des catégories socioprofessionnelles moyennes sont tout aussi soucieuses de leur sexualité. Et j’en reçois beaucoup”, explique la gynécologue. Considérée comme une forme de chirurgie réparatrice, la vaginoplastie est prise en charge par la plupart des assurances-maladie, contrairement à d’autres opérations purement esthétiques, comme le rétrécissement des lèvres inférieures (8000 DH en moyenne), quand elles sont jugées “trop voyantes”. Trop voyantes pour quoi ? Pour porter des touts petit maillots ou des pantalons très serrés, par exemple. L’expression “victime de la mode” prend là tout son sens…
Mais d’autres facteurs, plus intimes ceux-là, peuvent aussi pousser à de telles opérations : les actrices de films X arborent en effet systématiquement des vulves juvéniles, quel que soit leur âge, et beaucoup de femmes (mais surtout d’hommes) en arrivent à considérer cela comme la norme, et à en oublier que les parties vaginales, comme le reste du corps, évoluent aussi avec les années…
Cela dit, les Marocaines candidates à de telles opérations s’étalent rarement, une fois dans le cabinet du chirurgien, sur leurs motivations. “La plupart de mes patientes sont très pudiques. Quand je leur demande pourquoi elles veulent diminuer cette partie de leur sexe, elles se contentent de dire qu’elle ne se sentent pas bien. Je respecte leur intimité et ne cherche pas à aller au-delà”, explique le Dr Sanae El Mounjid, chirurgienne plasticienne. Etrange situation où une patiente en quête de plaisir sexuel est trop pudique pour en parler, mais assez audacieuse pour réclamer une opération chirurgicale…
Les mieux informées (souvent par le biais de sites web ou de forums de discussion spécialisés) vont même jusqu’à tenter la dernière née, et déjà la plus “in” des opérations : le gonflement du “point G”. Il s’agirait, selon les praticiens (qui ne sont pas tous d’accord là-dessus) d’une zone érogène située à l’entrée du vagin et qui constituerait l’épicentre du plaisir féminin. L’opération consiste à injecter un liquide gras (de l’acide hyaluronique ou la propre graisse de la patiente) sous ce point précis (mais encore faut-il le localiser) pour le rendre saillant et donc augmenter l’intensité de la sensation de friction pendant le rapport sexuel. Reste que l’opération est, à ce jour, très controversée. “Il n’y a aucune preuve anatomique de l’existence du point G, conteste un médecin plasticien à Casablanca. C’est uniquement un point métaphysique”. Autrement dit, ça ne se passe pas là, mais dans la tête. Pourtant, “les clientes semblent satisfaites après coup, et la demande est de plus en plus nombreuse”, affirme ce chirurgien qui pratique cette technique. Mais peut-être dit-il cela justement parce qu’il la pratique…
Ces pratiques pointues mises à part, l’opération la plus fréquente, et de loin, reste le remodelage de la poitrine. Depuis quelques années, les plasticiens marocains en ont fait leur cheval de bataille pour attirer la clientèle nationale et même étrangère. Reste que pour les Marocaines, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, il y en a presque autant qui veulent une poitrine plus volumineuse qu’une poitrine plus petite. Les assauts, via la parabole et Internet, du culte occidental de la minceur, voire de la maigreur, commencent à se faire ressentir chez les Marocaines, jusqu’à récemment désireuses de cultiver un relatif embonpoint (notamment de la poitrine) parce que la norme locale de séduction l’exigeait. La réduction du volume des seins se fait par l’ablation des glandes mammaires, et l’opération peut coûter jusqu’à 30 000 DH, en fonction du volume “à enlever”. “J’avais mal au dos à cause du poids de mes seins et j’étais constamment harcelée dans la rue”, témoigne cette Casablancaise de 34 ans. Avec sa nouvelle poitrine, plus menue, elle déclare se sentir beaucoup mieux.
Selon les praticiens, les femmes qui ont recours à la “chirurgie du sexe” sont généralement satisfaites de leur nouvelle image, et leur vie change complètement. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Normalement, les opérations de ce genre, quel que soit leur type, nécessitent un suivi psychologique, parce qu’elles impliquent un changement de la représentation que la femme se fait d’elle-même – ce qui peut causer parfois de lourds dommages psychologiques. La déontologie médicale requiert même que le traitement psychique précède toute opération de ce type. “Dans la plupart des cas, la chirurgie intime a des soubassements psychiques qu’il faut d’abord élucider avant de brandir le bistouri”, rappelle le Dr Harakat. “Récemment, j’ai reçu une femme qui a intenté un procès à son plasticien, l’accusant d’avoir ‘raté ses seins’. Or, à la base, cette femme était dépressive et l’opération n’aurait rien changé à son état”, justifie le sexologue. “Face à la demande d’une patiente, le médecin doit agir en son âme et conscience en s’assurant d’abord du bien fondé de l’opération”, précise le Dr Niane. Une étude scientifique parue dans la revue médicale américaine Epidemiology, en mars 2006, a démontré que le taux de suicide chez les femmes qui se font gonfler les seins est plus élevé que chez les autres.
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