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Mouloud Feraoun ce fils de tamurth, humaniste sans frontières

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  • Mouloud Feraoun ce fils de tamurth, humaniste sans frontières

    Mouloud Feraoun est reconnu de tout le monde et ayant accédé au sommet de l’échelle dans le domaine de la littérature, l’homme n’a pas pour autant sous-estimé ou délaissé son métier d’instituteur, dont la mission lui tient à cœur.

    "Il est courant pour les écrivains de parler de second métier. Pour ma part, je n’ai qu’un métier. Ce métier, je le remplis bien... Dans ce domaine, nos efforts n’ont jamais été stériles ou vains", écrit-il dans Des lettres à ses amis

    Feraoun l’écrivain

    Malgré la misère, il fait de brillantes études qui lui ouvrent la porte non pas seulement de l’enseignement, mais aussi de la consécration du talent d’écrivain.

    Les thèmes récurrents chez lui sont ceux qui s’étaient imposés à sa production romanesque parce qu’ils représentaient le vécu collectif au village, les traditions et coutumes dont il a été marqué à vie et qu’il considérait comme un devoir de les rapporter fidèlement par l’écriture.

    Feraoun l’instituteur

    L’œuvre de Feraoun a acquis une valeur inestimable en tant que peinture de la société à une époque déterminée de son histoire, celle de ses aïeux obligés d’émigrer pour faire vivre leur famille ou de gratter une terre ingrate qui ne donnait qu’avec parcimonie juste de quoi ne pas mourir de faim. Son père, pauvre, illettré, résistant, était comme tous ceux de sa génération. Il avait fait à pied un voyage de Tizi Hibel à Tunis avant de partir en France d’où il était revenu handicapé à la suite d’un accident de travail à l’usine.

    Feraoun se reconnaissent pleinement dans cette belle phrase de Tchekhov : "Nous travaillons pour les autres jusqu'à notre vieillesse et quand notre heure viendra, nous mourrons sans murmure et nous dirons dans l’autre monde que nous avons souffert, que nous avons pleuré, que nous avons vécu de longues années d’amertume, et Dieu aura pitié de nous."

    Les paroles de Feraoun traduisent parfaitement le drame de nos grands-parents qui n’ont connu de vie que celle au cours de laquelle ils ont trimé pour apporter une maigre subsistance aux leurs.

    C’est cette misère, cette lutte constante contre le froid, les vicissitudes d’une vie dure et imprévisible que Feraoun a immortalisées pour les générations futures

    A un écrivain américain, Feraoun répondait en 1956, de Larbâa Nath Irathen : "Je crois que c’est surtout ce désir de faire connaître notre réalité qui m’a poussé à écrire. Et, à ce point de vue, je dois vous dire que la réalité ne se laisse jamais saisir dans toute sa complexité, toutes ses nuances et que, en définitive, ceux qui prétendent la montrer ne montrent qu’eux-mêmes et ne témoignent que pour eux."

    Mouloud Feraoun étonne par son style facile, simple mais réservé

    Ses oeuvres qui sont d’une lucidité éclatante, dont la transcription des faits réels dépasse l’entendement, sont aussi des études sociologiques. En somme, un auteur réaliste sans artifices et un témoignage de son temps qui rendait compte de la vie quotidienne des siens sans honte ni maquillage.

    "La floraison (de la littérature algérienne) s’explique par notre impérieux besoin de témoigner sincèrement entièrement, de saisir notre réalité sur le vif et dans tous ses aspects afin de dissiper des malentendus tenaces et de priver les consciences tranquilles de l’excuse de l’ignorance.

    La voie a été tracée par ceux qui ont rompu avec un Orient de pacotille pour décrire une humanité moins belle et plus vraie, une terre aux couleurs moins chatoyantes mais plus riche de sève nourricière; des hommes qui luttent et souffrent, et sont les répliques exactes de ceux que nous voyons autour de nous (...)", (écrit-il dans l’Anniversaire).

    Feraoun disait :

    "Ceux qui ont souffert, ceux qui sont morts pourraient dire des choses et des choses. J’ai voulu timidement en dire un peu à leur manière. Et ce que j’en dis, c’est de tout cœur avec ce que je peux avoir de discernement et de conscience."

    Le personnage de Fouroulou, cette autobiographie malheureuse et difficile conduite avec simplicité et fluidité mais non sans humour, reflète la condition humaine.

    "Je suis un enfant d’Ighil n’Zeman (Tizi Hibel). Il faut bien tenir à son pays, être fier de son origine, ne pas se renier. Ma place est ici, je l’ai acquise et je la garde." C’est ce que disait Amer des Chemins qui montent.

    Un homme devenu grand car ayant toujours cherché à être humble parmi les humbles

    Feraoun était en effet un écrivain mûr et particulièrement prolifique.

    Feraoun l’humaniste

    Mouloud Feraoun par une œuvre qui demeure attachante intéresse toujours. Il reste l'observateur attentif à la vie de ses compatriotes pour les révéler aux lecteurs et sans doute d'abord aux lecteurs étrangers afin de les aider à comprendre. Son œuvre est celle d'un humaniste.

    Feraoun faisait partie de ceux qui espéraient fonder un dialogue culturel entre les communautés en présence en aidant les plus pauvres et les plus démunis. Il voulait servir de passerelle entre ceux que l’histoire et les vicissitudes de la vie opposaient par les armes. Une entreprise humaniste bâtie sur la fraternité et la paix.

    Mouloud Feraoun, ce fils de tamurth, cet humaniste sans frontières

    Cet écrivain invétéré arbore avec fierté ses origines et sa civilisation afin de montrer au monde entier que toutes se valent, que l’une ne peut effacer l’autre ou vivre à ses dépens ! Ceci, il le confirme à travers son œuvre romanesque, mais aussi historique. L’histoire, il la raconte dans ses principaux romans : La Terre et le sang, Le Fils du pauvre, Les Chemins qui montent. Il dépeint la misérable et dure vie que tous ces fils de pauvres mènent.

    L’assassinat de Feraoun

    On l’avait assassiné dans le but évidemment de priver l’Algérie de demain de son élite, de ses guides de son intelligentsia. Parce que l’homme était aussi un éducateur, un formateur des cadres de demain et plus que jamais un observateur lucide plus qu’avisé. L’OAS, à travers cet acte ignoble, visait surtout l’Algérie.

    Un homme juste s’est éteint injustement. Ainsi l’a décidé l’OAS à quelques jours de l’indépendance de l’Algérie. Le grand humaniste fût donc privé de voir les siens déferler de joie dans les rues, ruelles et coins du pays.

    Il était sans aucun doute la victime expiatoire d’un ordre violent, imparable et irrésistible inscrit au fronton d’un pays qui n’avait d’autre alternative pour accéder à sa liberté que l’ultime solution : la révolte armée. Les Ultras ne pouvaient imaginer un seul instant, qu’après 132 ans d’occupation, de jouissance de privilèges et de négation de l’indigène, il puisse surgir un nouvel ordre qui redonnerait la dignité aux autochtones et la parole aux gueux.

    Les écrits de ce grand homme sont restés témoignant de son passage ici bas, diffusant ses idées nobles empreintes d'humanisme et de compréhension, ses assassins eux, n'ont pas droit de cité, l'Histoire les relèguera pour les oublier dans l'un de ses plis fermés à jamais.

    Avec la mort de Feraoun, On a assassiné avec sang-froid des projets ambitieux pour l’Algérie.

    Parmi ces dernières phrases : "Tout va bien mais c’est vraiment très dur par ici."

    Témoignage de Emmanuel Roblès

    "A retrouver tant d’intelligence, de sensibilité, de pouvoir créateur, s’avive le regret d’une mort injuste qui, le 15 mars 1962, faisait disparaître l’un des plus grands écrivains de l’Algérie

    Témoignage de Mouloud Mammeri

    Dans l’introduction à la réédition par l’ENAG de La Terre et le sang, Mouloud Mammeri écrivait à propos de l’assassinat de Feraoun : "Le 15 mars 1962, au matin, une petite bande d’assassins se sont présentés au lieu où, avec d’autres hommes de bonne volonté, il travaillait à émanciper des esprits jeunes ; on les a alignés contre le mur et…on a coupé pour toujours la voix de Fouroulou. Pour toujours ? Ses assassins l’ont cru, mais l’histoire a montré qu’ils s’étaient trompés, car d’eux, il ne reste rien … rien que le souvenir mauvais d’un geste stupide et meurtrier, mais de Mouloud Feraoun la voix continue de vivre parmi nous".

    Témoignage de Jean Amrouche

    Jean Amrouche dit de lui au lendemain de son assassinat "Je ne connaissais de lui que ses livres. Nous n’avons certainement pas le même Panthéon ni les mêmes règles de jugement concernant les choses et l’être. Mais il était un homme de mon pays, forgé comme tous les Kabyles à la sévère loi du nif. Ainsi, Feraoun voulait-il ne rien renier de ce qui devait croître et s’étendre sous la garde vigilante de l’honneur. Le crime du romancier assassiné était de vouloir l’homme libre, fier de décliner son vrai nom, heureux d’avoir sa patrie et confiant dans un avenir où le fils du pauvre, quel qu’il soit, peut avoir sa chance d’accomplir une grande destinée ."

    Par dzayer
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