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La Chine à la conquête de l'Espace

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  • La Chine à la conquête de l'Espace

    Que de chemin parcouru depuis ces temps où Mao se désolait que la jeune Chine communiste ne puisse même pas envoyer une pomme de terre dans l'espace… Après avoir conquis l'Olympe en ce sportif été 2008, Pékin continue sa démonstration de puissance ascendante jusque dans les étoiles. En faisant décoller jeudi son troisième vol habité, les Chinois entendent bien renouveler leur inscription dans le club très fermé des grandes puissances spatiales. S'il le fallait encore, la continuité entre les JO et le tir spatial a été symboliquement affichée le 6 août dernier, quand le taïkonaute Yang Liwei, le premier Chinois à s'être rendu dans l'espace, a lancé le dernier relais de la torche olympique dans Pékin depuis la Cité interdite.

    En propulsant dans l'espace le colonel Yang Liwei, le 15 octobre 2003, la Chine est devenue le troisième pays à réaliser un tel exploit, 42 ans après l'URSS et les États-Unis. Aujourd'hui, le programme spatial chinois est clairement en phase d'accélération, de rattrapage. Le nom des fusées, Longue Marche, dit la volonté qui préside à l'entreprise. La mission Shenzhou VII, lancée depuis la base Vent d'est de Jiuquan, aux confins de la Mongolie-Intérieure et du désert de Gobi, verra la première sortie dans l'espace d'un astronaute chinois. Il devrait s'agir du colonel Zhai Zhigang, 42 ans, un pilote de chasse de l'Armée populaire de libération, comme tous les autres pionniers de l'espace chinois. «Il s'agit d'une étape cruciale vers le grand objectif, une station habitée dans l'espace», commente le professeur Jiao Weixin, de l'Institut des sciences de la Terre et de l'Espace.

    Sur les étagères de son petit bureau de l'université de Pékin, Jiao Weixin a aligné avec passion les maquettes des différents vaisseaux spatiaux chinois. Il s'en dégage le charme délicieusement suranné des années Kennedy et Khrouchtchev. Le «divin vaisseau» - la signification du nom shenzhou - a de furieux airs de famille avec les engins du programme Soyouz développé par Moscou dans les années 1950 et 1960. Peu de réelles innovations techniques, donc, mais la démonstration d'un savoir-faire et la base solide d'une grande ambition. Pour l'espace comme pour le reste, la Chine s'en tient à une démarche qui a fait ses preuves. On imite, puis on s'émancipe.

    Le professeur Jiao Weixin reconnaît que la Chine est encore séparée de la Russie et des États-Unis par un profond fossé technologique. Mais que si l'espace «n'est pas la première priorité scientifique, les domaines de l'énergie ou de la chimie étant privilégiés, les programmes progressent vite, portés notamment par les moyens offerts par le développement économique». Et après ? Objectif Lune, sans nul doute. «C'est très exigeant techniquement, explique le professeur Zhu Renzhang, de l'université d'aéronautique et d'astronautique de Pékin, car il ne s'agit pas seulement de marcher sur la Lune, mais d'y travailler.» L'année dernière, la Chine a lancé sa première sonde lunaire, le Chang'e 1, du nom d'une femme qu'une jolie légende chinoise fait vivre sur la Lune avec un lapin blanc.

    «Prestige international» et «cohésion interne»

    Avec ou sans lapin, les scientifiques se verraient bien disposer d'une station d'observation sur la Lune, voire exploiter ses ressources. Il y a dix jours, le père du programme Chang'e, Ouyang Ziyuan, a déclaré que, dans le futur, les immenses besoins en énergie de la Chine pourraient être comblés par deux ressources avérées de la Lune : l'énergie solaire et surtout l'hélium 3, «dont elle recèlerait de 10 à 50 millions de tonnes, alors qu'il n'y en a pas plus de 500 kg sur la terre». Et selon lui, 10 tonnes d'hélium 3 suffiraient à assurer 50 ans de besoins énergétiques chinois.

    En dehors de ce rêve que l'éclairage public à Pékin soit un jour assuré par les richesses lunaires, quelle est la grande finalité du programme spatial chinois ? Nos deux scientifiques livrent le très officiel discours, voulant «qu'en tant que grand pays, la Chine a le devoir d'apporter sa contribution à l'exploration spatiale». Mais l'affaire est aussi hautement politique. Ouyang Ziyuan a déclaré sans détours dans le Quotidien du peuple que l'aventure spatiale «fait grandir notre prestige international et renforce la cohésion interne de notre peuple». Outil de légitimation du Parti communiste chinois, l'aventure spatiale nourrit incontestablement la ferveur nationale. L'an dernier, plus de 40 000 citoyens chinois avaient écrit à l'agence spatiale pour voter sur les chansons patriotiques diffusées par le satellite Chang'e, lors de son approche de la Lune. Les livres et les magazines consacrés à l'espace se sont multipliés. Et à côté d'un quatrième site de lancement de satellites, un parc de loisirs sur le thème de l'espace est en construction sur l'île de Hainan.

    En dehors des frontières, le grand jeu spatial entre d'abord dans la course à la puissance régionale. La Chine n'entend pas se faire damer le pion par ses deux grands rivaux, le Japon et l'Inde, et veut être la première nation asiatique à poser le pied sur la lune. Or, l'agence spatiale japonaise a publié des plans esquissant une présence humaine sur la Lune à l'horizon 2025, même si Tokyo reconnaît n'avoir pour l'heure ni les moyens financiers ni la technologie en rapport avec une telle ambition. L'Inde a aussi dans ses cartons des projets - non habités - d'exploration lunaire. Et la compétition fait rage dans un domaine connexe, celui des satellites. Sans pouvoir rivaliser technologiquement avec l'Amérique ou l'Europe, la Chine a entrepris de se poser en puissance spatiale bienfaitrice des pays en développement. L'an dernier, elle a lancé un satellite de communications pour le Nigeria et a des projets avec le Venezuela, deux pays gros producteurs de pétrole… «N'ayant pas bénéficié de transferts de technologie occidentale, la Chine peut faire ce qu'elle veut avec des tiers, commente Isabelle Sourbès-Verger, chercheur au CNRS , ce n'est pas le cas du Japon, tenu par les technologies américaines».

    Un programme sous contrôle militaire

    Derrière les fusées peintes en blanc se profilent aussi celles habillées de kaki. Les avancées spatiales civiles de la Chine nourrissent le volet militaire, et les généraux chinois regardent de plus en plus vers l'espace. Ce lien existe d'ailleurs depuis l'origine, le développement des lanceurs chinois étant passé par celui de missiles balistiques. Et même si le programme spatial se «civilise» peu à peu, il reste largement contrôlé par les militaires. La base de Jiuquan est aussi utilisée pour des essais de missiles. Ayant fait depuis le début des années 1990, avec la guerre du Golfe et celles qui ont suivi, l'analyse d'une supériorité militaire américaine reposant sur des réseaux, les militaires chinois ont développé toute une stratégie de perturbation de cet arsenal technologique, y compris celui déployé dans l'espace.

    En janvier 2007, le tir d'un missile pour détruire un satellite météo obsolète a bien été reçu par Washington comme un signal clair. L'année précédente, des lasers basés au sol auraient réussi à illuminer des satellites américains. Et aux États-Unis, on soupçonne les Chinois de travailler sur des microsatellites capables d'aller percuter d'autres satellites. Pékin développe aussi ses capacités d'observation et n'a pas renoncé à l'idée de disposer un jour d'un système de positionnement par satellite indépendant du GPS.

    En attendant, Pékin joue gros puisque le lancement de Shenzhou VII doit être retransmis en direct à la télévision. Prudemment, au cas où l'affaire tournerait mal, une série de documentaires sur les échecs spatiaux essuyés par Américains, Russes ou Européens serait prête à être immédiatement diffusée. Sur Terre comme autour de la Lune, ne pas perdre la face…



    RÉTROSPECTIVE - Un demi-siècle en demi-teinte

    • La marche de la Chine vers l'espace a été lancée par Mao, en 1956, et a traversé cahin-caha les soubresauts de la Révolution culturelle. Pékin a lancé son premier satellite en 1970. Le programme spatial habité avait été mis en veilleuse en 1980, au profit d'un spatial plus «utile», celui de satellites mis au service des formidables besoins de développement du pays, qu'il s'agisse de gestion des risques naturels, de cartographie, de communications, etc. Il a été relancé en 1992, mais le souci d'un équilibre demeure.

    • Après le 1er vol habité d'octobre 2003, la deuxième étape a été franchie en octobre 2005, quand deux taïkonautes («hommes de l'espace») ont tourné pendant cinq jours en orbite autour de la Terre. Trois astronautes participent à la mission Shenzhou VII, qui doit débuter jeudi et durer 68 heures. La Chine aurait l'ambition de placer dans l'espace une petite station test en 2012 et une vraie station habitée en 2020.

    • Le coût du programme spatial chinois est un secret d'État. Il est estimé entre 2 et 4 milliards de dollars, soit entre 1/8 et 1/4 de celui de la Nasa. Il serait encore plus loin du budget américain total, qui tourne autour de 34 milliards de dollars quand on inclut le militaire.

    Par le figaro

    Shenzhou VII
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