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Salon du livre et le destin de la lecture en Algérie

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  • Salon du livre et le destin de la lecture en Algérie

    Déjà dans les sociétés à vieille tradition de lecture, comme par exemple la France, l’Angleterre et l’Allemagne, la lecture n’est réellement plus ce qu’elle était il y a un demi-siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, est née en Europe la littérature de ‘’gare’’ faite essentiellement de genre policier sous format de poche. Comme son nom l’indique, la littérature de ‘’gare’’ est destinée à délasser et occuper le lecteur pendant le voyage, d’autant plus que la période industrielle considérée imposait des déplacements parfois assez longs pour se rendre dans les usines et les ateliers de fabrication généralement installés dans les lointaines banlieues ou carrément en rase campagne. Après avoir été signifié moyen de délassement et d’évasion, le concept a fini par devenir un jugement dévalorisant en le mettant en opposition avec la littérature classique à texte.

    Chez nous, les salons du livre se suivent et se ressemblent, hormis l’occasion donnée à la presse et à un certain public d’alimenter analyses, commentaires et ratiocinations sur la chose culturelle dans notre pays. Ce sera certainement une heureuse petite fièvre circonscrite dans le temps. Symptomatiquement, lors des inaugurations des différentes éditions du Salon d’Alger, ce ne sont pas les derniers best-sellers de la littérature mondiale ni les prix Nobel de l’année qui font l’événement. C’est plutôt l’interdiction de certains livres subversifs, les sanctions ayant frappé les auteurs du livre scolaire contenant le texte de l’Hymne national tronqué d’une strophe ou quelque autre censure qui ne dit pas son nom qui sont généralement montés en épingle. En résumé, ce sont les tares et les dérives de la société algérienne, faites d’un intégrisme religieux ayant happé de larges pans de notre jeunesse et d’un nationalisme ombrageux dont les excès politiciens se retrouvent au sein de l’école algérienne, qui viennent poursuivre leurs surenchères et leur combat de gladiateurs dans une arène destinée théoriquement au ressourcement culturel et à l’inspiration intellectuelle.

    Le Salon international du livre en Algérie constitue assurément un événement pour les professionnels du livre et les quelques ‘’oiseaux rares’’ que sont les lecteurs assidus, passionnés par la suave graphie des mots, la musicalité des phrases et les galbe des images qui en émanent. Il n’y a pas lieu de faire cas ici des faux aristocrates et des béotiens qui remplissent des vaisseliers de livres qu’ils appellent bibliothèques. Victor Hugo a eu pour eux cette infamante réflexion : " Il y a des gens qui ont une bibliothèque comme les eunuques ont un harem ". Pour cette raison et pour bien d’autres encore, ce genre de manifestation ne constitue nullement un test pour jauger le degré de développement de la lecture en Algérie.

    Errements et responsabilité de l’école

    La nouvelle génération formée à l’école fondamentale s’est souvent contentée d’obtenir sa moyenne lui permettant de passer en classe supérieure dans des conditions parfois discutables. Où sont passés les enseignants qui, au cours des années 70 et au début des années 80, imposaient aux classes… scientifiques la lecture de tout le volume du Talon de fer de Jack London et sa contraction dans un paragraphe ? Il en était de même avec Les Lettres persanes’ de Montesquieu. L’arabisation intempestive des programmes ne peut même pas se targuer d’inculquer à nos potaches l’amour des belles-lettres qui vous font aimer Mahmoud Taymour, Kassem Amin, Taha Hussein, Khalil Gibrane, Tahar El Haddad, Djamal El Ghitani ou Benhadouga. L’intégrisme instillé aux écoliers a fait des ravages sans doute irréparables. Au cours de l’un de nos déplacements à Sidi Bel Abbès, nous rencontrâmes un collégien qui nous apprit que son enseignant d’éducation islamique interdisait à ses élèves de lire un quelconque autre écrit que le Coran ; c’est ainsi que notre jeune interlocuteur justifia son aversion pour la lecture du journal en arabe. La lecture en français serait donc, selon cette logique, un cas pendable. De même, l’invasion du ciel algérien par des centaines de chaînes de télévisions satellitaires n’a pas été sans provoquer une véritable anémie dans le potentiel de lecture chez la jeunesse. N’ayant aucune prédisposition à sasser, filtrer ou sélectionner des programmes adaptés par le thème et circonscrits dans le temps, les téléspectateurs passifs sont engoncés dans cette mollesse ou rêvasserie alimentant la frustration de voir le reste du monde vivre, festoyer, jubiler et même verser dans les plaisirs salaces. Les résultats sont des plus inquiétants sur le plan de la formation de la personnalité de nos enfants, élevés sur la base d’un complexe par lequel ils idéalisent l’étranger et développent le sentiment de la haine de soi.

    Combien de parents guident leur progéniture dans le choix des programmes de télévision ? Combien sont-ils à les accompagner sur les rayons des librairies et des bibliothèques municipales ?

    La question posée dans les pays développés- combien de livres lit-on en moyenne par semaine ou par mois ?- servant d’indice majeur du développement culturel, obtiendrait en Algérie une réponse qui donnerait le tournis à tous ceux qui tiennent cette activité en haute estime, à tous ceux qui la considèrent comme le fondement même de la culture. Même si, partiellement, l’argument de la cherté du livre- avec la libéralisation de l’économie- est recevable, il n’en demeure pas moins que les raisons capitales de la désaffection pour la lecture sont à chercher du côté du nouvel environnement culturel marqué par l’hégémonie de l’audiovisuel, de la défaillance du système scolaire qui a cessé de transmettre ce ‘’vice impuni’’ qu’est la lecture, comme disait Valéry Larbaud et d’un déficit patent en matière de politique du livre de la part des pouvoirs publics.

    Un environnement stérilisant

    Dans la pratique, la problématique du livre en Algérie dépasse largement le cadre d’une manifestation conjoncturelle aussi fastueuse soit-elle. Le socle primordial censé former le lecteur algérien n’existe pratiquement plus dans le pays. Hormis la génération des 35-50 ans qui a pu profiter des graines semées au lendemain de l’Indépendance, l’école publique s’est recroquevillée sur des programmes secs, sans âme et qui n’ont pas de prolongement dans la vie et la psychologie des élèves. Les morceaux choisis de lecture et les lectures dirigées sont réduits à la portion congrue et ont évacué les auteurs qui ont ému et fait rêver les premières générations. Le renouvellement de la matière au fil des années n’a plus de fil conducteur et s’aventure dans des thèmes qui n’accrochent plus l’élève. Quand pourra-t-on avoir de nouveaux textes qui transmettent les beautés et les interrogations du monde moderne comme ceux intégrés dans les livres de lecture en France : poèmes de Georges Brassens, de Brel, actualités extraites de la presse écrite,…etc ? Quand pourra-t-on établir des passerelles entre les programmes d’histoire, de géographie, de sciences naturelles et les contenus des livres de lecture pour ouvrir l’esprit de l’élève à la polyvalence, à l’universalité de la culture et à l’idée de l’unité de l’homme et du monde ?

    Hors de l’école, c’est le désert le plus terrifiant. Les moyens audiovisuels, à commencer par la télévision, ont carrément anesthésié les capacités et les volontés de lecture. Après une hibernation de plus de 20 ans, l’idée des bibliothèques communales refait surface au ministère de la Culture. Le programme des Hauts-Plateaux leur réserve un budget conséquent.

    Dans un climat de désert culturel comme celui dans lequel évolue actuellement la jeunesse algérienne et dans l’ambiance stérile où baigne l’école publique- qui n’arrive à former ni de passionnés lecteurs, ni d’invétérés mélomanes, ni des mordus du cinéma et du théâtre-, on ne peut franchement se gargariser d’avoir un personnel formé pour diriger et animer ces grandes infrastructures ni un public averti et assidu au point d’en faire sa ‘’seconde résidence’’. Le Salon du livre est certainement une bonne chose ; une occasion surtout de faire le constat de nos retards et de nos déficits en la matière. Prolonger le Salon par une véritable politique du livre et par une nouvelle stratégie de l’éducation qui fasse de la lecture son cheval de bataille serait encore plus salutaire.

    Par La Depêche de Kabylie

  • #2
    Le livre en Algérie; un combat de chaque instant!

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