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Il se compare dans ses dernières déclarations à l'Algérie entière
Yasmina Khadra est-il un ingrat ?
Quelle mouche a piqué l'écrivain algérien pour qu'il en vienne à son tour «cracher», lui aussi, sur la notoriété de son pays d'origine ? Est- ce le vertige des cimes de la gloire internationale qui lui permettent autant de culot ? Ou est-ce tout simplement l'ingratitude d'une intelligentsia qui ne fonctionne – si tant elle existe – qu'en réseau tribal qui pousse l'auteur vers un tel retranchement ?
Mais avant de tenter de dénouer l'écheveau de cet embrouillamini dont seule l'Algérie a, décidément, le secret, on préfère d'abord laisser au lecteur le soin d'apprécier un morceau choisi des dernières déclarations de l'auteur de L'imposture des Mots s'adressant au journal canadien La Presse : «Je suis l'un des écrivains les plus célèbres au monde
Je suis plus connu que l'Algérie ! Je suis allé en Italie en visite officielle avec le président algérien : je suis passé à la télé, pas lui !» S'agissant de son dernier opus paru chez Julliard, Yasmina Khadra dira simplement : «Ce que j'ai voulu mettre en scène, c'est une Algérie que les autres auteurs n'ont pas vue, à cause de leurs rancœurs ou de leur chauvinisme.» Que peut bien penser en effet le lecteur algérien d'une telle affirmation de soi ? Certains se montreront peut- être indulgents, alors que d'autres ne pourront sûrement pas laisser passer une telle incartade et en appelleront à une mise au point
Certes, Mohamed Moulessehoul a su s'approprier, d'une manière originale, le «butin de guerre» cher à Kateb Yacine qui est, d'ailleurs, à titre posthume, bien plus connu que lui. On peut même citer, si besoin est, d'autres auteurs prestigieux de l'Algérie éternelle comme Saint Augustin, le premier autobiographe de l'histoire avec les Confessions qui sont dix-sept siècles après, un best-seller mondial, soit le livre le plus vendu après la Bible et avant le Petit Prince d'Antoine Saint Exépury où il est encore question, là aussi, de l'Algérie. Pour s'en convaincre davantage, il n'y a qu'à évoquer aussi Apulée de Madaure, le premier romancier de la littérature mondiale, l'inventeur du Roman à qui Yasmina Khadra a dû faire quelques emprunts si ce n'est que dans l'absolu, lui-même, il n'aurait pas existé. Bref, quoi que puisse dire notre écrivain, comparaison n'est pas raison.
Loin s'en faut, Yasmina Khadra ne peut pas être plus connu que sa mère patrie, la muse qui lui a donné naissance. De la même manière, tout le monde se souvient de la Ciccolina quand celle-ci avait squatté, à un moment donné, les télés italiennes. Personne n'avait trouvé à redire. Comme quoi, comparaison n'est jamais raison.
Un récidiviste notoire
Il est vrai qu'on peut trouver à notre «Morcelli de la littérature» quelques exploits, des circonstances atténuantes, une abnégation à toutes épreuves. Mais ce dernier semble avoir décidément trop souffert de l'occultation de son talent en Algérie, un pays qui excelle, faut-il rappeler, dans la médiocrité et dans la négation des compétences. N'en déplaisent à certains, cet auteur prolifique au parcours atypique a fini par connaître heureusement une juste et légitime consécration reléguant le mépris qu'on lui a fait montre dans son pays à un déni des plus honteux pour la nation. Oui, Yasmina Khadra a trop longtemps été boudé par les milieux littéraires et pas seulement parisiens. Plusieurs fois, il aura maille à partir avec la presse algérienne, une presse qualifiée d'algéroisiste et kabylisante. Ceci a été tellement vrai qu'on peut le dire maintenant sans ambages malgré son immense talent. Yasmina Khadra, un véritable phénomène littéraire s'il en est, n'a jamais trouvé dans son pays natal la reconnaissance qu'il mérite du reste très largement. Nul n'est prophète en son pays. Oui, nul n'est prophète en son pays surtout pas… les héros nationaux ! Un vieux débat s'il en est. Une situation indigne qui renseigne sur le statut de l'intellectuel dans notre société. Une situation qui frise parfois le ridicule et dont l'enfant de Kendasa a du mal à se relever
De cette expérience amère, l'auteur de L'attentat s'en sort tout de même indemne, voire même gagnant. Malgré la flétrissure qu'on lui a sévèrement infligée et cette séquelle qu'il traîne aujourd'hui lamentablement, l'ancien cadet de la révolution n'en démord toujours pas. Son chemin de croix lui tient lieu justement d'un prestigieux CV. L'image et l'imagination de Yasmina Khadra resteront longtemps gravées chez des millions de lecteurs comme le souvenir d'un bonheur rare. La réminiscence d'un ancien militaire qui n'a pas eu à s'excuser d'avoir fait partie de l'Armée. Un ancien soldat qui continuera à défendre, becs et ongles, son pays en guerre
Un polémiste de talent sur des plateaux de télés étrangères où il était toujours tenu dans la plus grande suspicion. Nous étions, ainsi, des milliers à soutenir, impuissants devant nos écrans, notre champion des lettres qui, lui, nous l'a rendu, reconnaissons-le, assez souvent. Son irruption sur la scène littéraire mondiale aura donné, convenons-en, beaucoup d'aura à l'Algérie
Et ce au moment où elle en avait le plus besoin. Le problème à présent, c'est que ce n'est pas la première fois qu'on reproche à cet auteur, sa mégalomanie et sa propension à se placer sur un piédestal. De ce point de vue, le directeur du Centre culturel algérien de Paris est assurément un récidiviste notoire qui se sent affranchi de toute obligation de réserve. Trop, c'est trop, dirait votre serviteur, un de ses admirateurs qui n'a jamais prétendu posséder son talent. Faisons contre mauvaise fortune bon cœur, faisons en sorte que cela ne gâche pas la magie de son nouveau roman au titre d'ailleurs évocateur : Ce que le jour doit à la nuit. Ce que Yasmina Khadra doit à l'Algérie.
Yasmina Khadra est-il un ingrat ?
Quelle mouche a piqué l'écrivain algérien pour qu'il en vienne à son tour «cracher», lui aussi, sur la notoriété de son pays d'origine ? Est- ce le vertige des cimes de la gloire internationale qui lui permettent autant de culot ? Ou est-ce tout simplement l'ingratitude d'une intelligentsia qui ne fonctionne – si tant elle existe – qu'en réseau tribal qui pousse l'auteur vers un tel retranchement ?
Mais avant de tenter de dénouer l'écheveau de cet embrouillamini dont seule l'Algérie a, décidément, le secret, on préfère d'abord laisser au lecteur le soin d'apprécier un morceau choisi des dernières déclarations de l'auteur de L'imposture des Mots s'adressant au journal canadien La Presse : «Je suis l'un des écrivains les plus célèbres au monde
Je suis plus connu que l'Algérie ! Je suis allé en Italie en visite officielle avec le président algérien : je suis passé à la télé, pas lui !» S'agissant de son dernier opus paru chez Julliard, Yasmina Khadra dira simplement : «Ce que j'ai voulu mettre en scène, c'est une Algérie que les autres auteurs n'ont pas vue, à cause de leurs rancœurs ou de leur chauvinisme.» Que peut bien penser en effet le lecteur algérien d'une telle affirmation de soi ? Certains se montreront peut- être indulgents, alors que d'autres ne pourront sûrement pas laisser passer une telle incartade et en appelleront à une mise au point
Certes, Mohamed Moulessehoul a su s'approprier, d'une manière originale, le «butin de guerre» cher à Kateb Yacine qui est, d'ailleurs, à titre posthume, bien plus connu que lui. On peut même citer, si besoin est, d'autres auteurs prestigieux de l'Algérie éternelle comme Saint Augustin, le premier autobiographe de l'histoire avec les Confessions qui sont dix-sept siècles après, un best-seller mondial, soit le livre le plus vendu après la Bible et avant le Petit Prince d'Antoine Saint Exépury où il est encore question, là aussi, de l'Algérie. Pour s'en convaincre davantage, il n'y a qu'à évoquer aussi Apulée de Madaure, le premier romancier de la littérature mondiale, l'inventeur du Roman à qui Yasmina Khadra a dû faire quelques emprunts si ce n'est que dans l'absolu, lui-même, il n'aurait pas existé. Bref, quoi que puisse dire notre écrivain, comparaison n'est pas raison.
Loin s'en faut, Yasmina Khadra ne peut pas être plus connu que sa mère patrie, la muse qui lui a donné naissance. De la même manière, tout le monde se souvient de la Ciccolina quand celle-ci avait squatté, à un moment donné, les télés italiennes. Personne n'avait trouvé à redire. Comme quoi, comparaison n'est jamais raison.
Un récidiviste notoire
Il est vrai qu'on peut trouver à notre «Morcelli de la littérature» quelques exploits, des circonstances atténuantes, une abnégation à toutes épreuves. Mais ce dernier semble avoir décidément trop souffert de l'occultation de son talent en Algérie, un pays qui excelle, faut-il rappeler, dans la médiocrité et dans la négation des compétences. N'en déplaisent à certains, cet auteur prolifique au parcours atypique a fini par connaître heureusement une juste et légitime consécration reléguant le mépris qu'on lui a fait montre dans son pays à un déni des plus honteux pour la nation. Oui, Yasmina Khadra a trop longtemps été boudé par les milieux littéraires et pas seulement parisiens. Plusieurs fois, il aura maille à partir avec la presse algérienne, une presse qualifiée d'algéroisiste et kabylisante. Ceci a été tellement vrai qu'on peut le dire maintenant sans ambages malgré son immense talent. Yasmina Khadra, un véritable phénomène littéraire s'il en est, n'a jamais trouvé dans son pays natal la reconnaissance qu'il mérite du reste très largement. Nul n'est prophète en son pays. Oui, nul n'est prophète en son pays surtout pas… les héros nationaux ! Un vieux débat s'il en est. Une situation indigne qui renseigne sur le statut de l'intellectuel dans notre société. Une situation qui frise parfois le ridicule et dont l'enfant de Kendasa a du mal à se relever
De cette expérience amère, l'auteur de L'attentat s'en sort tout de même indemne, voire même gagnant. Malgré la flétrissure qu'on lui a sévèrement infligée et cette séquelle qu'il traîne aujourd'hui lamentablement, l'ancien cadet de la révolution n'en démord toujours pas. Son chemin de croix lui tient lieu justement d'un prestigieux CV. L'image et l'imagination de Yasmina Khadra resteront longtemps gravées chez des millions de lecteurs comme le souvenir d'un bonheur rare. La réminiscence d'un ancien militaire qui n'a pas eu à s'excuser d'avoir fait partie de l'Armée. Un ancien soldat qui continuera à défendre, becs et ongles, son pays en guerre
Un polémiste de talent sur des plateaux de télés étrangères où il était toujours tenu dans la plus grande suspicion. Nous étions, ainsi, des milliers à soutenir, impuissants devant nos écrans, notre champion des lettres qui, lui, nous l'a rendu, reconnaissons-le, assez souvent. Son irruption sur la scène littéraire mondiale aura donné, convenons-en, beaucoup d'aura à l'Algérie
Et ce au moment où elle en avait le plus besoin. Le problème à présent, c'est que ce n'est pas la première fois qu'on reproche à cet auteur, sa mégalomanie et sa propension à se placer sur un piédestal. De ce point de vue, le directeur du Centre culturel algérien de Paris est assurément un récidiviste notoire qui se sent affranchi de toute obligation de réserve. Trop, c'est trop, dirait votre serviteur, un de ses admirateurs qui n'a jamais prétendu posséder son talent. Faisons contre mauvaise fortune bon cœur, faisons en sorte que cela ne gâche pas la magie de son nouveau roman au titre d'ailleurs évocateur : Ce que le jour doit à la nuit. Ce que Yasmina Khadra doit à l'Algérie.
Mohamed-Chérif Lachichi
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