Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Particularité du système financier/bancaire américain

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Particularité du système financier/bancaire américain

    Ce qui se passe actuellement dans le système bancaire américain devrait servir de leçon à ceux qui s'interrogent sur la monnaie et la banque centrale européennes.

    C'est du moins l'opinion de deux économistes éminents du Federal Reserve System.

    Cet article révèle à quel point les mécanismes fondamentaux du capitalisme sont faussés par la réglementation, en particulier aux Etats-Unis pourtant réputés pour être les champions de l'économie de marché.

    Il n'est pas étonnant que la monnaie, la Bourse et l'activité financière soient complètement déréglées: les règles du jeu bancaire ont été changées de façon inconsciente et maladroite par les interventions publiques.

    Une nuée de petites banques


    La patrie du gigantisme fonctionne avec des banques d'une très faible taille, qui courent des risques considérables.

    Voilà qui différencie les Etats-Unis de la plupart des pays européens.

    Cette originalité est fort ancienne. Elle reflète, d'une part, l'opposition du peuple américain aux grandes institutions financières, d'autre part, la crainte qu'une concurrence entre les banques soit dangereuse pour les déposants et emprunteurs.

    Très tôt, la législation américaine est donc intervenue pour organiser le réseau bancaire en une nuée de petits établissements sévèrement contrôlés.

    Au 31 décembre 1990, il y avait 12.383 banques aux Etats-Unis, avec un actif médian de 45 millions de dollars seulement. 5.425 banques n'ont pas de filiale ou ont un bureau unique.

    Il en est ainsi parce que la législation bancaire, qui est de la compétence des Etats membres, est hostile aux grands réseaux bancaires nationaux. Le pouvoir fédéral avait bien tenté d'imposer un système bancaire étendu à l'ensemble du territoire américain, mais l'expérience, menée de 1791 à 1811 et de 1816 à 1836, n'a pas été poursuivie: ces réseaux, dotés du privilège de pouvoir s'installer n'importe où, ont été trop soumis à l'influence des politiciens, et le grand public s'en est détourné. Aujourd'hui, la plupart des Etats reconnaissent à des banques la possibilité d'avoir des filiales à l'intérieur de leurs frontières, mais quatorze seulement admettent les filiales de banques installées à l'extérieur, tandis que trois n'admettent aucune filiale d'aucune sorte.

    Les banques avaient trouvé une parade en créant des compagnies de holdings multibanques (CHM): elles s'associaient tout en gardant leur autonomie juridique, et se trouvaient donc en règle avec les législations des Etats. L'amendement Douglas à la loi sur ces Compagnies holdings en 1956 empêcha encore cette tentative d'interétatisation. Pourtant, à partir de 1978, et en suivant l'exemple du Maine, un nombre croissant d'Etats ont admis des filiales locales de CHM. Mais on est loin d'un réseau national. 80% des 163 CHM opèrent dans trois Etats au plus. Même la Citicorp, l'organisation bancaire nationale la plus importante, exerce des activités dans seulement dix Etats.

    La conséquence de cette structure est de rendre les banques américaines particulièrement vulnérables. Le coût premier de ces restrictions géographiques est le risque bancaire accru produit par le manque de diversification. Dans la seule année 1980, on a enregistré 480 faillites de banques au Texas. En retardant leur expansion sur les marchés extérieurs à leurs propres Etats, les restrictions géographiques obligèrent les banques texanes à concentrer significativement leurs crédits sur les secteurs de l'énergie et des magasins.


    Cordon sanitaire autour des banques


    Une autre caractéristique spécifique du système bancaire est l'interdiction faite aux banques de lier leurs intérêts avec ceux des entreprises ayant une activité industrielle ou commerciale. Alors qu'en Europe il n'est pas rare de voir des liaisons financières étroites entre banques et assurances, banques et industrie, banques et immobilier, etc... une telle confusion n'est pas possible aux Etats Unis.

    Ici, c'est une loi fédérale, la loi Glass-steagall de 1933 qui a prôné la séparation des activités bancaires et d'investissements bancaires. Cela a été confirmé par la loi sur les CHM de 1956: on ne peut tourner la législation en constituant des holdings.

    Comment expliquer de telles dispositions ?

    Une première raison est la peur de voir l'association banques-affaires bénéficier d'un avantage énorme sur le marché et détruire la concurrence. On a suggéré que les opérations commerciales d'un tel organisme (conglomérat banquiers-commerciaux) fonctionneraient avec un avantage équitable par rapport à leurs concurrents qui ne feraient pas partie de tels conglomérats.

    On a eu également peur qu'en donnant aux banques la possibilité de créer des conglomérats, on leur donnerait une puissance politique injustifiée. C'est la vieille crainte populaire du "mur d'argent". Mais pourquoi la concentration industrielle ne ferait-elle pas naître les mêmes sentiments ? Il n'existe pourtant pas de loi limitant la taille des entreprises ou la constitution de conglomérats industriels. On peut aussi se dire qu'une branche d'activité composée de petites entreprises s'organisant en corporation efficace peut être aussi puissante politiquement qu'une branche dominée par quelques grandes firmes.

    Au fond, tout cela repose sur l'idée que les banques détiennent un quelconque degré de pouvoir de marché et peuvent établir le prix du crédit. Si cela était, elles détiendraient tout le monde à leur merci. Mais, dans ces conditions, ne voit-on pas que la meilleure défense serait non pas de restreindre l'activité bancaire, mais de laisser librement jouer la concurrence entre banques ?

    D'autres, enfin, ont été en faveur des limitations de l'activité bancaire au prétexte que les banques bénéficiaient d'une garantie des pouvoirs publics (avec la Federal Deposit Insurance Corporation). Mais, comme on le verra, la FDIC a été imposée aux banques, et elle court plus de risques avec des banques de faible taille et entravées qu'avec des banques libérées. De toute manière, ce problème est plutôt un argument pour restructurer l'assurance des dépôts que pour empêcher la confusion des activités bancaires et commerciales. Des banques libres d'élargir leurs activités pourraient diversifier leur portefeuille et les risques s'en trouveraient globalement diminués, même si certaines activités hors banque étaient très risquées. Même les activités très risquées peuvent être intégrées pour diminuer la variabilité des gains totaux si sa covariance avec les gains bancaires existants est faible ou négative.

    A la limite d'ailleurs, que serait une banque qui ne prendrait plus de risque ? Ce serait, par exemple, une banque qui n'accorderait plus de crédit !
    Dernière modification par ballZ, 07 octobre 2008, 22h43.
    ?

  • #2
    Le piège de l'assurance des dépôts

    Aujourd'hui, non seulement les banques américaines sont en difficulté, mais la débâcle est complète dans le secteur des Caisses d'Epargne.

    Il en est ainsi à cause de l'invention diabolique des Américains en 1933: l'assurance automatique des dépôts par la puissance publique.

    Impressionnés par les banqueroutes de la crise de 1929, les politiciens ont obligé les banques américaines à adhérer à un système fédéral d'assurance des dépôts (FDIC): voilà les citoyens américains protégés contre les faillites bancaires. Mais voilà aussi qui amoindrit la gravité des faillites bancaires: le banquier a toujours le filet de sécurité du FDIC. Et, pour peu que la banque considérée soit importante, et fasse courir de gros risques au FDIC, c'est le Federal Reserve System qui viendra au secours de l'établissement menacé. Cette pratique a abouti à un flot d'inconscience croissante des banquiers, mais les choses sont allées encore plus loin avec les Caisses d'Epargne.

    Tout a commencé par un sérieux relèvement du montant des dépôts garantis.

    En 1933, le montant maximum était de 2.500 dollars. En 1980, le Congrès fixa le plafond à 100.000 dollars !

    En même temps qu'on relevait les plafonds, on libéralisait les conditions dans lesquelles les Caisses d'Epargne pouvaient ouvrir des crédits: en pratique, presque plus aucune opération ne leur était désormais interdite.

    Dans ces conditions, beaucoup de Caisses d'Epargne commencèrent à acheter agressivement des dépôts assurés (c'est à dire garantis) pour financer leur croissance rapide. Les Caisses se lancent alors dans la cavalerie: elles prétendent éponger les pertes actuelles dues à des risques inconsidérés grâce aux profits futurs qu'elles réaliseront sur des opérations encore plus risquées ! Comme toujours, la cavalerie se termine par une quête d'argent au jour le jour.

    Les Caisses d'Epargne à la recherche d'une profitabilité élevée se sont donc engagées dans des opérations de plus en plus risquées, de façon tout à fait irresponsable


    La voie européenne

    Il semblerait que la banque européenne ait pris dans le passé une voie très différente. Sera-t-elle gardée dans les prochaines années ?

    Jusqu'à présent, à part les Anglais qui sont plus près de la tradition de "spécialisation" américaine, les banques européennes—et notamment les banques allemandes, ont des réseaux importants et des activités dans tous les domaines. Il semblerait que les échéances de 1993 ne modifient pas cette ligne générale.

    Les pays européens pourront, en effet, bénéficier du jeu du principe de la "mutuelle reconnaissance des normes" établi par l'Acte Unique. Le principe de reconnaissance mutuelle signifie que le pouvoir de contrôle sur la régulation bancaire appartient au pays d'origine. Cette approche va amener les entreprises financières à se domicilier dans les pays aux réglementations bancaires les plus libérales. Cette tendance, à son tour, poussera les autres pays à réexaminer leurs systèmes réglementaires bancaires et à les refondre pour leur donner la forme élaborée par les gouvernements les plus libéraux.

    Ce système est bien préférable à celui des Etats Unis, où les relations entre les Etats font intervenir des réglementations fédérales. Ainsi, il y a, à l'intérieur de chaque Etat, une double législation: celle de l'Etat, et celle des pouvoirs fédéraux de Washington. C'est un système bancaire "dual" .

    Le Congrès ne semble pas comprendre cette situation. Le FED et son Président, Alan Greenspan, essaient d'introduire des règles nouvelles, notamment en accroissant les pouvoirs financiers des banques commerciales. Bien que les arguments économiques en faveur de la banque universelle soient évidents, le système politique américain n'est pas arrivé à saisir les avantages qu'il pourrait tirer de l'approche européenne des banques.

    Le pronostic paraît donc facile: dans les années 90, l'Europe, ou du moins la CEE, aura des échanges bancaires plus libres qu'aux Etats Unis.


    Apprendre les uns des autres : les expériences bancaires américaines et européennes
    par Robert T. Clair et Gerald P. O’Driscoll.

    Revue des Etudes Humaines, numéro 9, septembre 1992.
    ?

    Commentaire

    Chargement...
    X