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De la fondation d’Alger et de sa noble et antique origine

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  • De la fondation d’Alger et de sa noble et antique origine

    La ville généralement connue sous le nom d’Alger, si tristement renommée de nos jours par les nombreux et incessants dommages que ses habitants causent à tous les Etats de la chrétienté, est située en Afrique dans la province appelée autrefois Mauritanie Césarienne, sur les bords de la mer Méditerranée, à une élévation du pôle d’environ 37 degrés.

    On ignore l’époque de sa fondation, ainsi que le nom de son fondateur, cependant l’historien maure Jean Léon, dit dans sa description de l’Afrique qu’Alger ayant été anciennement construite par une peuplade de l’Afrique appelée Mesgrana (Beni Mesr’anna) avait dans le principe porté ce dernier nom ; toutefois, il n’indique aucune date, et ne cite, comme cela est indispensable, aucun autre auteur pour confirmer ses allégations. Cependant, ce nom de Mesgrana se rapportant à une nation, à une peuplade ou à une cité, ne se trouve ni dans Strabon, ni dans Pline, ni dans Polybe, ni dans l’Itinéraire d’Antonin, et pourtant, ces ouvrages contiennent une description minutieuse de toutes les provinces de l’Afrique et qui plus est des peuples et des villes du monde entier. L’opinion la plus certaine et la plus ancienne à ce sujet est celle émise par Strabon, historien d’une autorité incontestable qui, en traitant des villes et populations de la Mauritanie Césarienne, dit en parlant d’Alger bien qu’il ne lui donne pas son vrai nom : «Sur cette côte, il y avait une ville appelée Iol, Juba, père de Ptolémée, l’ayant construite, changea son nom en celui de Caesarea. Cette ville possède un port en avant duquel on voit une petite île.»

    L’opinion de Strabon, confirmée par un grand nombre d’auteurs, démontre que la latitude d’Alger que nous avons indiquée comme étant de 37°3/4 est à peu de chose près la même que celle que Ptolémée assigne à Iol Caesarea. Il est facile de reconnaître que la situation actuelle d’Alger, sa distance des autres localités environnantes se rapporte parfaitement à tout ce qui est dit sur Iol Caesarea dans les Tables de Ptolémée, la Géographie de Strabon et l’Itinéraire d’Antonin. Si tous ces témoignages étaient insuffisants, nous trouverions la preuve la plus évidente dans le texte de Strabon plus haut cité, quand il dit : Iol Caesarea était une ville maritime sise dans la Mauritanie Césarienne qui possédait un port au-devant duquel se trouve un îlot. Nous voyons, donc, qu’Alger se trouve exactement dans ces conditions particulières que ne remplit aucune autre ville maritime de la Mauritanie Césarienne. On doit également conclure de ce fait qu’Alger est une ville très ancienne, que construite bien avant le temps d’Auguste César, elle devait se trouver déjà en ruine à cette époque, puisque Strabon dit que le roi Juba entreprit de la reconstruire. Afin de faire comprendre le motif qui poussa ce roi à lui donner le nom de Caesarea, il est bon de savoir que Strabon n’entend pas parler ici du roi Juba, premier de ce nom, fils du grand Bocchus, roi de Mauritanie qui livra Jugurtha, roi de Numidie, à L. Silla envoyé de Marius, et qui ayant embrassé plus tard le parti de Pompé fut vaincu par César et se donna la mort.

    Or, il s’agit ici de Juba II, son fils ; ce prince très jeune au moment de la mort de son père, tomba aux mains de César qui l’emmena pour orner son triomphe et le fit attacher avec les autres captifs au-devant de son char, suivant la coutume. Ce jeune Juba, doué d’une grande intelligence et d’un esprit supérieur fut élevé à Rome, il y acquit une excellente instruction qui lui permit d’écrire une histoire citée souvent par Pline et plusieurs autres écrivains. On a dit de ce prince que de Numide barbare, il en était venu à se faire comprendre parmi les écrivains les plus savants, et que la supériorité de son instruction l’avait rendu plus remarquable que le pouvoir royal qu’il avait exercé.

    Ses talents et ses qualités personnelles le firent rechercher et aimer d’Auguste (le successeur de Jules César) : ce prince lui rendit non seulement sa liberté, mais encore le maria à Silène (Séléné) fille de Marc-Antoine et de Cléopâtre reine d’Egypte. D’après Suétone, cette jeune fille ainsi que ses frères et sœurs germains avaient été amenés d’Egypte sur ordre d’Auguste qui les fit élever dans son propre palais. Ce souverain en mariant Juba, lui rendit les Etats que son père possédait de son vivant ; ils comprenaient la Mauritanie tout entière, et de plus, suivant la division de cette époque, les royaumes de Sud, de Tlemcen, de Maroc, de Tirudante, de Fez, d’Oran, de Ténès, d’Alger, de Bougie jusqu’à Bône, formant dans leur ensemble une vaste région composée de provinces riches et fertiles. En parlant de cette restitution, Plutarque dit avec raison que la captivité de Juba fut la cause de son bonheur.

    Réintégré dans le royaume de ses pères, ce prince fit comme tous les souverains amis de Rome, qui, soit pour flatter César Auguste, soit pour se montrer reconnaissants de ses bienfaits (très nombreux d’après Suétone) fondèrent dans leurs Etats quelques villes ou localités auxquelles ils donnaient le nom de César Auguste. Ainsi procéda Archelaüs en Cappadoce, de même agirent les vétérans de l’armée romaine en Espagne, et beaucoup d’autres en divers lieux qui fondèrent ou reconstruisirent des villes, les agrandirent et, après les avoir embellies par l’érection d’œuvres de la plus grande munificence, telles que tours, théâtres, aqueducs et temples, leur appliquaient le nom de Julia Augusta ou celui de Caesarea.

    C’est également de cette manière que procéda Hérode pour la tour de Straton, il l’orna de constructions élevées avec la plus grande magnificence et la nomma Caesarea, en l’honneur d’Auguste César. Le roi Juba, autant pour imiter cet exemple que pour donner une preuve de sa reconnaissance à celui qui l’avait comblé de ses bienfaits, reconstruisit, suivant Strabon, la ville de Iol et lui donna le nom de Caesarea.

    Ce fait donne lieu de croire qu’avant cette restauration Iol était une cité importante, puisque Juba l’avait choisie parmi tant d’autres villes très remarquables de ses Etats pour recevoir le nom du très illustre et très puissant empereur à qui il devait tout. Il est certain que l’importance de cette cité a dû s’accroître considérablement depuis qu’un souverain puissant et riche l’avait reconstruite avec tant d’empressement dans l’unique but d’éterniser la gloire et le nom d’un empereur aussi célèbre que le fut Auguste. Il devait d’autant plus en être ainsi qu’en dehors de ce dernier motif, le roi Juba, bien qu’il possédât dans ses Etats plusieurs villes fort considérables, choisit dès lors et désigna spécialement Iol Caesarea pour capitale et s’y fixa avec sa cour, ainsi que Pline nous le fait connaître dans son histoire.
    Après la mort de Juba, l’empereur Caligula fit méchamment mourir Ptolémée, fils de ce roi dont il était le parent, puisque Séléné, mère de Ptolémée, était, ainsi que nous l’avons dit, fille de Marc-Antoine et par conséquent alliée à Caligula, qui était arrière-petit-fils de Marc-Antoine, et petit-fils de sa plus jeune fille Antonia ; celle-ci, en effet, avait eu de son union avec Drusus, beau-fils d’Auguste, un fils qui fut Germanicus, père de Caligula.

    Ce dernier, par suite de ce meurtre, s’empara de tout le royaume de Mauritanie qu’il divisa en deux grandes provinces, ainsi que le raconte l’historien Suétone. Il appela la première Mauritanie Tingitane, du nom de la ville de Tingis, aujourd’hui Tanger, ville considérable bâtie autrefois par Anthée et que son importance désignait au choix de l’empereur comme capitale de cette province. La seconde fut appelée Mauritanie Césarienne du nom de Iol Caesarea, parce que cette ville était devenue, ainsi que nous l’avons dit, la capitale de cette grande province.

    Ce fait confirme notre opinion déjà exprimée au sujet de l’origine illustre et de la haute renommée de Iol Caesarea à cette époque reculée ; s’il n’en avait pas été ainsi, jamais l’empereur romain ne l’eût appelée dans ce partage à devenir la capitale d’une aussi vaste et aussi belle province, et n’en eût pas fait, par conséquent, la résidence du proconsul, ni le siège d’un tribunal, faveur dont jouissaient uniquement les villes métropolitaines, résidence habituelle des gouverneurs romains. Ces tribunaux portaient le nom de «Conventus Provinciarum», parce que de tous les points de chacune des provinces on y avait recours pour l’administration de la justice. Plus tard, l’empereur Claude qui succéda à Caligula ennoblit encore davantage Iol Caesarea parce que suivant Pline il lui conféra le titre de colonie romaine et la rendit par ce fait le séjour habituel d’un grand nombre de soldats et de vétérans romains. (A suivre}

    Par la Nouvelle République
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