Face à l'ampleur de la crise, marquée par une chute historique à la Bourse de New York et des faillites bancaires en chaîne, la mobilisation s'organise. Nicolas Sarkozy multiplie les réunions pour rassurer les Français et tenter de fédérer les européens autour d'un projet de capitalisme rénové susceptible de mettre fin aux errements des marchés. Sa priorité : le retour à la confiance, pour rétablir le fonctionnement normal des marchés et éloigner la menace d'une récession de l'économie.
1. Renforcer les pouvoirs et l'information des autorités de régulation
L'origine de la crise vient de l'excès de crédits risqués (immobilier, consommation, automobile...) aux Etats-Unis, dont les prêteurs n'assument plus la responsabilité. Ils représentent outre-Atlantique une masse de plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars très supérieure aux seuls subprimes évalués autour de 1 300 milliards de dollars. Ces crédits, générés au départ par des banques d'affaires ou des organismes de prêt, ne sont pas soumis aux règles classiques de limitation des risques qu'on connaît en europe. Ils sont seulement surveillés par la SEC (Securities and Exchange Commission), ce qui est notoirement insuffisant.
Dénonçant une « véritable jungle », Ernest-Antoine Seillière, le patron des patrons européens, plaide pour un renforcement des pouvoirs des autorités en charge de la surveillance des marchés financiers. Un point de vue partagé par beaucoup, alors que les marchés financiers sont engagés dans la tourmente, donnant le sentiment d'une impuissance inquiétante des régulateurs. « Les excès des marchés financiers sont dus dans une large mesure au fait que les autorités de régulation n'ont pas su exercer vraiment leur contrôle, dénonce le financier George Soros dans La Vérité sur la crise financière (Denoël, 2008). Il faut que les régulateurs fassent l'effort de se doter d'une meilleure compréhension des innovations récentes, et n'autorisent pas les pratiques qu'ils ne comprennent pas totalement. L'idée que la gestion du risque puisse être laissée aux mains des acteurs eux-mêmes est une aberration. Il existe, en effet, des risques systémiques qu'il appartient aux autorités de régulation de gérer, et elles doivent disposer pour ce faire de l'information adéquate. »
2. Mettre un terme à la sophistication à outrance des produits financiers
« La pire des erreurs est peut-être d'avoir introduit des polytechniciens dans les salles de marchés ! » confie un banquier parisien. La sophistication démesurée des produits a, il est vrai, conduit aux pires excès. L'exemple le plus flagrant en a été donné aux Etats-Unis, à l'occasion de la crise des subprimes qui a éclaté durant l'été 2007. Au départ, la Fed avait assoupli ses taux d'intérêt après la crise du 11 septembre 2001, ce qui a permis aux banques d'affaires et d'investissement de développer fortement le crédit immobilier, sans être regardantes sur la qualité et la solvabilité des emprunteurs. Pour développer leur fonds de commerce, elles ont émis du papier commercial qu'elles ont mêlé à des produits sains, de manière à pouvoir les vendre plus facilement à des fonds d'investissement ou des sicav. C'est ce qu'on appelle la titrisation. Celle-ci a connu d'autant plus de succès que les prix de l'immobilier ne cessaient de monter. Aujourd'hui, avec le retournement du marché, plus personne ne veut de ce papier commercial. Comme ce système complexe a été étendu à l'ensemble des crédits à la consommation, la menace se trouve aujourd'hui démultipliée. Pour doper les performances, les établissements financiers en sont venus à proposer sans cesse des produits nouveaux. On peut aujourd'hui souscrire à quelque 8 000 fonds communs de placement, ceux qui les vendent n'en connaissant pas toujours le contenu ni le fonctionnement et insistant sur une sécurité illusoire pour appâter les épargnants. Revenir à des produits simples, compréhensibles par tous, est une priorité pour parvenir à un fonctionnement plus sain des marchés financiers.
3. Lutter contre les prises de risque excessives
Rien ne sera plus comme avant dans la vie des traders ! Ceux-ci n'ont cessé de vouloir reculer les limites de la performance dans la recherche du profit. Depuis une dizaine d'années, les sociétés cotées vivaient sous le diktat suivant : « Augmenter de 15 % leurs bénéfices chaque année. » Un objectif qui, pour être atteint, exigeait une prise de risque croissante. Celle-ci a été facilitée par les produits à effet de levier mis au point dans les officines bancaires, qui assuraient un effet multiplicateur. Le mode de rémunération dans la banque d'investissement a aggravé les comportements : les traders touchaient en effet des bonus pour les bonnes opérations qu'ils avaient réalisées et n'étaient pas affectés par les échecs, alors que les actionnaires et les clients payaient les pots cassés. Parallèlement, les contrôles se faisaient moins sévères, comme on l'a vu à la Société générale, dès lors que les profits étaient au rendez-vous. Il est indispensable de revenir à des procédures normales et de remettre sur le chantier la lutte contre la prise de risque excessive.
4. Contrôler les hedge funds
Ils ont pris une ampleur considérable. Certains ont un caractère entièrement privé, d'autres sont contrôlés par des Etats. Ils sont basés pour les deux tiers dans des paradis fiscaux, ont une force de frappe évaluée à plusieurs milliers de milliards de dollars. Ils se tiennent soigneusement à l'écart de tout contrôle et opèrent sur les marchés des matières premières, et en particulier du pétrole, souvent directement entre les professionnels et les clients, avec des contrats à terme opaques. Malgré leur puissance, ils sont vulnérables. Ils avaient défrayé la chronique en 1998 lorsque l'un des plus grands d'entre eux à l'époque, LTCM, avait fait chanceler Wall Street et contraint la Fed à baisser ses taux d'intérêt pour soulager ses créanciers et ramener la confiance des marchés. Aujourd'hui, avec la chute brutale des matières premières, plusieurs hedge funds sont menacés et font peser un risque de faillite aux marchés. Le financier George Soros demande que ces entités fassent l'objet d'une supervision réglementaire. D'autres économistes proposent de réserver les marchés à terme à ceux qui réalisent des transactions réelles sans recherche de spéculation.
5. Améliorer le fonctionnement des agences de notation
Standard &Poor's, Moody's, Fitch... Ces trois agences de notation financière, en position d'oligopole au niveau mondial, jouent un rôle clé dans l'évaluation des risques présentés par les titres et produits financiers échangés sur les marchés. Elles sont aujourd'hui sur la sellette ; on les accuse d'avoir trompé les investisseurs en jugeant que les produits liés aux subprimes étaient sans risque. On critique aussi leur manque de transparence et la méthodologie qu'elles appliquent. On souligne enfin qu'elles sont payées par les entreprises qu'elles notent, ce qui peut nuire à leur indépendance et les placer dans des situations de conflit d'intérêts. Les économistes du Conseil d'analyse économique préconisent de revoir le système de tarification des agences de notation, et souhaitent réduire l'influence américaine prépondérante par la création d'un label européen des agences.
6. Modifier les règles comptables
Les nouvelles normes comptables imposées par les Etats-Unis, qui sont devenues aujourd'hui la règle commune, partaient de la volonté d'améliorer la transparence des comptes des entreprises et des établissements financiers en les obligeant à évaluer leurs actifs au prix du marché. Cette pratique, baptisée « mark to market », a eu des effets pervers car elle a contribué à accentuer les effets de la crise. Auparavant, lorsqu'une société était confrontée à une mauvaise passe, elle pouvait opérer un lissage des pertes dans son bilan en attendant de revenir à meilleure fortune. Désormais, elle doit immédiatement prendre en compte la dépréciation de ses actifs, ce qui oblige les banques, par exemple, à procéder à une augmentation de capital pour maintenir le niveau de leurs fonds propres et répondre ainsi aux critères de solvabilité imposés par la réglementation internationale connue sous le nom de Bâle 2. « Vouloir reconstituer les marges par des augmentations de capital instantanées, à prix cassé, est un facteur de ruine pour les actionnaires et de défiance pour les clients », dénonce Henri de Castries, président d'Axa (Les Echos, 22/9/2008).
1. Renforcer les pouvoirs et l'information des autorités de régulation
L'origine de la crise vient de l'excès de crédits risqués (immobilier, consommation, automobile...) aux Etats-Unis, dont les prêteurs n'assument plus la responsabilité. Ils représentent outre-Atlantique une masse de plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars très supérieure aux seuls subprimes évalués autour de 1 300 milliards de dollars. Ces crédits, générés au départ par des banques d'affaires ou des organismes de prêt, ne sont pas soumis aux règles classiques de limitation des risques qu'on connaît en europe. Ils sont seulement surveillés par la SEC (Securities and Exchange Commission), ce qui est notoirement insuffisant.
Dénonçant une « véritable jungle », Ernest-Antoine Seillière, le patron des patrons européens, plaide pour un renforcement des pouvoirs des autorités en charge de la surveillance des marchés financiers. Un point de vue partagé par beaucoup, alors que les marchés financiers sont engagés dans la tourmente, donnant le sentiment d'une impuissance inquiétante des régulateurs. « Les excès des marchés financiers sont dus dans une large mesure au fait que les autorités de régulation n'ont pas su exercer vraiment leur contrôle, dénonce le financier George Soros dans La Vérité sur la crise financière (Denoël, 2008). Il faut que les régulateurs fassent l'effort de se doter d'une meilleure compréhension des innovations récentes, et n'autorisent pas les pratiques qu'ils ne comprennent pas totalement. L'idée que la gestion du risque puisse être laissée aux mains des acteurs eux-mêmes est une aberration. Il existe, en effet, des risques systémiques qu'il appartient aux autorités de régulation de gérer, et elles doivent disposer pour ce faire de l'information adéquate. »
2. Mettre un terme à la sophistication à outrance des produits financiers
« La pire des erreurs est peut-être d'avoir introduit des polytechniciens dans les salles de marchés ! » confie un banquier parisien. La sophistication démesurée des produits a, il est vrai, conduit aux pires excès. L'exemple le plus flagrant en a été donné aux Etats-Unis, à l'occasion de la crise des subprimes qui a éclaté durant l'été 2007. Au départ, la Fed avait assoupli ses taux d'intérêt après la crise du 11 septembre 2001, ce qui a permis aux banques d'affaires et d'investissement de développer fortement le crédit immobilier, sans être regardantes sur la qualité et la solvabilité des emprunteurs. Pour développer leur fonds de commerce, elles ont émis du papier commercial qu'elles ont mêlé à des produits sains, de manière à pouvoir les vendre plus facilement à des fonds d'investissement ou des sicav. C'est ce qu'on appelle la titrisation. Celle-ci a connu d'autant plus de succès que les prix de l'immobilier ne cessaient de monter. Aujourd'hui, avec le retournement du marché, plus personne ne veut de ce papier commercial. Comme ce système complexe a été étendu à l'ensemble des crédits à la consommation, la menace se trouve aujourd'hui démultipliée. Pour doper les performances, les établissements financiers en sont venus à proposer sans cesse des produits nouveaux. On peut aujourd'hui souscrire à quelque 8 000 fonds communs de placement, ceux qui les vendent n'en connaissant pas toujours le contenu ni le fonctionnement et insistant sur une sécurité illusoire pour appâter les épargnants. Revenir à des produits simples, compréhensibles par tous, est une priorité pour parvenir à un fonctionnement plus sain des marchés financiers.
3. Lutter contre les prises de risque excessives
Rien ne sera plus comme avant dans la vie des traders ! Ceux-ci n'ont cessé de vouloir reculer les limites de la performance dans la recherche du profit. Depuis une dizaine d'années, les sociétés cotées vivaient sous le diktat suivant : « Augmenter de 15 % leurs bénéfices chaque année. » Un objectif qui, pour être atteint, exigeait une prise de risque croissante. Celle-ci a été facilitée par les produits à effet de levier mis au point dans les officines bancaires, qui assuraient un effet multiplicateur. Le mode de rémunération dans la banque d'investissement a aggravé les comportements : les traders touchaient en effet des bonus pour les bonnes opérations qu'ils avaient réalisées et n'étaient pas affectés par les échecs, alors que les actionnaires et les clients payaient les pots cassés. Parallèlement, les contrôles se faisaient moins sévères, comme on l'a vu à la Société générale, dès lors que les profits étaient au rendez-vous. Il est indispensable de revenir à des procédures normales et de remettre sur le chantier la lutte contre la prise de risque excessive.
4. Contrôler les hedge funds
Ils ont pris une ampleur considérable. Certains ont un caractère entièrement privé, d'autres sont contrôlés par des Etats. Ils sont basés pour les deux tiers dans des paradis fiscaux, ont une force de frappe évaluée à plusieurs milliers de milliards de dollars. Ils se tiennent soigneusement à l'écart de tout contrôle et opèrent sur les marchés des matières premières, et en particulier du pétrole, souvent directement entre les professionnels et les clients, avec des contrats à terme opaques. Malgré leur puissance, ils sont vulnérables. Ils avaient défrayé la chronique en 1998 lorsque l'un des plus grands d'entre eux à l'époque, LTCM, avait fait chanceler Wall Street et contraint la Fed à baisser ses taux d'intérêt pour soulager ses créanciers et ramener la confiance des marchés. Aujourd'hui, avec la chute brutale des matières premières, plusieurs hedge funds sont menacés et font peser un risque de faillite aux marchés. Le financier George Soros demande que ces entités fassent l'objet d'une supervision réglementaire. D'autres économistes proposent de réserver les marchés à terme à ceux qui réalisent des transactions réelles sans recherche de spéculation.
5. Améliorer le fonctionnement des agences de notation
Standard &Poor's, Moody's, Fitch... Ces trois agences de notation financière, en position d'oligopole au niveau mondial, jouent un rôle clé dans l'évaluation des risques présentés par les titres et produits financiers échangés sur les marchés. Elles sont aujourd'hui sur la sellette ; on les accuse d'avoir trompé les investisseurs en jugeant que les produits liés aux subprimes étaient sans risque. On critique aussi leur manque de transparence et la méthodologie qu'elles appliquent. On souligne enfin qu'elles sont payées par les entreprises qu'elles notent, ce qui peut nuire à leur indépendance et les placer dans des situations de conflit d'intérêts. Les économistes du Conseil d'analyse économique préconisent de revoir le système de tarification des agences de notation, et souhaitent réduire l'influence américaine prépondérante par la création d'un label européen des agences.
6. Modifier les règles comptables
Les nouvelles normes comptables imposées par les Etats-Unis, qui sont devenues aujourd'hui la règle commune, partaient de la volonté d'améliorer la transparence des comptes des entreprises et des établissements financiers en les obligeant à évaluer leurs actifs au prix du marché. Cette pratique, baptisée « mark to market », a eu des effets pervers car elle a contribué à accentuer les effets de la crise. Auparavant, lorsqu'une société était confrontée à une mauvaise passe, elle pouvait opérer un lissage des pertes dans son bilan en attendant de revenir à meilleure fortune. Désormais, elle doit immédiatement prendre en compte la dépréciation de ses actifs, ce qui oblige les banques, par exemple, à procéder à une augmentation de capital pour maintenir le niveau de leurs fonds propres et répondre ainsi aux critères de solvabilité imposés par la réglementation internationale connue sous le nom de Bâle 2. « Vouloir reconstituer les marges par des augmentations de capital instantanées, à prix cassé, est un facteur de ruine pour les actionnaires et de défiance pour les clients », dénonce Henri de Castries, président d'Axa (Les Echos, 22/9/2008).
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