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L'avortement au Maroc

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  • L'avortement au Maroc

    Propos recueillis par
    Cerise Maréchaud
    Avortement. "Je ne comprends pas le silence des féministes"



    Le Pr Chafik Chraïbi, chef de service à la maternité des Orangers au CHU de Rabat, appelle à la légalisation, sous conditions, de l’avortement au Maroc. Quitte à braver le tabou. Entretien.


    Vous êtes le fondateur et président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC). Aurait-elle aussi bien pu s’appeler Association pour la légalisation de l’avortement au Maroc ?
    En effet, mais j’évite d’utiliser ce terme car il fait peur.
    Même si, in fine, son but est d’aboutir à un projet de loi pour sa

    libéralisation.

    Libéralisation, légalisation, ce n’est pas la même chose…
    Pour moi, c’est pareil, cela signifie libérer complètement. Mais pour le moment, il faut aller crescendo, légaliser l’avortement sous certaines indications, comme les malformations fœtales, le viol, l’inceste, mais aussi certaines situations sociales, qui représentent en fait la majorité des cas. Je crois que la société n’est pas prête pour une libéralisation totale. C’est pourquoi je préfère un peu camoufler ce terme, pour ne pas m’attirer les critiques, alors que, jusqu’à présent, je n’ai eu que des encouragements. Et j’en ai été très agréablement surpris.

    Y a-t-il véritablement urgence ?
    Une urgence absolue. Chaque jour, des centaines de femmes avortent clandestinement. Chaque jour, nous recevons des patientes dans des situations catastrophiques … On ferme les yeux, car on ne sait pas à qui s’adresser. Désormais, par la voie de l’Association, on aimerait pouvoir se constituer partie civile contre ceux qui pratiquent l’avortement clandestin non médicalisé.

    N’est-ce pas couvrir les médecins, quand on sait que la grande majorité des avortements se font en milieu médicalisé, ce qui n’est pas sans risque non plus, et que beaucoup profitent de ce marché ?
    Je ne veux ni les protéger ni les blâmer, ce ne serait dans l’intérêt de personne. Car de toute évidence, cela règle bien des problèmes. Le but est que l'avortement puisse se faire de façon légale, dans de bonnes conditions sanitaires, à moindre risque et à moindre coût. En attendant une loi, ce qu’il faut combattre en priorité, ce sont les avortements non médicalisés, pratiqués par des qablate, ou des herboristes…

    Un débat politique sur l’avortement est-il réellement possible aujourd’hui ?
    Le Maroc est un pays qui se libère, se modernise, se veut de plus en plus transparent. Et l’interdiction de l’avortement est une hypocrisie. On sait que beaucoup y ont recours, mais on n'en parle jamais, sauf lorsqu'il y a des complications.

    Vous êtes chef de service au CHU de Rabat, vous voulez médiatiser la question de l'avortement. Votre prise de position n'est-elle pas risquée ?
    Non, parce qu'elle est claire : je ne suis pas pour l’avortement, mais pour la santé de la mère. Justement, la ministre de la Santé, Yasmina Baddou, a fait de la lutte contre la mortalité maternelle (dont 13% de cas sont liés à l’avortement, selon l’Organisation mondiale de la santé) son cheval de bataille. Sur l’aspect social, elle est avec moi. Pour l’instant, elle ne veut pas monter elle-même au créneau, mais je veux bien jouer le rôle du bouc émissaire. à ma manière, j’encourage notre ministre à être la Simone Veil du Maroc.

    Yasmina Baddou a légalisé la pilule du lendemain. Est-ce un premier pas naturel vers la légalisation de l’avortement ?
    C’est une toute petite avancée. Mais attention, les gens font l’amalgame : la pilule du lendemain n’a rien d’une pilule abortive, donc sur le plan médical, on ne doit pas l’associer à l’avortement. Cela dit, sur le plan psychologique, la pilule du lendemain est une manière de reconnaître qu’il y a des relations sexuelles non programmées, des grossesses non désirées. C’est un pays où les mœurs sont libres, il faut l'admettre. Mais encore une fois, je ne veux pas passer pour le type qui veut libéraliser l’avortement sans garde-fous. Je préconise notamment de le placer sous le contrôle d’un comité d’éthique et l’interdiction de pratiquer une IVG (interruption volontaire de la grossesse) à deux mois de grossesse. Ce délai de huit semaines, les responsables du PJD que j’ai contactés il y a une quinzaine de jours, en l'occurrence Saâdeddine El Othmani et Mustapha Ramid, semblaient ne pas être contre…

    Sont-ils les seuls à avoir réagi ?
    Oui, pour l’instant. Ils m’ont affirmé que le PJD allait lui-même prendre l’initiative d’organiser un débat au Parlement. À l’inverse, je suis très surpris de n’avoir, pour le moment, reçu aucune réaction ni soutien d’associations féminines. Je ne comprends pas ce silence.

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