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Warren Buffett sur le sentier de la guerre

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  • Warren Buffett sur le sentier de la guerre

    Ca y est, c’est reparti. Comme en 1973, en 1990 ou en 2002, le plus célèbre, et le plus riche, investisseur du monde flaire les bonnes affaires. Après l’électricien Constellation la semaine dernière, il veut investir près de 5 milliards de dollars dans la banque Goldman Sachs en difficulté. Le pari est risqué, mais en 40 ans, Warren Buffett a construit un énorme conglomérat avec ses règles bien à lui. Visite guidée...
    http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=2213

    Que serait le monde de la finance sans les aphorismes, volontiers coquins, de Warren Buffett ? Quelque chose comme la morale quotidienne sans les « Fables » de La Fontaine et les blagues de Coluche. Dans l’ambiance actuelle de tremblement de terre à Wall Street, c’est une indispensable manière de prendre de la distance. Ainsi, quand il évoque les investissements qui se révèlent désastreux après coup, il convoque immédiatement le vieux chanteur country Bobby Blare, qui fredonne : « Je ne me suis jamais mis au lit avec une femme laide, mais je me suis parfois réveillé avec quelques-unes. »

    Et en ce moment, les réveils pénibles ne manquent pas du côté des banques d’affaires de Manhattan. Comme Buffett le rappelait dans sa dernière lettre aux actionnaires de sa société Berkshire Hathaway : « C’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui nageaient tout nus... et le spectacle de nos grandes institutions financières n’est pas beau à voir ! »

    En dépit de cette vision d’horreur, c’est le genre d’atmosphère qui plaît au plus célèbre investisseur du monde, lui qui assure qu’à chaque krach boursier il se sent « comme un obsédé sexuel dans un harem ». 1973, 1979, 1990, 2002, chacune des grandes crises de ces trente dernières années a été l’occasion pour lui d’élargir son empire.

    Le rapide mouvement observé la semaine dernière sur le producteur d’électricité Constellation, au nez et à la barbe d’EDF, appartient à ces mouvements stratégiques qu’il affectionne. Un secteur qui lui plaît, l’énergie, une entreprise qu’il observe depuis longtemps et enfin le déclic d’un effondrement du cours de Bourse de sa cible. Alors grand- père Warren sort de sa tanière d’Omaha, la grande ville des hautes plaines du Nebraska qui abrite le modeste siège de Berkshire Hathaway. Avec ses grosses lunettes, ses sourcils broussailleux et ses bonnes blagues, il inspire tellement plus confiance que ces loups de Wall Street ou du « private equity ». Mais il ne faut pas se fier aux apparences. La seule chose qui le différencie des autres loups, outre sa bonne humeur, c’est surtout sa patience. Pour le reste, il a pour l’instant offert à ses actionnaires un rendement inouï de plus de 20 % par an sur les quarante-deux ans de son existence. Un record qu’aimeraient bien égaler tous les pirates de Wall Street.

    Parti en 1965 d’une petite filature de coton de Nouvelle-Angleterre, Berkshire Hathaway est plus qu’un fonds d’investissement. C’est un groupe géant qui comprend trois activités distinctes et complémentaires. Des sociétés d’assurances et de réassurance d’abord, qui apportent une grosse tirelire pleine de l’argent des assurés à investir (près de 60 milliards de dollars). Une activité plus industrielle ensuite, avec des entreprises qui emploient près de 230.000 personnes dans des secteurs traditionnels et de long terme comme la brique, les moquettes, la bijouterie, les wagons de chemin de fer ou la confiserie, pour la récurrence des revenus. Ces sociétés n’ont pas vocation à être revendues. Troisième pilier, enfin, du système Buffett, une activité d’investissement plus opportuniste et liquide dans des produits financiers et des actions de grandes entreprises cotées.

    Aujourd’hui, sa stratégie est clairement de privilégier l’acquisition d’entreprises en totalité. Car, en bon investisseur, qui a toujours soigneusement épargné et placé ses économies dès l’âge de dix ans (à l’époque il achetait des cannettes de Coca en gros et les revendait au détail), Warren Buffett ne raisonne pas en industriel mais en capitaliste. La seule donnée qui l’intéresse vraiment n’est pas le chiffre d’affaires ni même le bénéfice, mais la rentabilité des capitaux qu’il engage. Or celle de son portefeuille en Bourse, qui comprend des valeurs aussi prestigieuses que défensives (Coca- Cola, Procter & Gamble, Wells Fargo, Sanofi...), a tendance à diminuer et devrait encore fléchir avec la mauvaise tenue de la Bourse.

    A l’inverse, l’activité « industrielle », qui s’apparente à du « private equity » (hors marché), améliore sa rentabilité sur longue période. Berkshire Hathaway se transforme donc progressivement en un immense conglomérat d’un nouveau genre, avec des filiales autonomes mais sous surveillance et un siège social réduit à sa plus simple expression, puisqu’il emploie moins de vingt personnes !

    D’où le soin très minutieux apporté à la sélection des candidats au rachat, qui en ces temps troublés se pressent à la porte des modestes bureaux de Berkshire Hathaway. Les quatre critères n’ont pas changé depuis l’origine : un métier facile à comprendre, des performances stables dans le temps, un management compétent et honnête, et enfin un bon prix. Plus un élément essentiel dans l’esprit du fondateur qui aime puiser dans les métaphores moyenâgeuses : d’épaisses douves qui protègent le château des assaillants, autrement dit des concurrents. Ces douves peuvent être une marque exceptionnelle, comme Coca ou Gillette, qui leur permet de faire la loi ou des prix imbattables, comme son entreprise fétiche, l’assureur automobile Geico.

    Pour lui, c’est clairement le positionnement stratégique et la qualité intrinsèque de l’entreprise qui font sa valeur, plus que le management. « Investissez dans une affaire que même un imbécile pourrait diriger, car un jour un imbécile le fera », a-t-il coutume de dire.

    Pour le reste, Warren Buffett ne se mêle pas de management, mais en revanche il surveille comme le lait sur le feu l’usage de l’argent gagné par les entreprises. Sa théorie, qui rejoint celle de nombreux investisseurs, est que les patrons ont tendance naturellement à vouloir élargir leur empire par des investissements coûteux et des acquisitions rarement efficaces, au lieu de rendre l’argent aux actionnaires. Pour lui, sauf exception, seule la croissance interne est rentable. Il convient donc de couper les ailes des PDG afin de limiter leurs ambitions.

    C’est nanti de ces principes simples et immuables que Warren Buffett est parti sur le sentier de la guerre. Déjà très investi dans l’énergie avec sa société MidAmerican, il vient contrer EDF en mettant plus de 4 milliards sur la table pour acheter Constellation. Un business comme il les aime : prévisible sur le long terme. Car, à soixante-dix-sept ans, l’homme du Nebraska, qui travaille main dans la main avec son complice Charlie Munger, quatre-vingt-quatre ans, imagine toujours qu’il a l’éternité devant lui. Et peu lui importe qu’une bonne partie de son portefeuille contient des valeurs financières ou liées au marché de la construction, sa recette a survécu à tant de désastres. Comme Omaha, cette ville sans âme et aux horizons infinis. Un carrefour de tous les commerces fondé par des spéculateurs en 1854, ville régulièrement détruite par les tornades, toujours reconstruite.

    Les atouts de Berkshire Hathaway
    · Un historique d’investissement exceptionnel.
    · Un profil très défensif.
    · Une réserve de cash pour investir pendant la crise.
    · Une spécialisation progressive dans l’industrie.


    Les risques
    · Des activités nombreuses dans la finance, la construction et le logement.
    · Un rendement global qui baisse avec le temps.
    · Un fondateur charismatique et omniprésent âgé de soixante-dix-sept ans.
    La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées. V. Hugo
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