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Qi Ling, laboratoire des réformes rurales en Chine

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  • Qi Ling, laboratoire des réformes rurales en Chine

    De loin, du haut de ces collines du Sichuan qui surplombent un entrelacs de rizières et de vergers, cela pourrait avoir des allures de petite «contre-révolution» rurale. Ne voila-t-il pas que les paysans du village de Qi Ling remettent leurs lopins de terre durement acquis entre les mains d'une coopérative, un mouvement de collectivisation qui rappelle les sombres temps des «communes populaires» de Mao qui transformèrent les campagnes en vastes cimetières.

    L'affaire est tout autre, comme l'explique Yang, qui se dit fièrement «actionnaire» d'une nouvelle société agricole. «J'ai donné ma terre en ne gardant que de quoi faire pousser des légumes, explique-t-il, et ce n'est pas comme d'habitude où l'on reçoit une indemnité. Là, ma terre vaut des actions et je toucherai des bonus quand la société gagnera de l'argent.» Ce qui se joue à Qi Ling est crucial pour l'avenir du monde rural en Chine. «Nous avons beaucoup de visites de grands chefs de Pékin», confie Yang, acteur d'une expérience pilote pour les futures réformes rurales. L'endroit, ce n'est pas un hasard, dépend de la mégapole de Chongqing, l'une des quatre grandes municipalités relevant directement de l'autorité centrale.

    À Qi Ling, on fait donc «circuler la terre», comme cela est autorisé. Mais la grande nouveauté, ici, c'est le passage d'un système d'indemnisation à celui d'actionnariat. Une société locale, Zong Sheng, a été montée avec l'appui d'une entreprise de Macau qui commercialisera les produits agricoles. Yang explique que sa famille avait un «droit d'usage» sur 4 «mus» de terres (1 mu vaut 1/15 d'hectare).

    Auparavant, cette surface lui assurait quelque 1 200 yuans, soit 300 yuans par mu de revenus, complétés par la petite épicerie tenue par sa femme et mille autres petits travaux informels. Aujourd'hui, Yang est «libéré des travaux des champs pour aller travailler en ville sur des chantiers de construction, ce qui peut rapporter entre 8 000 et 20 000 yuans par an». Mais Yang ne sait pas pour l'heure ce que ces «actions» vont pouvoir lui rapporter. Patron de Zong Sheng, Yu Anquan, lui, a fait ses calculs. «Au vu des prix planchers négociés avec la société de Macau, commente-t-il, j'espère qu'un mu pourra rapporter 1 500 yuans à un paysan.» Soit entre 3 et 5 fois plus qu'aujourd'hui.

    Revenu cinq fois inférieur

    Pour l'heure, la moitié du millier de familles de Qi Ling a plongé dans ce nouvel actionnariat rural. Hu Zhengping est de ceux-là, ayant en outre fait le choix de rester sur place comme salarié de Zong Sheng. «La première année, en plus de nos terres, on a dû donner 300 yuans pour participer à la création de la société et aux frais de plantation, raconte-t-il, et on ne verra que dans deux ans les résultats, le temps que les arbres fruitiers aient suffisamment poussé.» Sur les coteaux de Qi Ling, le paysage change. Les petites rizières compartimentées laissent la place à de grands champs plantés de mandariniers, pour répondre à la demande de Macau.

    L'autre enjeu est bien celui-là : augmenter la taille des exploitations, le morcellement extrême freinant la modernisation. Mais, cette fois-ci, sans que cela passe par l'habituelle et scandaleuse spoliation des paysans. Ancien responsable du Bureau des ressources de la terre de Chongqing, aujourd'hui professeur d'économie à la Southwest University, Qiu Daochi explique la philosophie du projet «Harmonisation des villes et des campagnes». «Aujourd'hui, les revenus des paysans sont au moins cinq fois inférieurs à ceux des urbains, et encore 60 % des revenus viennent d'activités non agricoles, assure-t-il. Les réformes de Deng Xiaoping, il y a trente ans, ont corrigé la démotivation due à la collectivisation forcée, maintenant il faut aller plus loin, avoir de grandes exploitations modernes et faire en sorte que la terre soit un capital au service du niveau de vie du paysan.» Il se défend de tout retour en arrière, la cession des terres étant aujourd'hui volontaire et rétribuée.

    Lueur d'espoir pour le développement de campagnes longtemps délaissées, ces expériences donnent aussi des sueurs froides aux dirigeants chinois. Si la croissance chinoise s'enroue, si l'emploi patine dans les grands centres de la Chine industrielle, ces centaines de millions de paysans chinois ayant cédé leur lopin risquent de se retrouver sans rien, sans travail et sans terre. Ils pourraient alors «se dresser, impétueux, invincibles, tel l'ouragan, et aucune force ne pourra les retenir». L'avertissement n'est pas récent. Il est de Mao, dans un petit livre rouge.

    Par le figaro
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