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Retour sur les inondations de Aïn Torki

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  • Retour sur les inondations de Aïn Torki

    Un jardin d’Eden ravagé

    Ain Torki, une commune une nouvelle fois frappée par le malheur, abandonnée de longues années à elle-même et où l’on découvre, médusé, qu’il existe des strates de sinistrés de catastrophes précédentes attendant toujours d’être assistés.

    Alors que l’attention reste toujours focalisée sur la vallée du M’Zab, endeuillée le semaine dernière par de désastreuses inondations, la catastrophe de même nature qui a affecté dans la nuit de jeudi Aïn Torki, dans la wilaya de Aïn Defla, provoquant la mort de cinq personnes, faisant une dizaine de blessés et détruisant de nombreuses habitations, est passée presque inaperçue.
    Samedi, des engins de travaux publics s’affairaient à débarrasser les impressionnantes quantités de boue et de gravats, dont certains étaient constitués de rochers de plusieurs tonnes, qui avaient couvert d’une sorte d’épaisse gangue la plupart des artères de cette petite localité lovée aux pieds des puissants contreforts du Zaccar.
    Par suite d’un violent orage qui n’aura duré qu’une dizaine de minutes, les eaux charriées par l’oued Guergour, traversant la petite cité de part en part, ont dévalé avec force des hauteurs de la montagne, charriant de considérables quantités d’agrégats emportant tout sur leur passage.
    Certains habitants ainsi que les autorités de la commune expliquent la survenue de ce désastre par les nombreux incendies, (il y en aurait eu plus de 90 sur dix années), qui ont fini par entièrement mettre à nue d’importantes superficies des montagnes du Zaccar. Sont également pointées du doigt des personnes qui, au fil des années, ont continué à subtiliser des quantités de grillage utilisées pour confectionner les gabions érigés, dans le courant des années 50, sur les flancs de l’oued Guergour afin de maîtriser les crues qui s’y produisent régulièrement en période hivernale. En 1952, l’oued était en effet sorti violemment de son lit et avait provoqué des dégâts mais sans faire de victimes.
    C’est à la suite de cette situation qu’ont d’ailleurs été entrepris les travaux cités auparavant. Sont également accusés dans la survenue de ces inondations meurtrières, les charbonniers dont la persistance des activités, considèrent certains témoins ont, en entraînant la destruction des arbres épargnés par les incendies, favorisé l’érosion des sols avec toutes les conséquences en découlant.

  • #2
    L’indicible douleur d’un père

    Le visage qu’offre après le cataclysme Aïn Torki, l’ancienne Marguerite, fait peine à voir. De nombreuses maisons ne sont plus que ruine. 14 parmi elles ont été emportées par la subite et violente déferlante de l’oued et de nombreuses autres ont été sévèrement touchées. Surveillant de près la progression des engins qui déblaient les quantités de gravats amassés à l’endroit où étaient auparavant situés leurs logis, des sinistrés ayant perdu la totalité de leurs biens, tentent de retrouver quelques maigres objets. Une quête des plus aléatoires compte tenu des importants amas de boue noirâtre et de détritus de toutes sortes qui ont envahi de nombreux lieux. L’un des habitants, dont la maison a totalement été rasée, persiste à tenter de retrouver ses papiers d’identité. «Je ne possède plus rien», dit-il, si j’arrivais au moins à mettre la main sur mon permis, cela me permettait de travailler en qualité de conducteur». Au fil de la discussion, Abdelkader déclare craindre ne jamais être relogé. Il indique qu’à la suite de précédentes inondations provoquées par le même oued et qui avaient envahies le village en octobre 2007 et causé la mort d’une mère de famille, des sinistrés avaient été précipitamment relogés dans les locaux du centre culturel où ils se trouvent encore présentement.
    Sur les hauteurs du village, là où vient déboucher, après avoir parcouru une pente abrupte, l’oued Guergour, des bulldozers nivelent l’endroit où l’une des maisons a été emportée, entraînant la mort de deux frères, tous deux chefs de familles. A proximité, des agents communaux continuent à répandre de la chaux vive sur des cadavres d’animaux surpris par la crue. Il y aurait à cet endroit une soixantaine de moutons et un nombre indéterminé de bovins. Quelqu’un demande à ce moment si l’imposant rocher que l’on aperçoit à proximité a été charrié par les eaux de l’oued. L’homme à qui est posée la question s’emporte. Il s’agit du père des deux frères emportés par la crue. «Tu ne tiens pas compte de la douleur qui m’accable en venant me demander ce qui a emporté ce rocher. C’est injuste de ta part, ne rajoute pas à ma souffrance», dit-il avec colère. Benhanour Bouamra explique que les enfants qu’il a perdus dans le cataclysme, Mohamed et Benaïssa, lui ont laissé deux épouses et quatre enfants.
    «Comment vais-je faire maintenant ? Bien sûr, on les a relogés mais ils sont loin de l’endroit où j’habite moi-même pour que je puisse m’en occuper. Je voudrais que l’on nous mette tous ensemble. Ce n’est pas trop demander avec ce que je viens d’endurer».

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    • #3
      Des strates successives de sinistrés

      Sur les lieux se trouve l’un des sinistrés des inondations survenues l’année dernière. Ahmed déclare avoir 10 enfants à sa charge. «Nous sommes, précise-t-il, six familles à continuer à être abritées dans les locaux du centre culturel. On nous a promis des logements. On attend encore. Nous vivons dans une promiscuité intolérable». D’autres sinistrés de la même période sont allés se réfugier chez des proches ou bien ont quitté le village, alors que d’autres ont été relogés dans un local jusqu’alors affecté aux gardes communaux. Parmi les membres du groupe qui se constitue peu à peu, un homme se manifeste. Benzahra Larbi est le mari de la malheureuse qui a été tuée par les inondations de 2007. Il déclare que son épouse lui a laissé 6 enfants et qu’il n’a fait, depuis, l’objet d’aucune aide. «Mes enfants et moi-même continuons à vivre dans la maison même où ma femme a trouvé la mort et qui a été presque totalement dévastée par les flots». Au fil du déplacement sur les lieux de la catastrophe, nouvelle rencontre avec un citoyen qui se plaint, cette fois, d’avoir été relogé «temporairement» dans une école située à trois kilomètres, à proximité de la route reliant Aïn Torki à Miliana. Il raconte que c’est par suite d’un fort éboulement survenu le 3 mai 2006 à Aïn Namous, petit bourg dépendant de Aïn Torki, que lui-même et d’autres habitants du lieu ont été installés là dans l’attente d’un relogement problématique. Après un déplacement sur les lieux, découverte de l’école Moufdi- Zakaria. C’était un établissement d’enseignement moderne, doté d’une solide réputation. D’une capacité de 300 élèves, il est doté d’une cantine, d’un bureau de direction et de quatre appartements d’astreinte. Il n’y subsiste qu’une seule classe où un enseignant continue de dispenser des cours à une trentaine d’élèves de niveaux de 1ère, seconde et troisième années. Tout le reste est occupé par des sinistrés. Le maître raconte que les autres écoliers qui la fréquentaient jadis et qui s’y rendaient de dix kilomètres à la ronde, sont désormais acheminés par bus vers l’école des frères Bencherif à Miliana, distante de 7 kilomètres d’ici. Les lieux offrent un affligeant spectacle. La clôture entourant l’école a été dérobée, facilitant l’intrusion de bétails et de chiens errants et suscitant un sentiment d’insécurité au sein des familles qui ont été relogées à cet endroit. La proximité des latrines est couverte par d’innombrables quantités d’excréments. Non loin, est visible un gros tas de déchets ménagers alimenté par les résidents des lieux. La cuisinière qui continue à préparer les repas quotidiens destinés aux enfants scolarisés voudrait que l’on parle de son problème. Son fils, dit-elle, a été tué lors de la décennie sanglante.
      «On n’a pas daigné m’écouter quand j’ai demandé à bénéficier de l’aide consentie aux familles victimes du terrorisme».

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      • #4
        La menace de l’émeute pour se faire entendre

        A quelques mètres à peine de l’école Moufdi-Zakaria, l’enseignant désigne d’autres locaux. «C’était l’école Nahass-Ali, laquelle existait avant que ne soit construit celle dans laquelle sont hébergés actuellement les sinistrés de l’année 2006. Elle était constituée de quatre classes, d’un local abritant la cantine, d’un bureau pour le directeur et d’une habitation destinée à la conciergerie. Elle recevait 140 écoliers jusqu’au jour où, en 1984, on décida d’y reloger des victimes d’un sinistre survenu au lieu-dit Qarbous. Ceux-ci y habitent toujours d’autant qu’entre-temps, les locaux leur ont été rétrocédés de manière définitive.

        1984, 2006, 2007,… Des strates de personnes sinistrées ont attendu et n’en finissent toujours pas d’attendre qu’on les reloge définitivement. Il avait effectivement raison, le sinistré rencontré quelques heures auparavant, lorsqu’il disait sa crainte, après avoir tout perdu, d’avoir à devoir subir le même sort.
        Retour à Aïn Torki où des jeunes font part de leur menace d’aller fermer la route reliant les villes de l’Est et du Centre du pays à la région oranaise. Ils évoquent le chômage persistant qui a plongé plusieurs familles dans la plus extrême précarité. Ils reprochent à certains habitants du village de les considérer comme des envahisseurs parce qu’ils ont été nombreux à fuir les monts du Zaccar, investis par les hordes terroristes, pour venir se réfugier dans la périphérie de la localité où ils ont, pour une majorité d’entre eux, érigé des constructions de manière illicite alors que d’autres se sont abrités dans des abris de fortune réalisés à l’aide de matériaux divers. Ils disent que la seule activité économique des lieux est constituée par deux limonaderies et qu’une majorité de ceux qui ont la chance de posséder un emploi travaillent à Miliana, El Khemis, Alger ou bien sont employés, pour le temps que va durer le chantier de l’autoroute Est-Ouest, dans des entreprises chinoises attachées à réaliser une partie du tronçon. Par le passé, jusqu’à 1976, date de leur fermeture définitive, c’étaient les mines du Zaccar qui offraient l’essentiel des postes d’emploi aux citoyens vivant dans cette zone du pays. Les autres activités étaient représentées par les activités agricoles, essentiellement celle du vignoble. Les collines environnantes étaient également plantées de quantités d’amandiers, d’oliviers et de figuiers. On y produisait aussi des cerises particulièrement réputées. Pourquoi ces cultures n’ont-elles pas été pérennisées et valorisées ? Nul doute parce que, comme ailleurs, les membres des EAC et des EAI, las d’attendre qu’on régularise leur situation administrative par rapport aux terres qu’ils occupaient, ont préféré aller chercher pitance ailleurs. Il n’existe, à dire vrai, aucun projet tendant à développer l’agriculture de montagne au niveau de la commune de Aïn Torki dont de nombreux habitants, en l’absence de projets viables, ne cessent de s’enfoncer dans la pauvreté et la misère. Il faut noter, par ailleurs, que Aïn Torki reste considérée comme une zone à fort potentiel touristique en raison des nombreux sites naturels et de sa grande beauté.

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        • #5
          9 000 habitants et 300 bénéficiaires du filet social

          Rencontré au siège de la commune, son secrétaire général confirme, à quelques termes près, les récriminations des citoyens rencontrés auparavant. Par exemple, en matière de loisir il reconnaît qu’il n’existait que le centre culturel où sont désormais abrités les sinistrés des inondations d’octobre 2007. Il explique que le déclin des activités agricoles a été précipité par le terrorisme qui a durement frappé toute la région. Des difficultés à faire face à la situation sociale des résidents de Aïn Torki, dans divers domaines, il rappelle que des 4 000 habitants qui y étaient recensés à l’origine, le chiffre de ces derniers est passé à 9 200, soit plus du double. «En plus des problèmes d’emploi, nous sommes confrontés, ajoute-t-il, à une véritable bidonvilisation en raison des nombreuses constructions illicites poussant tels des champignons par suite de l’afflux des nouveaux venus». Sur toute cette population, seulement 300 personnes bénéficient du filet social au titre de travaux d’intérêt général. D’autres sont employés dans les limonaderies déjà citées ou bien s’adonnent à des activités d’élevage de bovins, d’ovins ou de poulets. Au moment de l’entretien avec le SG de la commune, le chef de la daïra de Hammam Righa dont fait partie Aïn Torki fait son entrée.
          M. Haoués Mahieddine vient tout juste d’être installé dans ses fonctions. Il est optimiste vis-à-vis de l’avenir. Il annonce que d’importants travaux tendant à dévier le cours de l’oued Guergour, pour maîtriser ses colères, ont été lancés pour éviter de nouvelles catastrophes. Il annonce que des programmes sont en cours, au titre de l’habitat rural, pour reloger tous les sinistrés. Lui aussi impute la force des inondations à la destruction des gabionnages. «Le Wali, qui s’est déplacé immédiatement sur les lieux, a pris la décision de faire évacuer toutes les constructions illicites présentant un danger pour leurs occupants. Un arrêté va être, d’autre part, notifié pour interdire la cession de permis de construire. Il a, en outre, décidé de faire créer une plantation forestière qui servira, en même temps, à lutter contre les phénomènes d’érosion et à servir de lieu de détente. D’un autre côté, il a donné des ordres pour que soient localisées, répertoriées et captées, toutes les sources sourdant du Zaccar, sur le territoire de la commune. Elles serviront à améliorer l’alimentation en eau des habitants et à relancer les activités agricoles. Tous ces projets de grande envergure vont demander de gros investissements financiers et du temps pour être menés à bien. Mais l’essentiel est de reprendre une situation désastreuse qui n’a que trop duré en évitant surtout de faire dans le bricolage».

          Le Jour d'Algérie

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