Annonce

Réduire
Aucune annonce.

A la mémoire d'Anna Politkovskaïa de Lars Norén

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • A la mémoire d'Anna Politkovskaïa de Lars Norén

    L'état du monde n'incite pas l'auteur suédois Lars Norén à "composer des bluettes", comme il le dit (Le Monde du 7 octobre). Sa nouvelle pièce en est une illustration flagrante - et encore, c'est faire preuve d'optimisme que de la considérer ainsi. Cette pièce s'appelle A la mémoire d'Anna Politkovskaïa, un titre à prendre au sens large. Il ne s'agit pas d'une oeuvre consacrée à la journaliste russe assassinée le 7 octobre 2006, mais d'une réflexion qui lui est dédiée.

    Cette réflexion porte sur ce qui reste d'un monde en guerre. Elle est dictée par une désespérance totale, à laquelle s'agrippent quelques lambeaux d'humanité, semblables aux feuilles d'automne qui, dans un dernier sursaut, s'accrochent à leur branche, avant que le vent ne déchire leur attache. Pour donner un exemple : une femme vient de se prostituer avec un homme racolé par son compagnon. Elle est repliée sur elle-même comme un tas de douleur informe. Son compagnon s'allonge à son côté. Elle lui demande de l'enlacer, lui dit "merci" quand il le fait.

    "Pourquoi je vis ? Pourquoi je ne meurs pas ?", entend-on souvent dans A la mémoire d'Anna Politkovskaïa. Non sans raison : il n'y a rien, sinon les mots et les gestes de la survie, dans cette pièce où les enfants se vendent quand ils ne sont pas violés, où l'on tue pour trouver l'alcool et la drogue qui permettent de tenir, où un père se fait voler la valise qui contient la tête de son fils mort à la guerre, la seule chose qui lui reste, et à quoi il voudrait donner une tombe.

    TOURNURE ACCABLANTE

    Lars Norén a déjà écrit plusieurs pièces "sociales", comme Catégorie 3.1 (en 1997). Mais il n'a jamais été aussi loin dans le constat de la misère du monde, qui prend ici une tournure accablante pour le spectateur. La représentation se réduit à une succession ininterrompue de brutalité, accusée par une mise en scène de l'auteur lui-même, qui ne laisse aucune rémission à son propre texte.

    Quand il dirige dans sa langue, Lars Norén sait trouver un ton terriblement cinglant, et humain.

    Pour A la mémoire d'Anna Politkovskaïa, il lui a manqué cette prise directe avec le français, qui aurait mené les comédiens à faire battre le coeur même d'une pièce dont il n'est pas certain qu'elle occupe une place majeure dans l'oeuvre considérable de l'auteur suédois. Mais cela, l'avenir le dira, quand d'autres metteurs en scène s'attelleront à A la mémoire d'Anna Politkovskaïa.

    A la mémoire d'Anna Politkovskaïa, de et mise en scène Lars Norén. Théâtre de Nanterre-Amandiers- Jusqu'au 25 octobre-

    Par Le Monde
Chargement...
X