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Les flux de capitaux vers l'Afrique vont se tarir

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  • Les flux de capitaux vers l'Afrique vont se tarir

    La contamination de la crise à l'Afrique subsaharienne (ASS) ne passera pas par les actifs toxiques inscrits dans les bilans des banques des pays développés. Comme l'indique Shantayanan Devarajan, chef économiste à la Banque mondiale, responsable de la zone Afrique, "le marché interbancaire africain est petit et celui des produits dérivés est quasi inexistant". De plus, précise cet expert, même si beaucoup des banques du continent ont des actionnaires étrangers, il est rare d'y trouver des Américains.

    Voilà pour la bonne nouvelle. Car comme l'indique le Fonds monétaire international (FMI) dans ses "Perspectives économiques régionales" qui viennent de paraître, "la croissance économique de l'Afrique subsaharienne devrait ralentir en 2008 et 2009 pour s'établir autour de 6 % tandis que l'inflation devrait atteindre 12 % en 2008 et 10 % en 2009".

    Chute de l'activité et difficultés il y aura donc bien, car les canaux de transmission de la crise ne manquent pas.

    Les récessions qui gagnent les pays développés vont d'abord conduire à une baisse de leur demande en matières premières, principales sources d'exportation pour l'ASS (50 % d'entre elles sont pétrolières). Et donc à une baisse de leurs revenus. De même les investissements directs étrangers (IDE) devraient diminuer alors qu'ils avaient fortement augmenté depuis cinq ans. A moins que les entreprises chinoises ne renforcent encore un peu plus leur présence. Mais pour M. Devarajan, il est évident "que l'impact le plus négatif du tsunami actuel va se ressentir sur les flux de capitaux". Résultat, les banques qui opèrent sur le continent devraient se montrer encore plus prudentes qu'auparavant, prêtant avec réticence aux entrepreneurs locaux pour se tourner davantage vers les firmes multinationales implantées sur place. L'ASS risque donc de vivre un "credit crunch" (rationnement de crédit).

    Autre inquiétude, les coupes possibles dans l'aide publique au développement (APD). D'ores et déjà, les pays développés ne tiennent pas leurs promesses concernant les Objectifs du millénaire fixés en 2000 (la réduction de moitié de la pauvreté d'ici à 2010). Qu'en sera-t-il après le passage de la crise ? Quid des 40 milliards de dollars promis par les Etats-Unis pour les cinq prochaines années, afin de lutter contre les ravages du sida ? Les vies de centaines de millions d'Africains sont menacées. De même, que feront les habituels généreux donateurs, à l'instar de la Fondation Bill et Melinda Gates, si ceux-ci voient leur fortune personnelle fondre en raison du krach boursier ? Enfin, autre flux de capitaux qui risque de se tarir : l'argent envoyé au pays par les travailleurs émigrés, qui permet de faire vivre des millions de familles restées en Afrique. Les annonces de licenciements, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics - rien qu'en France, Alain Dinin, PDG de Nexity, a annoncé le 10 octobre que "180 000 salariés du bâtiment sont menacés de se retrouver au chômage" - devraient toucher les salariés les moins qualifiés, qui sont en partie d'origine africaine. Il sera aussi clair que les pays développés en crise vont resserrer leur politique d'immigration, comme l'a déjà annoncé l'Espagne qui avait pourtant procédé auparavant à des centaines de milliers de régularisations.

    La question de la volatilité des prix des matières premières, énergétiques comme alimentaires, qui avaient flambé jusqu'à l'été 2008 et qui aujourd'hui sont en forte baisse, est aussi un sujet de préoccupation. Cette volatilité a en effet des répercussions sur les rentrées fiscales des Etats africains, dont certains pourraient voir leur déficit budgétaire s'aggraver. Et qui, du coup, se retrouveraient sous la coupe de programmes de stabilisation de la Banque mondiale et du FMI. La hausse du prix des matières alimentaires et énergétiques pendant les sept premiers mois de l'année a non seulement provoqué des émeutes de la faim, mais a aussi relevé les taux d'inflation dans de nombreux Etats (28 % au Kenya, 61 % en Ethiopie, 18 % au Ghana, etc.).

    L'ensemble de ces facteurs affectera plus l'Afrique subsaharienne que n'importe quelle autre région du monde. Les économistes du développement ont largement démontré que les effets sont plus lourds dans des pays où la majorité des populations vivent sous le seuil de la pauvreté, au détriment de l'alimentation ou de l'éducation. Des études menées après la crise asiatique de 1997 ont montré qu'en Indonésie, les parents n'avaient d'autre solution que de retirer les enfants de l'école, et que la consommation avait diminué. On sait aussi que dans ce contexte, la trappe à pauvreté se referme vite, empêchant les plus jeunes de sortir de la misère. Un effet inter-générationnel des plus dangereux pour l'avenir.

    Par Le Monde
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