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Cherif Benbouriche initiateur à Paris des ateliers de culture berbère: ACB

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    Cherif Benbouriche initiateur à Paris des ateliers de culture berbère : ACB


    jeudi 1er mars 2007, par Djaffar Benmesbah


    Qui n’a pas reconnu comme un air de parenté, à un éclat près, entre l’humilité de Kateb Yacine, de Lounès Matoub, de Mohia et celle de celui qui fera, d’un local au 20è arrondissement, un atrium qui réanimera dans Paris, la flamme au feu de la revendication berbère. Cet homme qui a soulevé à maintes reprises des lazzis dans les couloirs de l’ambassade d’Alger, se nomme Beben.

    Je ne vous parle pas d’un tribun, d’un penseur, d’un prédicateur. Il ne sera jamais tout cela. Il est beaucoup plus. Un homme au service d’une cause. Un homme qui a su, avec une poignée d’amis, construire une passerelle idéologique reliant l’immigration au combat de son peuple sous le joug des archaïsmes. L’ACB dont il est le fondateur ne restera jamais à l’écart du bouillonnement des événements qui secouent son pays.

    Cherif Benbouriche dit Beben, originaire de Bouzelaten à dix kilomètres de At wartilane (Kabylie), s’était confronté à la réalité algérienne en 1976. Convoqué pour accomplir son service militaire, il découvre une Kabylie autre que celle dont lui parlaient ses parents. L’arabisation sévissait. Il est tout ébahi d’être admis à constater que l’identité de son pays est mise dans un cachot comme un lourd secret. En tout, un nationalisme à la fois aveugle et stérile, vulgaire et fascisant s’était substitué au patriotisme utile et nécessaire, l’amour du pays ne se réfugiait que dans les stades. Mille indices manifestaient la dissolution de la révolution et la disparition du sens libération. Dans sa caserne, la citoyenneté est désincarnée, évanescente ou proscrite. « Imazighen » et « Numidie » ne sont que des mots et des concepts dont usent des groupuscules anarchistes contre-révolutionnaires qu’ils disaient, loin d’être un peuple et une terre desquels ils sont directement nés. Beben en reviendra froissé. Choqué mais décidé.

    De retour à Paris, il mettra en place à Paris des ateliers de culture berbère ACB et entrera en contact avec le groupe de recherches et d’études berbère qui activait à Vincennes et il invitera Ramdane Achab et Hacen Hireche à donner des cours de berbère. Il connaîtra l’inimitable Mohia. « Je ne pense pas que son image puisse quitter un jour ma mémoire... Son accent plaisant, des idées dans la tête et aux poings, son immense culture... Une montagne ce monsieur ». Avec Mohia il monte un spectacle, « Tachvalit » un succès fou, mais Beben s’interroge « faire un spectacle et après ? Il faut une continuité... »

    Le changement politique en France s’effectue avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, la loi 1901 relative aux associations est revue au grand plaisir de l’ACB, le droit aux étrangers de bénéficier de la dite loi est garanti. L’ACB reçoit des subventions, elle peut par là créer des salaires, avoir un matériel adéquat pour s’investir convenablement. Elle prend cependant un aspect socioculturel au bénéfice d’un large public. Elle s’occupera des jeunes et de leur scolarité, de l’emploi, du logement. Et pour Beben « une revendication forte nécessite des personnalités fortes » dans le 20è arrondissement, à la rue des Maronites où siège l’association l’agitation se déclenche. Vont arriver, le groupe Djurdjura, Idir, Fellag. L’ACB commence à devenir une institution, un repère.

    En mai 1986, Beben organise une rencontre berbère qui durera trois jours, invité de marque, l’éminent Mouloud Mammeri. La question des libertés est soulevée de manière à susciter la création d’un comité de défense des droits de l’homme, il sera présidé par Nabil Fares. A cette époque, les fondateurs de la première ligue des droits de l’homme, Saïd Sadi, les Frères Aït Larbi, Ferhat Mehenni et bien d’autres étaient jetés dans la plus cruelles et plus barbares prisons d’Algérie, Lambeze.

    Beben connaîtra la véritable nature des autorités algérienne quand il participera à l’organisation d’un meeting à la mutualité le 22 septembre 1985. « L’amicale » relais du FLN en Europe, s’attellera à casser le meeting par la violence. Des agressions physiques seront constatées. Les effets seront contraires aux desseins des nervis recrutés par l’ambassade d’Algérie, le cercle de sympathisants de l’ACB s’élargit considérablement.

    « ...J’ai eu la chance de connaître Kateb Yacine, il avait fait du siège de l’ACB sa maison. » affirme Beben avec une pointe de tristesse. Il se remémore l’année 1989, elle fut terrible pour sa sensibilité. Mouloud Mammeri et Kateb Yacine disparaissaient, l’un en février et l’autre en octobre « deux monuments de notre culture qui partaient à une période où l’humanité avait besoin d’eux ».

    Beben sourit quand il se rappelle des anecdotes amusantes : « En 1991, nous devions présenter une activité au musée des arts africains, la direction de la salle nous demande d’assurer en même temps la sécurité des lieux où étaient exposés des bijoux de chez nous et un camarade m’avait dit : « en vérité, c’est ce qu’ils nous ont volé que nous protégeons aujourd’hui ».

    Beben s’occupera des galas à Paris de Aït Menguelet et de Ferhat et en 1994, il connaîtra Matoub Lounès qui était venu se solidariser avec l’association « j’ai su saisir la dimension d’un tel artiste, sa grandeur, son humilité et sa rage de dire... Apres sa libération du camp du GIA, je suis allé l’attendre à l’aéroport d’Orly, il y avait aussi son demi-frère, Khalida Messaoudi, Amara Benyounes, Dilem, il a perçu la mobilisation de l’ACB durant son enlèvement... tout comme Kateb Yacine avant, il passait des moments heureux au siège de l’association ». Kateb Yacine et Matoub Lounès, deux personnages qui marqueront Beben, c’est en serrant le poing qu’il parle d’eux comme pour contenir leurs passions, leurs enthousiasmes et leurs colères.

    Combien de noms prestigieux, intellectuels et artistes engagés, sont passés par L’ACB, combien de personnalités européennes que Beben est parvenu à associer au combat amazigh. La liste est grande, à égale distance de l’amour qu‘il voue à sa culture « je suis amazigh, il n’est pas question qu’on me vole le moindre passage de mon histoire, mais je ne veux pas m’enfermer sur elle ». Se refusant d’être un homme politique, plutôt militant qu’il aime se définir, il y a en lui toute une force. L’activité continue, car « Ils trichent, ils ne cesseront donc jamais de berner le peuple ». Alger capitale de la culture arabe fait grimacer un Beben écoeuré.

    « .../...Il est là, fidèles aux autres et à lui-même
    dans le désir de rassembler
    d’être au lieux de paraître
    de n’attaquer ni de juger
    juste d’aimer
    d’aimer sans retour
    sans condition »

    Ainsi finit un long poème que lui a consacré Aliel Sebab, une sorte de gratitude qui illustre sa simplicité. Mais, ne voit-on pas dans l’humilité des braves une sorte de lyrisme qui abjure l’insipide désir des perfides qui ont eu à retourner leurs vestes pour une simple illusion de gouverner un jour parmi les loups. Mesquines prébendes, tristes avantages qui incitent certains à abandonner la lutte.

    L’allure décontractée en toutes circonstances, la politesse en guise de peau, de langue, vous le verrez quitter, l’ACB, traversant la rue des Maronites, pour prendre un pot avec un ami. Cet ami peut être un artiste ou un intello de renom comme il peut être un jeune kabyle anonyme et sans papier qui cherche à être écouté.

    "Les hommes qui ont le sens de l’éternel sont les seuls qui aient vraiment le sens de leur temps", disait Jaures.

    Djaffar Benmesbah

    Source: kabyles;com
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