Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le franc CFA : Monnaie ou relique coloniale ?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le franc CFA : Monnaie ou relique coloniale ?

    Monnaie ou relique coloniale ? Le franc CFA et le piège de la convertibilité (Libre Opinion)

    A l’heure où la crise financière sévit dans le monde et fait s’écrouler les premières économies de la planète, peu de voix africaines se font entendre sur le sujet. Et pourtant, l’Afrique est tout aussi interpellée, nous dit Sanou Baye, économiste et ancien fonctionnaire international pour qui c’est l’occasion de revisiter la nébuleuse histoire et l’actualité du Franc CFA sous un prisme africain.


    Par Sanou Mbaye* Face à une Amérique en crise et à la panique qui règne sur les marchés financiers mondiaux, les gardiens du Temple de la Banque Centrale Européenne se veulent les garants d’une stabilité monétaire et d’un euro fort. Leur attitude s’inscrit en faux contre celle des dirigeants des deux économies les plus puissantes de l’Europe, à savoir la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Nicolas Sarkozy, qui craignent que le maintien d’un Euro fort pourrait mener les économies européennes à la ruine. A leur inquiétude devrait faire écho, en théorie, le désarroi de leurs collègues des pays d’Afrique membres de la zone franc. En effet, leur monnaie, le franc CFA, étant ancrée à la monnaie européenne à un taux fixe surévalué, on est en droit de penser qu’ils ne pouvaient manquer de s’interroger sérieusement sur l’avenir, sinon sur le destin du franc CFA.

    Cette monnaie, dont la convertibilité fait les choux gras des spéculateurs, est une source majeure de perte de compétitivité, d’évasion de capitaux et de controverses quant à son rôle, supposé ou réel, dans la crise qui continue de plomber les économies des pays de la zone franc dans un contexte de turbulence économique, notamment financière, à l’échelle mondiale. L’histoire du CFA est étroitement liée à celle de la colonisation des pays africains.

    Durant la période coloniale, Français et Anglais, deux des pays colonisateurs de la région, avaient mis respectivement sur pied la zone franc et le « board of currency » pour doter leurs empires africains d’un système monétaire unifié. Ce système était subordonné au franc français et à la livre sterling. Au lendemain de la proclamation des indépendances nationales à partir de la fin des années 1950, les ex-colonies anglaises ont démantelé leur zone monétaire commune pour mener des politiques monétaires souveraines et autonomes.

    En revanche, dans la zone franc, seuls quelques pays en ont fait de même : la Guinée, la Mauritanie, Madagascar, le Mali (provisoirement), l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Cambodge, le Laos et le Vietnam. Les pays qui ont choisi de demeurer dans le giron de la France en conservant leur monnaie unique, le Franc CFA, sont : Djibouti, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République Centrafricaine, les Comores, le Congo, la Côte-d'Ivoire, le Gabon, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. La Guinée Equatoriale et la Guinée-Bissau se sont jointes à eux. La France a doté cette monnaie d’une convertibilité qu’elle s’est engagée à garantir sous réserve de la rétention de tout ou partie des avoirs extérieurs en devises de ces pays dans un « compte d'opération » ouvert auprès du Trésor Public français par les banques centrales de la zone franc : la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) (1) et Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) (2) . La France s’est également arrogée un droit de veto dans la gestion de ces banques centrales. De même, tout changement des règles du jeu au sein de la zone monétaire francophone nécessite un accord préalable avec la France.

    On devine aisément les implications qui s’attachent au corset ainsi créé quand on connaît l’importance de la monnaie dans la marche d’une économie. Celle-ci a, en effet, trois fonctions traditionnelles. Elle est, d’abord, une unité de compte, ensuite un moyen de paiement et enfin un instrument de réserve. Son émission ayant constitué de tout temps un droit régalien réservé aux seuls dirigeants des territoires indépendants, les détracteurs de la zone, qualifiant ces accords monétaires de relique coloniale, ont demandé leur abrogation. Les tenants du système, quant à eux, pour justifier le maintien du franc CFA, arguent du privilège de disposer d’une monnaie unique convertible et la capacité des pays de la zone à satisfaire les trois critères sur lesquels doit reposer une politique monétaire durable, à savoir la stabilité interne et externe et la croissance économique.

    Tout Etat réglemente comme il l’entend la sortie de sa monnaie nationale et l’entrée des monnaies étrangères sur son territoire par le biais de sa politique de change, sa monnaie pouvant être transférable, c’est-à-dire convertible sur le marché international des changes. La convertibilité d'une monnaie réside dans sa capacité à être échangée contre une autre devise. Par exemple, des dollars peuvent s’échanger contre des euros et vice versa. Ces monnaies sont convertibles entre elles et cette convertibilité signifie que les banques centrales qui les ont émises s’engagent à les racheter. Lorsqu’une monnaie est convertible, le gouvernement qui l’émet en autorise la sortie.

    C’est généralement le cas des pays développés à économie de marché. La convertibilité n’exclut pas l’existence d’un contrôle des changes plus ou moins coercitif, en particulier pour les résidents qui peuvent être sujets à des restrictions dans l’usage des monnaies étrangères et dans les montants qu’ils peuvent transférer. C’est le cas du franc CFA dont la convertibilité est restreinte à l’euro et le libre transfert à la France. Le franc CFA, monnaie commune, est supposé contribuer à une plus grande transparence des prix, à l'élimination des distorsions liées au risque de change entre monnaies nationales et de frais bancaires inutiles. Son objectif théorique est aussi de créer une discipline monétaire et budgétaire saine. Cette monnaie devait assurer à la fois une stabilité des prix, une absence de dévaluations compétitives entre pays membres de l'union monétaire et l'obtention de taux d'intérêt réels bas et stables favorables à la croissance et à l'emploi.

    Mais, force est de constater que la convertibilité et le libre transfert du franc CFA favorisent une sortie massive des capitaux à travers le transfert, sans risque de change des bénéfices des entreprises du secteur privé, françaises dans leur très grande majorité. Elle encourage également l’exode des revenus des ménages expatriés vers leur pays d'origine. Ces flux monétaires et commerciaux qui passent tous par le filtre des banques centrales ont pour seule destination l’Hexagone. C’est le cas depuis la mise en place, en 1993, du régime de contrôle de change par la France. Entre 1970 et 1993, le rapatriement des bénéfices et des revenus d'expatriés s'est élevé à 6,3 milliards de dollars alors que les investissements étrangers s'élevaient à 1,7 milliards de dollars. Les rapatriements ont donc été quatre fois supérieurs aux investissements.

    De même, anticipant une dévaluation qui était devenue inéluctable eu égard à la détérioration des comptes dans les années 1990 et le refus de la France de soutenir les budgets africains, les placements spéculatifs effectués en francs CFA en France entre janvier 1990 et juin 1993 s'étaient élevés à 928,75 milliards de francs CFA soit environ 1,416 milliards d’euros .(3) De surcroît, en contrepartie de la garantie de convertibilité du CFA, d’abord en franc français puis en euro, la France exige depuis 1960 que les pays de la zone déposent leurs réserves de change sur un compte du Trésor Public français. A l’aube des indépendances le dépôt exigé était de 100%. Il a été réduit à 65% en 1973, puis plafonné à 50% depuis septembre 2005, le reliquat devant servir au remboursement de la dette extérieure des pays membres. Mais, hormis les « gourous » des finances françaises, nul ne sait ce que recèle en réalité ce compte d’opérations et ce que la France fait des très importantes sommes qui y sont déposées.

    D’après la convention sur ce compte, signée en 1962 entre le ministère français de l’Économie et ses ex-colonies membres de la zone franc, le Trésor français perçoit, en cas de découvert, des agios payés par les banques centrales. En revanche, il leur verse des intérêts si les comptes sont créditeurs. Depuis la mise en œuvre des accords de coopération monétaire, le compte d'opération n'a été débiteur temporairement qu'à cinq reprises depuis 1973, le solde étant créditeur de manière ininterrompue depuis janvier 1994.

    Le rapport 2005 de la zone Franc montre que les banques centrales détiennent des records de réserves au Trésor français estimées à 6300 milliards de FCFA, équivalents à 9,6 milliards d’euros soit un taux de couverture (4) de l'émission monétaire supérieur à 110 %, alors que la convention de 1962 n’exige qu’un taux de couverture de 20 %. Entre janvier et décembre 2006, les avoirs extérieurs nets de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest avaient progressé de 544,3 milliards de F CFA (830 millions d’euros) pour se situer à 3 710 milliards de F CFA (5,7 milliards d’euros). Sur la même période, ceux de la Banque des Etats de l’Afrique centrale avaient augmenté de 1757 milliards (2,7 milliards d’euros) pour atteindre 4382 milliards de FCFA (6,7 milliards d’euros).

    Les pays membres de la zone franc, dont certains sont classés parmi les plus pauvres du monde, selon leur indice de développement, se voient ainsi privés par la France d’énormes ressources financières qui auraient pu être investies dans les secteurs clés de leurs économies (production vivrière, éducation, santé, logements et infrastructures). Le plus révoltant dans ce marché de dupes est que la France se sert de l’argent de ces pays pour leur concéder des prêts à des taux prohibitifs.

    Suite : http://www.ouestaf.com/Monnaie-ou-re...on-_a2092.html
Chargement...
X