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    Crise financière, limites du capitalisme non régulé
    Première partie: La fin d’un monde unipolaire

    Par le Pr. Fathallah Oualalou, ancien ministre des Finances Le Pr. Fathallah Oualalou a été enseignant à l’université de Rabat, responsable et élu politique de l’USFP. Il a été le ministre des Finances qui est resté le plus longtemps en poste, durant deux législatures, de 1998 à 2007. En tant que ministre des Finances, il a aussi eu en charge les portefeuilles de la privatisation puis du tourisme. Fathallah Oualalou a déjà publié dans nos colonnes une remarquable réflexion sur le pouvoir et le changement, «De la théorie à la pratique: propos sur le changement et le pouvoir», cf. L’Economiste du 3 mars 2007


    Ceux qui ont assisté à la première session de la World Policy Conference, qui s’est tenue à Evian entre le 6 et le 8 octobre 2008, au paroxysme de la crise financière mondiale (une bonne opportunité pour ses organisateurs), ont été les témoins de grands débats annonçant une véritable accélération de l’Histoire. C’est que 2008 marque l’entrée du monde dans le XXIe siècle. On savait que ce siècle allait être différent du précédent et annoncer un monde multipolaire et hétérogène.
    On savait que les grands pays émergents d’Asie et d’Amérique latine sont en train de renforcer leurs positions stratégiques. Les évènements de 2008 ont accéléré ces mutations. L’année a commencé par une crise énergétique et alimentaire ayant pour origine l’augmentation de la demande des grands pays émergents, Chine, Inde et Brésil et s’achève par une méga-crise financière, la plus importante depuis 1929, qui annonce une récession pour 2009, pour les économies des pays du Nord. On assiste clairement aujourd’hui à la fin du monde unipolaire, à la fin du monopole d’intelligence et de décision... de l’Occident.

    Endettement abusif
    aux Etats-Unis


    Cette méga-crise financière n’est pas due au hasard. Elle est le produit d’une adhésion aveugle à l’idéologie libérale qui refusait tout contrôle et toute régulation.
    La politique économique américaine a été bâtie au cours des dernières années sur une stratégie d’endettement abusif pour entretenir la croissance. Depuis 30 ans, cette stratégie, qui croyait aveuglément en l’autorégulation, a été à l’origine de la création de multiples produits financiers, de plus en plus complexes, qui accompagnaient l’endettement des particuliers et des entreprises.
    La crise a commencé en 2007, avec les crédits hypothécaires qui s’étaient développés exagérément: il s’agit de ces crédits accordés aux familles et garantis par des hypothèques immobilières dont la valeur, pendant une longue période, a augmenté de façon démesurée, conduisant au surendettement de leurs détenteurs: ils se sont effondrés, déstabilisant aussi bien les débiteurs que les créanciers.
    Ces crédits subprimes sont des créances accordées par des institutions financières -et parfois par des intermédiaires non contrôlés- sans liaison avec le niveau, souvent limité, des revenus des familles. Leur période d’exigibilité était de 30 ans, et leurs taux d’intérêt variable, très bas les trois premières années, s’élevaient considérablement par la suite, étouffant la solvabilité des débiteurs.
    A ce niveau sont intervenues les opérations de titrisation, amenant les banques à loger dans une entité ad hoc des créances diversifiées et à les placer auprès d’investisseurs multiples pouvant se trouver un peu partout dans le monde. La baisse de la valeur de l’immobilier dans tous les Etats américains n’a pas permis à l’élément diversification de réduire les risques de ces titrisations.
    C’est à ce niveau que se situe également la responsabilité des agences de notation (Moody’s, Fitch, Standard & Poor’s) qui ont sous-estimé les risques liés aux prêts regroupés dans les pôles de crédit titrisés.

    Nationalisations au cœur des Etats-Unis


    Les produits Swaps ont contribué à alourdir l’endettement des familles et des entreprises dans la mesure où ces crédits ont assuré leur risque auprès de banques et de compagnies d’assurances (notamment AIG, première compagnie d’assurances prise dans la tourmente et finalement nationalisée par les pouvoirs publics américains).
    Face à cette situation, le gouvernement des Etats-Unis a été contraint d’intervenir comme en 1933, quand les pouvoirs publics ont recapitalisé les banques pour leur permettre de financer l’économie réelle en crise et en 1989, quand le gouvernement a acheté les mauvaises créances des caisses d’épargne.
    Si dès février 2008, une banque britannique Northern Rock avait été nationalisée, l’évènement majeur de l’interventionnisme public dans l’économique est le retour de l’Etat aux Etats-Unis avec la mise en place, sous la tutelle du Trésor américain, des deux piliers de refinancement hypothécaire (5.400 milliards de dollars de garantie) Freddie Mac et Fannie Mae (le 7 septembre 2008) et bien sûr, la nationalisation du premier assureur américain AIG (le 17 septembre 2008).
    Depuis, les évènements se précipitent: les Etats se voient contraints de multiplier les interventions. Au Pays-Bas, les pouvoirs publics ont nationalisé la partie hollandaise de la banque Fortis. Les gouvernements français et belge ont pris des mesures pour alimenter en liquidités la banque Dexa. Les banques qui se trouvant dans des positions fortes ont entrepris d’absorber leurs consœurs en difficulté: aux USA, Bank of America a acheté Merill Lynch (15 septembre 2008); en Grande-Bretagne, HBOS a été cédée à son concurrent Lloyds TSV; la banque française PNB Paribas a absorbé la banque belge Fortis (1er octobre 2008), devenant ainsi la première banque de dépôt d’Europe, ce qui a poussé à un rapprochement entre la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne française pour renforcer leur présence commune sur le marché; Santander, grande banque espagnole, est devenue le principal actionnaire d’une banque britannique et s’apprête à absorber une banque américaine.
    Mais l’évènement majeur reste la mise en place par les pouvoirs publics américains du plan Paulson, du nom du secrétaire d’Etat au Trésor, pour prendre en charge les créances douteuses des banques et éventuellement les recapitaliser pour leur permettre d’améliorer leurs bilans. Le but : scier les branches pourries pour permettre à l’arbre de survivre. L’opinion publique a suivi les péripéties du lancement de ce plan et les débats qu’il a suscités au Congrès américain.
    La Chambre des représentants l’a rejeté en première lecture, à cause du refus des représentants conservateurs, proches du président pour des considérations idéologiques et économico-politiques. Idéologiques d’abord, ce courant conservateur, porte-drapeau depuis 30 ans du libéralisme triomphant, refuse d’admettre un retour à l’intervention de l’Etat dans l’économie. Economico-politique en second lieu, parce que le plan, au niveau de son application, va être mis à la charge des contribuables-électeurs et non des actionnaires et des gestionnaires. Les Etats-Unis étaient acculés à entériner ce plan pour éviter une déroute qui toucherait non seulement les banques et institutions financières américaines, mais l’ensemble du système financier mondial. Cette raison l’a finalement emporté et le Sénat puis la Chambre des représentants, en deuxième lecture, valideront le plan Paulson (le 3 octobre 2008). On assiste donc à des changements majeurs dans la gestion de l’économique: le capitalisme appelle à une réhabilitation de l’Etat.
    Il est vrai que les opérations en cours se traduisent surtout par des nationalisations des pertes, mais, ce qui est sûr, c’est que, à moyen terme, de grands changements s’effectueront et des transferts de pouvoir se feront, non seulement au niveau des centres de décision des entreprises, mais aussi dans les rapports entre l’Etat, désormais stratège et régulateur, et le marché et surtout au niveau des rapports de force entre les grands pôles économiques régionaux dans le monde. Ce sont là les donnes du XXIe siècle.

  • #2
    Comment s’est terminé le XXe siècle?


    Sur le plan économique et sur le plan géopolitique, trois dates jalonnent la fin du XXe siècle:

    1980, c’est l’affirmation, avec l’arrivée au pouvoir du tandem Thatcher-Reagan et jusqu’à Bush-père et surtout fils, de la prédominance du courant libéral qui refuse toute forme de régulation, pour lequel les règles du marché sont les seules capables de conduire aux équilibres sociaux et sociétaux et de résoudre même les problèmes politiques au niveau des nations ou des régions (on pensait, par exemple que c’est la main invisible du marché qui pouvait résoudre les problèmes du Moyen-Orient).

    1989, c’est l’effondrement de l’Union soviétique à cause des défaillances de son système centralisé: ce fait historique a renforcé les préjugés libéraux. Il leur a donné une justification idéologique avec l’avènement de la théorie de la fin de l’histoire (Fukuyama) qui considère que le modèle fondé sur la démocratie occidentale et la suprématie de l’autorégulation du marché sera la seule référence pour l’humanité dans l’avenir.

    Le 11 septembre 2001 conforte les convictions du président Bush en l’unipolarité. Le centre de décision mondial, c’est désormais Washington, non seulement pour les questions économiques, commerciales et financières, mais également et surtout pour les questions géopolitiques, fondées sur une certaine conception de la lutte contre le terrorisme. C’est elle qui justifie toutes les interventions militaires (en Afghanistan et en Irak); elle est devenue un élément du blocage de toutes les solutions pacifiques (cf. le conflit israélo-palestinien); elle entretient les conflits confrontations culturelles et religieuses dans le monde.

    Des changements déjà en gestation

    La crise actuelle et l’accélération des mutations en cours étaient en gestation dans les évolutions des dix dernières années -qui correspondent pour l’essentiel aux deux mandats du président Bush- dans la politique américaine d’endettement interne et externe par l’accumulation du double déficit commercial et budgétaire, financé par les économies excédentaires. Et dans les pratiques des économies émergentes, Chine, Inde et surtout Brésil, des pays pétroliers rentiers qui profitaient des hausses des prix des matières premières, notamment les hydrocarbures, mais aussi la Russie qui revient sur la scène forte de ses ressources énergétiques, de ses excédents financiers et de ses capacités stratégiques.
    Le mandat du président Bush se termine... mal. Sur le plan géopolitique: échec américain en Irak, en Afghanistan et même au Caucase, et sur le plan économique avec l’incendie de la crise financière qui contraint l’administration américaine à abandonner ses convictions libérales et à réhabiliter le politique et l’interventionnisme de l’Etat pour tenter d’éteindre le feu.

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