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France : la politique étrangère au temps de Nicolas Sarkozy

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  • France : la politique étrangère au temps de Nicolas Sarkozy

    Sans pour autant se livrer à une quelconque surinterprétation sur la visite de Nicolas Sarkozy en Israël (22-24 juin 2008), il est cependant nécessaire, pour tout observateur géopolitique, de situer ses enjeux et de la cadrer par rapport aux choix de politique étrangère du nouveau chef de l’Etat, lequel entre ainsi dans son quatorzième mois de pouvoir. Si le sarkozyisme en politique étrangère est encore loin d’exister en tant que doctrine structurée autour d’une véritable matrice, avec un argumentaire lisible, des idées-forces, une articulation possédant une réelle cohérence, il n’en reste pas moins qu’on dispose, aujourd’hui, de suffisamment d’éléments pour expliquer l’architecture mise en place ces derniers mois. On ne comprendrait pas cette nouvelle ère sans citer ceux qui travaillent, au Palais de l’Elysée, à son élaboration et sa mise en oeuvre au quotidien. Ces éminences grises se nomment Claude Guéant (secrétaire général de l’Elysée), Henri Guaino (conseiller spécial et « plume » du président), Jean-David Levitte (responsable de la cellule diplomatique, avec à ses côtés Boris Boillon, le seul arabophone de l’équipe) et quelques autres, tapis dans l’ombre, et intervenant ponctuellement sur tel ou tel dossier diplomatique. C’est à l’intérieur de ce microcosme, en connexion avec d’autres ministères et services de renseignements (dont la DGSE), que se fabrique la diplomatie française, domaine (toujours) réservé du chef de l’Etat.

    J’ordonnerai donc mon analyse autour de quatre points clés, pour décrypter les « fondamentaux » de la démarche présidentielle.

    Sarkozy et l’Union européenne,
    le retour de la France

    Comme on s’y attendait, au lendemain de son élection, Nicolas Sarkozy se devait de marquer d’un geste fort que la France - malgré le « non » français du référendum de 2004 - reste un des piliers de l’Europe communautaire. La droite européenne voyait en Sarkozy comme un modèle d’une modernité politique, pour bousculer le conservatisme français et mettre le pays sur la voie des réformes. Mais, suite à des erreurs psychologiques et même de discours, une certaine désillusion s’est installée. Car le style du président français, malgré son volontarisme, n’est pas bien compris. Si l’on aime sa façon de faire bouger les lignes, beaucoup restent perplexe devant un homme qu’on a du mal à suivre, tant il est, aux dires de certains, dans une logique de storytelling (raconter une histoire), dont l’épicentre reste les médias. Bien d’autres incidents ou couacs viendront renforcer une réflexion de sidération pour ne pas dire de méfiance.

    Sarkozy et les Etats-Unis d’Amérique : la réconciliation précède le retour à l’alliance

    Nicolas Sazkozy aime l’Amérique. Cela on le sait et ne fait guère l’ombre d’un doute. Mais, précisons ce point essentiel : dans cette reconquête, conduite depuis 2004 notamment, quand il était encore au ministère de l’Intérieur, l’American jewish committee y était pour beaucoup. David Harris, son président, et son équipe, ont mené un travail en profondeur dans les cercles les plus influents de Washington DC, pour introduire et asseoir la notoriété de Nicolas Sarkozy. Jean-David Levitte y était pour beaucoup - il était à l’époque encore ambassadeur de France dans ce pays. Une fois élu président, l’AJC poursuivra son travail d’entrisme qui se révèle efficace et payant, lors notamment de la visite de Sarkozy aux USA en tant que chef d’Etat. Mais ce rapprochement et cette réconciliation, qui coulent de source pour deux grands pays qui ont toujours pesé, dans le passé, sur le cours de l’Histoire, au-delà même de profondes affinités de toutes sortes, n’auraient pas surpris et, parfois, choqué, si cela n’était pas fait avec le président Bush ! En effet, celui-ci concentre sur lui une « détestation » mondialisée et est considéré comme un véritable « pyromane », puisque deux guerres ravagent toujours l’Irak et l’Afghanistan, plongeant cette région dans un maelström dévastateur dont personne ne peut prédire l’issue. George W. Bush, en fin de mandat, est coupable d’avoir soufflé sur les braises de l’antiaméricanisme dans le monde, et surtout d’avoir détourné des sommes colossales (3.000 milliards de dollars, selon Joseph Stiglitz, prix Nobel et économiste de renom), pour entretenir les troupes US sur les théâtres d’opérations. C’est cet homme que Nicolas Sarkozy choisit pour sceller l’amitié franco-américaine ! On est sidérés par cette décision et cette préférence !

    La Méditerranée, un nouvel horizon
    diplomatique pour l’Europe

    J’ai raconté par le menu, ici même, le lancement et les péripéties de cette superbe idée, longtemps en déshérence suivant ce schéma précisément. On en est loin, hélas, des ambitions affichées initialement. Pour n’avoir pas étudié en profondeur, avant même de l’avoir annoncée, la faisabilité d’un tel projet, la France a certainement raté une occasion en or de se donner un nouvel horizon diplomatique et un axe stratégique en bâtissant un véritable espace politique, économique, culturel et humain. Pour celui qui sillonne en long et en large cette Méditerranée, cette réalité existe déjà, mais lui donner cette force et cette cohérence eut été un accélérateur unique ! Enfin, ne restons pas dans une optique où l’on ne regarderait que la partie vide de la bouteille. Cette idée française est appropriée par l’UE. Le sommet des chefs d’Etat ou de gouvernements du 13 juillet, à Paris, va permettre de valider le nouveau format, et de lui donner ses chances d’exister et de tracer son chemin. Le nouvel outil d’une coprésidence et d’un secrétariat permanent constitue une vraie opportunité pour les pays du Sud de créer un autre type de partenariat pour construire un espace de partage et de coprospérité, même si de nombreux sujets attendent des réponses claires, parce que hypersensibles ou délicats à traiter.

    Malgré les hésitations, les critiques et certains doutes, il faut s’engager avec réalisme dans une culture du dialogue et de la négociation pour aller vers un nouvel horizon ! A chacun de prendre ses responsabilités pour éviter de pratiquer la politique de la chaise vide ou de servir d’alibi ! Un moment de vérité pour chacun...

    Moyen-Orient : Sarkozy, la France et Israël

    Avec Nicolas Sarkozy, la « politique arabe » de la France disparaît définitivement du vocabulaire diplomatique. Cela nous a été clairement confirmé, lors d’une rencontre à l’Elysée avec son conseiller spécial Henri Guaino, il y a quelques mois. Cela ne surprend guère, puisque cela avait été dit et précisé lors de la campagne présidentielle.

    Cependant, force est de constater que les propos du candidat ne coïncident plus avec ceux du président. Parfois Nicolas Sarkozy est aux antipodes de ce qu’il disait, comme par exemple sur la Françafrique, les relations avec certaines dictatures, etc.

    La Realpolitik l’a emportée largement sur le reste ! Ne craignant pas d’être en contradiction avec ses propres paroles, le chef de l’Etat se veut être pragmatique : il s’adaptera au terrain et aux contraintes de la réalité des rapports de force ! Foin de la morale, donc ! Chine, Russie, pays arabes du Golfe... ce sont les contrats qui priment pour remplir les caisses de la France. La diplomatie économique a parlé et imposé son tempo, pour le moment !

    Pour bien expliquer des tropismes, des préférences, des affinités..., le voyage en Israël de trois jours du chef de l’Etat français mérite le détour. Car il offre une grille d’analyse suffisamment éloquente, pour pénétrer l’univers mental du président et interpréter certaines orientations.

    En Israël, Sarkozy s’est senti « chez lui ». Sa fusion émotionnelle et charnelle, sa raison, les discours prononcés... ont montré cet autre lui ! Il ne l’a jamais caché : pour Israël Nicolas Sarkozy a un lien inexplicable ! Judéité déclarée ou non, cela n’a aucune importance. Il est normal qu’un individu soit fidèle à ses origines !

    En tout état de cause, les Israéliens l’ont compris : il est l’un des leurs ! Pour autant, cela ne l’a pas empêché de dire certaines « vérités » à ses hôtes sur la fin de la colonisation, sur l’Etat palestinien, etc.

    Mais, il faut cependant dire cette réalité : c’est très important de dire les choses en « ami d’Israël », mais le temps de l’incantation n’est plus possible, surtout que le conflit israélien-palestinien continue d’empoisonner les têtes des peuples de la région. Voilà la seule chance, pour rendre ce discours crédible, pour permettre à Nicolas Sarkozy d’être un intermédiaire et (pour) relancer les négociations de paix !

    En (ces) quatorze mois de pouvoir, la politique étrangère de la France de Nicolas Sarkozy reste brouillonne, illisible. Il faudra encore du temps pour vérifier les évolutions en cours.

    Cependant, ce qui est sûr concernant sa politique moyen-orientale, c’est que Israël trouve une centralité jamais constatée à ce degré.

    A l’Elysée, au Quai d’Orsay..., tous les pro-israéliens occupent des postes stratégiques. C’est là où se situe la vraie « rupture » ou la vraie nouveauté, si l’on veut !

    par Hichem Ben Yaïche
    Le Quotidien d'Oran
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