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L'enfant parfait ou la tentation de l'eugénisme

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  • L'enfant parfait ou la tentation de l'eugénisme

    Nous souhaitons tous à nos enfants d'être en bonne santé, solides, beaux et intelligents. Dans quelques mois, devraient arriver sur le marché des tests permettant, à partir d'une simple prise de sang chez la future mère, de faire le diagnostic de trisomie 21 chez le fœtus. C'est une excellente nouvelle. Aujourd'hui, ce dépistage est basé sur une stratégie complexe et au final sur un prélèvement de liquide amniotique par ponction, à l'aide d'une fine aiguille dans l'utérus maternel, qui se solde dans 1 % des cas par une fausse couche. Alors que le fœtus avait toutes les chances d'être «normal». Le risque de trisomie 21 touche en moyenne une grossesse sur 700 (1 sur 900 avant 30 ans et 1 sur 28 après 45 ans). La simplification du dépistage évitera chaque année des centaines de fausses couches liées à l'amniocentèse et réduira le nombre d'enfants atteints de mongolisme. S'il faut souligner le progrès que cela représente, il est impératif d'y réfléchir, et d'en examiner les éventuels effets pervers.

    Tout succès présente en effet des revers, pas forcément évidents à percevoir d'emblée. Si aujourd'hui l'analyse d'une simple prise de sang maternel est capable de détecter la trisomie du fœtus, demain, elle pourra révéler tout aussi simplement les gènes de prédisposition du fœtus à certains cancers, ou à des maladies neurologiques qui l'affecteront tard dans la vie. Déjà, des cliniques américaines proposent aux couples qui le souhaitent des fécondations in vitro avec recherche des gènes du cancer du sein ou du côlon ou encore de la maladie d'Alzheimer. Il s'agit d'examiner les embryons obtenus par fécondation in vitro et de ne réimplanter dans l'utérus que ceux indemnes des gènes recherchées. Aujourd'hui, ces diagnostics dits pré-implantatoires sont très encadrés en France et autorisés uniquement pour des maladies génétiques graves, au-dessus de toute ressource thérapeutique. Mais demain, lorsque, avec une simple prise de sang maternel, il sera peut-être possible d'établir toute la cartographie génétique du bébé à venir, la tentation de faire naître l'enfant parfait sera plus forte que jamais.

    Faut-il s'en émouvoir ? L'histoire récente montre que l'on diagnostique maintenant grâce à l'échographie près de 70 % des malformations fœtales avant la naissance, contre 16 % il y a 25 ans. Malgré cela, le recours à l'avortement pour raison médicale est loin d'avoir autant progressé, preuve que les familles sont prêtes à accueillir et à aimer un petit être, même s'il présente une malformation surmontable. Par ailleurs, il est illusoire de croire que l'on pourra grâce à la génétique s'offrir un enfant parfait : l'expression des gènes de prédisposition aux cancers, au diabète, à Alzheimer, à l'alcoolisme… dépend pour une large part de l'environnement. Vouloir doter son enfant de «bons» gènes sans s'astreindre à l'éduquer au jour le jour et pendant des années pour lui transmettre des règles de vie, physiques, mentales et spirituelles, c'est s'exposer à de sérieuses désillusions.

    La tentation d'eugénisme sur la base de critères génétiques - attisée par des firmes désireuses d'inonder le marché de tests de dépistage -, ne doit pas être négligée, même s'il est clair qu'un individu est très loin de se résumer à son seul patrimoine génétique.

    Enfin, il est clair que la possibilité de dépister encore plus simplement les fœtus trisomiques pour tous les couples qui le souhaitent (c'est-à-dire l'immense majorité), pourrait contribuer à réduire un peu plus encore la tolérance de la société vis-à-vis des personnes handicapées, que l'on a déjà tendance à cacher, ignorer, exclure. Il y a des familles qui choisissent d'élever avec amour leurs enfants trisomiques. Il y a des éducateurs qui consacrent beaucoup d'énergie à la socialisation de ces personnes. Il y a des chercheurs qui œuvrent à la mise au point de traitements destinés à la trisomie. Il y a des associations qui se battent pour avoir plus de moyens à leur offrir. Malgré les avancées du dépistage, leur rôle dans la lutte contre l'eugénisme et pour la tolérance, quoiqu'en disent certains, reste exemplaire.

    Par Martine Perez, Le Figaro
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