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Evans-Pritchard : Qui renflouera l’euro ?

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  • Evans-Pritchard : Qui renflouera l’euro ?

    Les USA sont loin d’être tirés d’affaire, mais ils ont tout au moins mis en place l’ensemble des dispositifs - fort coûteux au demeurant - de refinancement et de sauvetage requis par la situation. L’Europe, qui vient d’abandonner - enfin - son obsession anti-inflationniste, est encore loin du compte. Ses banques, comme les établissements américains, sont lestées de papier indigeste. La politique monétaire étant par nature unique, les états les plus fragiles ne peuvent que subir cette contrainte d’un taux restant élevé tout en devant agir en ordre dispersé, chacun devant faire face à la crise avec ses seuls moyens. En dernier ressort, ce sont la stabilité et la fiabilité de l’Euro qui sont en jeu.


    Mieux vaut tard que jamais. Ce demi-point de baisse sur les taux d’intérêts pourrait ne pas suffire à stopper le cycle de déflation de la dette, mais on peut au moins espérer que soient évitées les erreurs commises durant la Grande Dépression. La crise actuelle a peu à voir avec le krach de 1929. Ce qui avait alors transformé une légère récession en un véritable désastre durant les années 1930, c’est un effondrement du système bancaire aux Etats-Unis et en Europe qui aurait été parfaitement évitable.

    Cette crise bancaire avait été provoquée par une politique monétaire restrictive, encore aggravée par l’absence de solidarité entre les gouvernements d’alors. Les manettes du pouvoir financier de l’occident étaient tenues par des gens qui croyaient - comme certains aujourd’hui - que c’est une bonne idée de laisser les banques affronter seules leurs difficultés.

    Fort heureusement, les responsables actuels sont plus avisés. Hier, l’action conjointe de la Réserve fédérale américaine, de la Banque d’Angleterre, de la Banque centrale européenne, des banques du Canada, de la Suisse, de Suède et avec l’aide de la Chine, représente une première. Jamais auparavant dans cette triste saga les gros calibres n’avaient uni leurs forces en matière de politique monétaire pour mettre un coup d’arrêt à la désintégration du système du crédit. La Fed et la BCE ne s’opposent plus désormais. Et cela représente une évolution importante dans la bonne direction.

    Il n’en reste pas moins qu’il est impardonnable ne pas avoir offert plus tôt cette bouée de sauvetage qu’est la baisse des taux aux banques en difficulté à travers le monde. Les puissances économiques du G7 sont en récession ou sur le point de l’être, y compris le Japon - où l’indice Nikkei a reculé de 10% hier. Aux USA, le crédit à la consommation se contracte à un rythme annuel de 7,9%, chiffre le plus fort jamais observé.

    L’indice Baltique du Fret Sec, qui mesure le coût du transport maritime, a perdu 70% depuis mai dernier. Toutes les matières premières - mis à part l’or, qui devient une « devise » refuge - sont en chute libre. Le pétrole a abandonné 41% sur son plus haut, le cuivre 38%, le blé 50%. Quiconque prend le pouls du commerce mondial pense que désormais la menace de l’inflation est peu crédible. Sir Terry Leahy, dirigeant de la chaîne Tesco, indique que les prix des produits alimentaires ont baissé de 2% dans ses magasins.

    A mon avis Washington a fait de ce qui était nécessaire pour prévenir l’effondrement de l’économie américaine. Les autorités ont finalement pris en main l’ensemble du système de crédit, à un niveau qui dépasse le New Deal de Roosevelt.

    Les États-Unis ont garanti les 3 500 milliards gérés par les fonds d’investissement intervenant sur le marché monétaire. Ils ont nationalisé les 5300 milliards des deux piliers du marché hypothécaire que sont Fannie et Freddie. La Fed accepte n’importe quelle créance de bas étage en tant que garantie pour les prêts qu’elle accorde. Cette semaine, elle a été encore plus loin en sauvant de la panique le marché du papier commercial qui pèse 1600 milliards. Sur ce marché, la Fed octroie désormais des prêts sans plus aucun dépôt de garantie. Le gouvernement américain s’est transformé en banque. C’est le socialisme version États-Unis. Que pouvaient-ils faire d’autre ?

    Les 700 milliards du plan Paulson devraient parvenir à installer un prix plancher pour ce colossal tas de bouse connu sous le nom de « crédit structuré ». C’est un plan mal conçu car il ne vise pas à recapitaliser le cœur du système bancaire. Mais il permettra de renflouer les créanciers en relevant le prix des titres malmenés à un niveau voisin de leur valeur résiduelle réelle.

    Une récession affreuse se rapproche avec le retournement de cycle induit par la liquidation de la dette. La purge sera lente et sévère. Quelques 12 millions de foyers Américains sont déjà pris au piège d’un patrimoine négatif, mais au moins ils peuvent commencer à imaginer où cela pourrait s’arrêter. Après bien des effets théâtraux au Congrès, les États-Unis ont finalement relevé le défi. La Fed, le Trésor, et le Congrès ont réussi à définir une ligne d’action à peu près cohérente. C’est maintenant l’Europe qui est sur la sellette depuis qu’elle a été rattrapée par l’ouragan dévastant le système bancaire.

    Ceux qui pensaient, comme le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück - que la crise des subprimes n’était qu’un « problème américain » - ont subi un rude choc. L’effondrement de Hypo Real avec ses 400 milliards d’euros de passif l’a contraint à affronter cette réalité dérangeante : les banques allemandes ont joué un grand rôle dans ce montage spéculatif de 10 000 milliards de dollars dans lequel est impliqué l’ensemble du secteur bancaire mondial.

    Les Européens ont emprunté des montants énormes en dollars sur les marchés monétaires étrangers lorsque les crédits en dollar étaient bon marché. Ces sommes ont été utilisées avec un effet de levier atteignant 50 ou 60 pour investir dans le dernier placement à la mode - la Russie, le Brésil. Le resserrement du crédit a mis ces banques en mauvaise posture. Elles doivent rembourser un paquet de dollars, mais les actifs sous-jacents sont en lambeaux. Elles sont prises au piège de la spirale auto entretenue du « deleveraging, » de la réduction de l’effet de levier. Même les banques européennes qui conservent ces investissements peu digestes sont prises dans un étau, car elles sont nombreuses à avoir financé ces actifs par le recours au crédit à court terme, de moins de 3 mois. Or ce marché est complètement bloqué. Elles ne peuvent donc pas renouveler leurs emprunts arrivant à échéance. C’est alors que survient la mort subite, comme Hypo l’a appris récemment à ses dépends.

    Qui, dans la zone euro pourrait faire ce que Alistair Darling vient de décider in extremis pour sauver les banques du Royaume-Uni, maintenant que s’effondre ce château de cartes de 10 000 milliards ? Il n’y a pas de ministre des finances de l’UE ni d’institut d’émission commun de bons du Trésor pour venir en aide à la monnaie unique. La BCE n’est pas autorisée par la législation de l’UE à mener des opérations de sauvetage. Chaque pays doit sauver sa peau tout seul, mais aucun d’entre eux ne dispose du contrôle des instruments de politique monétaire.

    L’Allemagne a opposé son veto à la proposition franco-italienne pour un fonds de sauvetage européen. Les Allemands savent très exactement où cela mène. Ce serait un cheval de Troie qui un jour serait utilisé pour co-opter les contribuables allemands dans un plan de sauvetage au bénéfice d’un cousin de l’Union Monétaire nettement moins teutonique. On peut comprendre Berlin. Mais ce partage des dettes avec l’Italie et l’Espagne était implicite lorsque la décision a été prise de lancer l’euro. Une monnaie commune crée des obligations. Nous avons atteint le moment décisif où l’Allemagne aura à décider s’il convient de mettre tout son poids pour soutenir l’Union Monétaire. Ou bien elle révélera qu’elle n’est pas disposée à le faire dans une situation de crise.

    Il s’agit d’une situation très dangereuse pour l’Union Monétaire. Comptera-t-elle encore 15 membres à Noël ?

    Par Ambrose Evans-Pritchard, The Telegraph, 8 octobre 2008
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