NAGUIB SAWIRIS, P-DG D’ORASCOM, AU SOIR D’ALGÉRIE :
«Ni Djezzy ni Orascom ne sont à vendre»
Entretien réalisé au Caire par Nacer Belhadjoudja
C’est au 26e étage du building du groupe qui surplombe le Nil (Caire) que Naguib Sawiris reçoit des journalistes algériens afin de «lever les équivoques sur ce qui s’est dit sur notre groupe ces derniers temps. Des informations, sans fondement, ont circulé en Algérie laissant entendre que nous allons abandonner nos investissements dans ce pays alors que d’autres annoncent, tout bonnement, que nous allons vendre nos actifs en Algérie. Tout cela est, bien sûr, faux», avance sans ambages celui que le revue Forbes classe comme l’homme le plus riche d’Afrique, avec un capital dépassant les dix milliards de dollars.
Le Soir d’Algérie : Monsieur Sawiris, beaucoup de choses ont été dites sur votre groupe, notamment la cession d’OTA à un groupe français et la réduction de vos investissements en Algérie. Quelle est la part du vrai et du faux dans tout cela ?
M. Naguib Sawiris : J’affirme que nous sommes heureux d’être en Algérie.
Je pense que les rumeurs qui ont circulé à notre sujet sont l’œuvre de la concurrence locale ou internationale. Dans le domaine des télécoms, nous sommes devenus un concurrent sérieux et nous avons réussi à arracher une bonne part d’un marché jusqu’ici exclusivement occupé par certaines firmes. Peut-être que l’arrivée d’un concurrent venu d’un pays émergent et de surcroît arabe gêne ces firmes. C’est un racisme primaire qui ne dit pas son nom. A cela se greffe également le complexe du colonisé. Rappelez-vous tout ce qui avait été dit lorsqu’on avait remporté la licence d’exploitation du GSM en Algérie : comment a-t-on pu préférer une entreprise égyptienne à des entreprises françaises, espagnoles ou allemandes ? Et on sait ce que véhiculent comme sousentendus ce genre de questions. Mais si cela peut vous rassurer, ce complexe du colonisé existe également chez nous en Egypte. Cette rumeur sur la revente de Djezzy intervenait au moment où nous venions de racheter un grand opérateur italien, en l’occurrence Wind Telecom, pour 15 milliards de dollars. La même opération s’est déroulée en Grèce. Et je vous annonce que nous venons de conclure un projet au Canada. Ici, en Egypte même, nous avons fait l’objet de critiques sournoises du genre «ces gens-là sont devenus trop importants et en s’agrandissant, ils vont tout emporter sur leur passage ».
Donc la revente de Djezzy n’est pas à l’ordre du jour ?
Je vous le confirme. Mais laissez-moi d’abord vous dire que pour nous, l’Algérie a été et demeure toujours un défi. Nous sommes arrivés dans ce pays lorsqu’il n’était pas dans l’air du temps d’y investir ne serait-ce qu’un dollar, en dehors des hydrocarbures. Et d’ailleurs, à cette époque le cours du baril de pétrole n’était pas à son niveau actuel. A cette époque, des analystes économiques internationalement reconnus ne comprenaient pas notre empressement à aller investir en Algérie. Ils avaient conclu que notre démarche était économiquement suicidaire. Et je suis fier de rappeler également que pour la licence GSM, notre offre était le double de l’offre de France Télécom. Certains avaient estimé que nous avions reçu un coup de pouce pour remporter ce marché de la téléphonie mobile en Algérie. Si cela avait été vrai, vous pensez sérieusement que nous aurions été obligés d’offrir le double de l’offre de notre premier concurrent ? Un dollar de plus aurait suffi dans ce cas-là à notre bonheur. Dernier point : à cette même période, certains de nos associés, puisque, certes, nous sommes une entreprise égyptienne et nous détenons la majorité, mais nous avons également des associés américains, britanniques et autres, ne comprenaient pas comment on pouvait les entraîner sur un tel investissement dans un pays à double risque : sécuritaire et économique. Aujourd’hui, Dieu merci, lorsqu’on parle du succès d’Orascom, personne n’omet de signaler que ce dernier est intimement lié au succès d’Orascom Algérie. Le succès de Djezzy n’a pas son égal, ni en Egypte, ni en Tunisie ni même au Pakistan.
Djezzy est donc une belle opération financière ?
Oui, mais c’est bien plus que ça dont il s’agit. L’argent n’est pas tout. Il y a derrière cette opération du transfert technologique. Aujourd’hui, le nombre du personnel étranger qui travaille pour Djezzy ne dépasse pas les doigts d’une seule main. Pour nous, l’investissement étranger direct apporte avec lui une nouvelle vision de la gestion, de nouvelles idées et les jeunes Algériens découvrent de nouvelles méthodes de travail, et c’est en cela que nous sommes fiers d’avoir apporté notre part à cet investissement sur l’homme qui ne tient pas compte des fluctuations du marché pétrolier. Autant de raisons qui font que, non seulement Djezzy n’est pas à vendre mais également tout le groupe Orascom. Ma démarche, ou si vous voulez ma raison d’être, c’est d’arriver un jour à bâtir le plus grand groupe de télécom au monde, contrôlé par un Egyptien, autrement dit un Arabe. C’est cela le carburant de mon existence. Ceux qui disent que nous faisons de grands gains en Algérie ignorent tout simplement qu’ils sont la meilleure propagande pour ce pays. Ils oublient également que c’est la meilleure manière de lever des doutes sur le climat des investissements. Il n’y a pas pire publicité pour un pays que la faillite d’un investisseur étranger. C’est ça le langage de la vérité économique et non celui qui avance des arguments fallacieux du genre la fraternité arabe et autres amitiés ancestrales.
Dans l’immédiat, quels sont les projets de Djezzy ?
Nous allons lancer, bientôt, un institut de formation à but non lucratif qui aura pour mission d’assurer le transfert technologique aux étudiants algériens appelés à intégrer le monde du travail. Cet institut se fera avec la collaboration de nos partenaires en Algérie et bénéficie déjà d’un intérêt auprès des autorités algériennes. Nous voulons également lancer une grande campagne publicitaire pour faire connaître aux étrangers la destination Algérie qui recèle de grandes potentialités touristiques.
Est-ce que vous pensez que l’Algérie offre des conditions de sécurisation des investissements étrangers ?
Généralement, ce n’est pas dans l’air du temps de rendre hommage aux autorités. Cela peut être compris médiatiquement comme une caresse dans le sens du poil, mais tant pis, je prends le risque d’aller à contre-sens et d’affirmer qu’avec l’Autorité de régulation (NDLR : ARPT), nous témoignons qu’elle a veillé à respecter et à faire respecter par les opérateurs de téléphonie la charte pour laquelle elle a été instituée malgré le fait qu’elle évolue sur la corde raide parce qu’elle doit faire respecter les lois de la concurrence tout en veillant au respect, également, des droits du client. Je saisis cette opportunité pour dire que l’Algérie se distingue, aux yeux des investisseurs étrangers, par cette qualité rare qui consiste à respecter ses engagements. Nous sommes engagés dans plusieurs pays arabes et nous pouvons dire que nous n’avons pas vu dans cette partie du monde un pays aussi respectueux de ses engagements comme l’Algérie. Si, parfois, il y a des difficultés conjoncturelles, cela n’affecte en rien les engagements de l’Algérie envers les investisseurs étrangers.
Peut-on connaître la nature des problèmes que vous rencontrez en Algérie et d’où émanentils, selon vous ?
Il y a d’abord ces rumeurs qui sont propagées à l’endroit de l’opinion publique et tellement martelées qu’elles finissent par apparaître comme vérité absolue chez le commun des mortels. Je vous cite un exemple : il s’est dit que mon frère a vendu son usine de ciment de M’sila au groupe Lafarge. En vérité, c’est mon frère qui a pris des parts dans le capital de ce groupe.
Ce sont toutes ses usines situées en Algérie, au Pakistan, en Corée, au Nigeria, en Afrique du Sud et ailleurs, soit vingt usines au total, qui ont constitué la contre-partie à la prise de participation d’Orascom dans le capital de Lafarge. Jusqu’en 2010, nous ne pouvons pas dépasser 20% du capital de ce groupe. Mais trois ans passent vite, et croyez-moi, nous serons majoritaires. C’est tout de même curieux qu’en Algérie, on avance que mon frère a vendu ACC au groupe Lafarge, alors qu’en France une partie de la presse parisienne s’est déchaînée contre l’entrée d’Orascom, d’une manière significative, dans la capital d’un groupe qui fait partie du panier du CAC 40. Cette presse-là ne manque pas de relais pour discréditer notre entreprise. Je ne verse pas dans une logique de victimisation, mais je pense sérieusement que l’on a voulu faire payer l’Arabe qui ose. Rappelez-vous la levée de boucliers dans l’Hexagone le jour où je voulais racheter Bouygues Télécom. C’était pour eux inadmissible et cette fois aussi des relais médiatiques n’ont pas hésité, un seul instant, à tenter de salir l’image de notre groupe. Comme je vous livre à vous, hommes de presse, mon sentiment et mes convictions, je suis prêt à aller en Algérie expliquer aux autorités que nous sommes et resteront fidèles à un pays pour lequel Orascom se sent redevable.
«Ni Djezzy ni Orascom ne sont à vendre»
Entretien réalisé au Caire par Nacer Belhadjoudja
C’est au 26e étage du building du groupe qui surplombe le Nil (Caire) que Naguib Sawiris reçoit des journalistes algériens afin de «lever les équivoques sur ce qui s’est dit sur notre groupe ces derniers temps. Des informations, sans fondement, ont circulé en Algérie laissant entendre que nous allons abandonner nos investissements dans ce pays alors que d’autres annoncent, tout bonnement, que nous allons vendre nos actifs en Algérie. Tout cela est, bien sûr, faux», avance sans ambages celui que le revue Forbes classe comme l’homme le plus riche d’Afrique, avec un capital dépassant les dix milliards de dollars.
Le Soir d’Algérie : Monsieur Sawiris, beaucoup de choses ont été dites sur votre groupe, notamment la cession d’OTA à un groupe français et la réduction de vos investissements en Algérie. Quelle est la part du vrai et du faux dans tout cela ?
M. Naguib Sawiris : J’affirme que nous sommes heureux d’être en Algérie.
Je pense que les rumeurs qui ont circulé à notre sujet sont l’œuvre de la concurrence locale ou internationale. Dans le domaine des télécoms, nous sommes devenus un concurrent sérieux et nous avons réussi à arracher une bonne part d’un marché jusqu’ici exclusivement occupé par certaines firmes. Peut-être que l’arrivée d’un concurrent venu d’un pays émergent et de surcroît arabe gêne ces firmes. C’est un racisme primaire qui ne dit pas son nom. A cela se greffe également le complexe du colonisé. Rappelez-vous tout ce qui avait été dit lorsqu’on avait remporté la licence d’exploitation du GSM en Algérie : comment a-t-on pu préférer une entreprise égyptienne à des entreprises françaises, espagnoles ou allemandes ? Et on sait ce que véhiculent comme sousentendus ce genre de questions. Mais si cela peut vous rassurer, ce complexe du colonisé existe également chez nous en Egypte. Cette rumeur sur la revente de Djezzy intervenait au moment où nous venions de racheter un grand opérateur italien, en l’occurrence Wind Telecom, pour 15 milliards de dollars. La même opération s’est déroulée en Grèce. Et je vous annonce que nous venons de conclure un projet au Canada. Ici, en Egypte même, nous avons fait l’objet de critiques sournoises du genre «ces gens-là sont devenus trop importants et en s’agrandissant, ils vont tout emporter sur leur passage ».
Donc la revente de Djezzy n’est pas à l’ordre du jour ?
Je vous le confirme. Mais laissez-moi d’abord vous dire que pour nous, l’Algérie a été et demeure toujours un défi. Nous sommes arrivés dans ce pays lorsqu’il n’était pas dans l’air du temps d’y investir ne serait-ce qu’un dollar, en dehors des hydrocarbures. Et d’ailleurs, à cette époque le cours du baril de pétrole n’était pas à son niveau actuel. A cette époque, des analystes économiques internationalement reconnus ne comprenaient pas notre empressement à aller investir en Algérie. Ils avaient conclu que notre démarche était économiquement suicidaire. Et je suis fier de rappeler également que pour la licence GSM, notre offre était le double de l’offre de France Télécom. Certains avaient estimé que nous avions reçu un coup de pouce pour remporter ce marché de la téléphonie mobile en Algérie. Si cela avait été vrai, vous pensez sérieusement que nous aurions été obligés d’offrir le double de l’offre de notre premier concurrent ? Un dollar de plus aurait suffi dans ce cas-là à notre bonheur. Dernier point : à cette même période, certains de nos associés, puisque, certes, nous sommes une entreprise égyptienne et nous détenons la majorité, mais nous avons également des associés américains, britanniques et autres, ne comprenaient pas comment on pouvait les entraîner sur un tel investissement dans un pays à double risque : sécuritaire et économique. Aujourd’hui, Dieu merci, lorsqu’on parle du succès d’Orascom, personne n’omet de signaler que ce dernier est intimement lié au succès d’Orascom Algérie. Le succès de Djezzy n’a pas son égal, ni en Egypte, ni en Tunisie ni même au Pakistan.
Djezzy est donc une belle opération financière ?
Oui, mais c’est bien plus que ça dont il s’agit. L’argent n’est pas tout. Il y a derrière cette opération du transfert technologique. Aujourd’hui, le nombre du personnel étranger qui travaille pour Djezzy ne dépasse pas les doigts d’une seule main. Pour nous, l’investissement étranger direct apporte avec lui une nouvelle vision de la gestion, de nouvelles idées et les jeunes Algériens découvrent de nouvelles méthodes de travail, et c’est en cela que nous sommes fiers d’avoir apporté notre part à cet investissement sur l’homme qui ne tient pas compte des fluctuations du marché pétrolier. Autant de raisons qui font que, non seulement Djezzy n’est pas à vendre mais également tout le groupe Orascom. Ma démarche, ou si vous voulez ma raison d’être, c’est d’arriver un jour à bâtir le plus grand groupe de télécom au monde, contrôlé par un Egyptien, autrement dit un Arabe. C’est cela le carburant de mon existence. Ceux qui disent que nous faisons de grands gains en Algérie ignorent tout simplement qu’ils sont la meilleure propagande pour ce pays. Ils oublient également que c’est la meilleure manière de lever des doutes sur le climat des investissements. Il n’y a pas pire publicité pour un pays que la faillite d’un investisseur étranger. C’est ça le langage de la vérité économique et non celui qui avance des arguments fallacieux du genre la fraternité arabe et autres amitiés ancestrales.
Dans l’immédiat, quels sont les projets de Djezzy ?
Nous allons lancer, bientôt, un institut de formation à but non lucratif qui aura pour mission d’assurer le transfert technologique aux étudiants algériens appelés à intégrer le monde du travail. Cet institut se fera avec la collaboration de nos partenaires en Algérie et bénéficie déjà d’un intérêt auprès des autorités algériennes. Nous voulons également lancer une grande campagne publicitaire pour faire connaître aux étrangers la destination Algérie qui recèle de grandes potentialités touristiques.
Est-ce que vous pensez que l’Algérie offre des conditions de sécurisation des investissements étrangers ?
Généralement, ce n’est pas dans l’air du temps de rendre hommage aux autorités. Cela peut être compris médiatiquement comme une caresse dans le sens du poil, mais tant pis, je prends le risque d’aller à contre-sens et d’affirmer qu’avec l’Autorité de régulation (NDLR : ARPT), nous témoignons qu’elle a veillé à respecter et à faire respecter par les opérateurs de téléphonie la charte pour laquelle elle a été instituée malgré le fait qu’elle évolue sur la corde raide parce qu’elle doit faire respecter les lois de la concurrence tout en veillant au respect, également, des droits du client. Je saisis cette opportunité pour dire que l’Algérie se distingue, aux yeux des investisseurs étrangers, par cette qualité rare qui consiste à respecter ses engagements. Nous sommes engagés dans plusieurs pays arabes et nous pouvons dire que nous n’avons pas vu dans cette partie du monde un pays aussi respectueux de ses engagements comme l’Algérie. Si, parfois, il y a des difficultés conjoncturelles, cela n’affecte en rien les engagements de l’Algérie envers les investisseurs étrangers.
Peut-on connaître la nature des problèmes que vous rencontrez en Algérie et d’où émanentils, selon vous ?
Il y a d’abord ces rumeurs qui sont propagées à l’endroit de l’opinion publique et tellement martelées qu’elles finissent par apparaître comme vérité absolue chez le commun des mortels. Je vous cite un exemple : il s’est dit que mon frère a vendu son usine de ciment de M’sila au groupe Lafarge. En vérité, c’est mon frère qui a pris des parts dans le capital de ce groupe.
Ce sont toutes ses usines situées en Algérie, au Pakistan, en Corée, au Nigeria, en Afrique du Sud et ailleurs, soit vingt usines au total, qui ont constitué la contre-partie à la prise de participation d’Orascom dans le capital de Lafarge. Jusqu’en 2010, nous ne pouvons pas dépasser 20% du capital de ce groupe. Mais trois ans passent vite, et croyez-moi, nous serons majoritaires. C’est tout de même curieux qu’en Algérie, on avance que mon frère a vendu ACC au groupe Lafarge, alors qu’en France une partie de la presse parisienne s’est déchaînée contre l’entrée d’Orascom, d’une manière significative, dans la capital d’un groupe qui fait partie du panier du CAC 40. Cette presse-là ne manque pas de relais pour discréditer notre entreprise. Je ne verse pas dans une logique de victimisation, mais je pense sérieusement que l’on a voulu faire payer l’Arabe qui ose. Rappelez-vous la levée de boucliers dans l’Hexagone le jour où je voulais racheter Bouygues Télécom. C’était pour eux inadmissible et cette fois aussi des relais médiatiques n’ont pas hésité, un seul instant, à tenter de salir l’image de notre groupe. Comme je vous livre à vous, hommes de presse, mon sentiment et mes convictions, je suis prêt à aller en Algérie expliquer aux autorités que nous sommes et resteront fidèles à un pays pour lequel Orascom se sent redevable.
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