S’ils minimisent l’impact de la crise financière sur l’économie, les dirigeants marocains sont confrontés aux risques d’explosion de la bulle immobilière et à la chute des recettes liées au tourisme. La croissance n’en reste pas moins forte, mais les réformes avancent lentement.
Mari de la princesse Lalla Aïcha, Hassan Yacoubi est un homme d’affaires septuagénaire plutôt discret, tout comme sa femme réputée modeste et brillante. Que s’est-il passé au carrefour d’Anfa, à Casablanca, pour que l’oncle du roi Mohammed VI sorte un pistolet de sa poche et blesse à la jambe le policier qui les avait arrêtés ? Aurait-il été bousculé par le représentant des forces de l’ordre qui ne l’avait pas reconnu lors d’une altercation entre les deux hommes ? Certains avancent cette hypothèse. Il n’empêche : la blessure royale infligée par cet auguste représentant du Makhzen (Palais) a été jugée insupportable par la plupart des journaux marocains.
L’anecdote révèle, quoi qu’il en soit, une survivance de l’époque où Hassan II dirigeait le pays d’une poigne de fer. Bien que plus tempéré, son fils, surnommé « M6 », ne s’embarrasse pas de plus de précautions quand quelque chose lui déplaît souverainement. Ainsi a-t-il récemment licencié le général Archan, qui dirigeait l’hôpital militaire de Rabat, après avoir découvert que l’une des anciennes épouses de son grand-père Mohammed V, sur le point de mourir, avait été mal soignée. Et pour cause, le scanner de l’hôpital était défectueux. La modernisation du pays prend du temps...
Des annonces et puis plus rien
Comme c’est souvent le cas au royaume chérifien, le souverain ordonne mais l’exécution ne suit pas. « Le Roi va dans un village, lance un projet puis l’on ramasse les maquettes et l’on oublie tout », note cet observateur attentif de la scène marocaine, qui en a vu d’autres. Et l’homme de citer le projet de Benglir, qui devait devenir un nouveau Marrakech après 750 millions de dirhams (67 millions d’euros) d’investissements. Six mois après, rien n’a bougé dans cette petite ville de 15.000 habitants.
Féminisation et moralisation au programme
Lors de sa dernière intervention publique, le roi du Maroc a donc dressé la liste de ses priorités. Première d’entre elles, remodeler le statut électoral des femmes à l’occasion des élections communales de juin 2009. Malgré leur émancipation dont le royaume se targue volontiers à l’étranger, elles ne sont que 127 sur 27.000 candidats. Après les législatives de septembre 2007, où 30 % seulement des Marocains s’étaient rendus aux urnes, il devient urgent de réconcilier le peuple avec la politique. Mais cela passe aussi par une moralisation économique, en clair une lutte accrue contre la corruption et les pratiques anticoncurrentielles. Vaste chantier ! Axée pour l’essentiel sur les services plus que sur les matières premières comme le pétrole, contrairement à l’Algérie, au moins l’économie marocaine ne semble-t-elle pas encore souffrir de la crise financière mondiale. L’impact sur le tourisme devrait néanmoins se faire sentir au cours des prochains mois.
Une redistribution à améliorer
Surtout, le pays demeure très féodal et inégalitaire. Bien que porté par une croissance de 6 %, il redistribue chichement les richesses et laisse perdurer des zones de grande pauvreté, notamment dans les bidonvilles de Casablanca, véritables viviers de candidats au terrorisme urbain malgré un appareil sécuritaire sur le qui-vive. La classe moyenne s’étoffe toutefois peu à peu. Dans le quartier Californie de Casablanca, Nawal, 28 ans, jeune et jolie « executive woman », gère une plateforme offshore de services financiers (banques, assurances...) qui emploie 80 salariés. Meriem, 26 ans, est pour sa part directrice de clientèle dans une agence de publicité. Après sept années en France, elle constate de retour au pays que l’autorité patriarcale est toujours très forte contrairement à l’Occident : « Il y a un décalage entre l’évolution des Marocains et celle des Marocaines », glisse cette jeune femme qui éprouve une certaine nostalgie pour ses années de l’autre côté de la Méditerranée.
Le risque d’une explosion de la bulle immobilière
Enfin, Mounia rénove des immeubles à Casablanca qu’elle achète 5.000 dirhams (450 euros) du m² dans des quartiers populaires et les transforme en lofts pour « bobos ». Cela vaut mieux, selon elle, que d’acheter des programmes clés en mains à des promoteurs véreux. D’autant que la bulle immobilière, qui rend le bord de mer inabordable sur l’Atlantique, pourrait bien finir par exploser.
Hubert Coudurier (Le Télégramme)
Mari de la princesse Lalla Aïcha, Hassan Yacoubi est un homme d’affaires septuagénaire plutôt discret, tout comme sa femme réputée modeste et brillante. Que s’est-il passé au carrefour d’Anfa, à Casablanca, pour que l’oncle du roi Mohammed VI sorte un pistolet de sa poche et blesse à la jambe le policier qui les avait arrêtés ? Aurait-il été bousculé par le représentant des forces de l’ordre qui ne l’avait pas reconnu lors d’une altercation entre les deux hommes ? Certains avancent cette hypothèse. Il n’empêche : la blessure royale infligée par cet auguste représentant du Makhzen (Palais) a été jugée insupportable par la plupart des journaux marocains.
L’anecdote révèle, quoi qu’il en soit, une survivance de l’époque où Hassan II dirigeait le pays d’une poigne de fer. Bien que plus tempéré, son fils, surnommé « M6 », ne s’embarrasse pas de plus de précautions quand quelque chose lui déplaît souverainement. Ainsi a-t-il récemment licencié le général Archan, qui dirigeait l’hôpital militaire de Rabat, après avoir découvert que l’une des anciennes épouses de son grand-père Mohammed V, sur le point de mourir, avait été mal soignée. Et pour cause, le scanner de l’hôpital était défectueux. La modernisation du pays prend du temps...
Des annonces et puis plus rien
Comme c’est souvent le cas au royaume chérifien, le souverain ordonne mais l’exécution ne suit pas. « Le Roi va dans un village, lance un projet puis l’on ramasse les maquettes et l’on oublie tout », note cet observateur attentif de la scène marocaine, qui en a vu d’autres. Et l’homme de citer le projet de Benglir, qui devait devenir un nouveau Marrakech après 750 millions de dirhams (67 millions d’euros) d’investissements. Six mois après, rien n’a bougé dans cette petite ville de 15.000 habitants.
Féminisation et moralisation au programme
Lors de sa dernière intervention publique, le roi du Maroc a donc dressé la liste de ses priorités. Première d’entre elles, remodeler le statut électoral des femmes à l’occasion des élections communales de juin 2009. Malgré leur émancipation dont le royaume se targue volontiers à l’étranger, elles ne sont que 127 sur 27.000 candidats. Après les législatives de septembre 2007, où 30 % seulement des Marocains s’étaient rendus aux urnes, il devient urgent de réconcilier le peuple avec la politique. Mais cela passe aussi par une moralisation économique, en clair une lutte accrue contre la corruption et les pratiques anticoncurrentielles. Vaste chantier ! Axée pour l’essentiel sur les services plus que sur les matières premières comme le pétrole, contrairement à l’Algérie, au moins l’économie marocaine ne semble-t-elle pas encore souffrir de la crise financière mondiale. L’impact sur le tourisme devrait néanmoins se faire sentir au cours des prochains mois.
Une redistribution à améliorer
Surtout, le pays demeure très féodal et inégalitaire. Bien que porté par une croissance de 6 %, il redistribue chichement les richesses et laisse perdurer des zones de grande pauvreté, notamment dans les bidonvilles de Casablanca, véritables viviers de candidats au terrorisme urbain malgré un appareil sécuritaire sur le qui-vive. La classe moyenne s’étoffe toutefois peu à peu. Dans le quartier Californie de Casablanca, Nawal, 28 ans, jeune et jolie « executive woman », gère une plateforme offshore de services financiers (banques, assurances...) qui emploie 80 salariés. Meriem, 26 ans, est pour sa part directrice de clientèle dans une agence de publicité. Après sept années en France, elle constate de retour au pays que l’autorité patriarcale est toujours très forte contrairement à l’Occident : « Il y a un décalage entre l’évolution des Marocains et celle des Marocaines », glisse cette jeune femme qui éprouve une certaine nostalgie pour ses années de l’autre côté de la Méditerranée.
Le risque d’une explosion de la bulle immobilière
Enfin, Mounia rénove des immeubles à Casablanca qu’elle achète 5.000 dirhams (450 euros) du m² dans des quartiers populaires et les transforme en lofts pour « bobos ». Cela vaut mieux, selon elle, que d’acheter des programmes clés en mains à des promoteurs véreux. D’autant que la bulle immobilière, qui rend le bord de mer inabordable sur l’Atlantique, pourrait bien finir par exploser.
Hubert Coudurier (Le Télégramme)
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