Sans la mémoire de ses luttes, un peuple perd le sens de l'histoire. Ahmed Benani, professeur à l'Université de Lausanne, contera en deux soirées l'histoire des luttes du peuple marocain. Le 19 avril, il traitera de la période coloniale, et plus particulièrement du grand soulèvement du Rif, dirigé par le légendaire Abdelkrim.
Maria McGavigan
«Les enfants marocains vivant en Belgique ont l'impression qu'ils viennent d'un pays misérable», explique une intellectuelle arabe. «Ils n'en connaissent que les mauvais côtés: la pauvreté que leurs parents ont fui, la corruption, etc. De la richesse culturelle et historique du Maroc, ils ne savent rien.» On pourrait ajouter qu'ils ne savent rien non plus de son histoire révolutionnaire. C'est pourquoi le Centre International a invité le professeur Ahmed Benani. Car ce n'est pas dans les écoles belges (ou marocaines) que les jeunes apprennent comment les Marocains se sont battus contre le colonialisme espagnol et français.
Le «Protectorat» franco-espagnol sur le Maroc a été signé en 1912: le Nord et le Sud vont aux Espagnols, le reste aux Français. Sans oublier Tanger, qui reste dans le giron de l'Angleterre. Mais en réalité, les puissances coloniales ne contrôlent que les centres. C'est dans ce contexte que, dans les années qui suivent la Première Guerre mondiale, surgit la révolte d'Abdelkrim.
L'indépendance, tout simplement
Après la grande bataille d'Anoual, où les troupes espagnoles sont anéanties par les Rifains en 1921, Abdelkrim, génie militaire malgré lui, ne peut plus reculer. Son héros est Kemal Ataturk, le nouveau leader turc, et son obsession de la modernité. Il se met à construire des routes à travers le Rif (région à majorité berbère bordant la Méditerrannée), à et y installe le téléphone. En 1923, il proclame «la République du Rif», véritable rupture avec l'autocratie et la féodalité, car même s'il se dit toujours prêt à accepter la tutelle du Sultan du Maroc, il lui reproche son manque de nationalisme. Pas un nationalisme berbère, mais anti-colonial. Abdelkrim n'est pas non plus ce que nous appellerions aujourd'hui un islamiste: «Le temps de la guerre sainte est dépassée, déclare-t-il. Nous ne sommes plus ni au Moyen Age ni aux temps des Croisades. Nous voulons simplement être indépendants.»
Abdelkrim prend rapidement des allures d'homme d'Etat, tirant habilement parti des rivalités entre impérialistes. Le jeune Parti Communiste Français mène campagne en sa faveur. Pour en venir à bout, il aura fallu les forces combinées des Espagnols et des Français lesquels, sous la direction du Maréchal Pétain, ont dû déployer de gros moyens pour le déloger.
Après 21 ans d'exil à la Réunion, Abdelkrim est autorisé à s'installer en Egypte, où il mourra en 1962. Lui rendre visite était un passage obligé pour les révolutionnaires du monde entier. Abdelkrim est resté en contact avec le leader communiste Ho Chi Minh, qui lui a demandé de lancer un appel à la désertion aux soldats maghrébins enrôlés dans l'armée française au Vietnam. C'est ainsi que beaucoup de soldats marocains ont rejoint les Vietminh.
Mao Zedong et Tito avouent eux-mêmes avoir beaucoup appris du leader marocain. En 1971, recevant une délégation palestinienne du Fatah, Mao déclare: «Vous êtes venus pour que je vous parle de la guerre populaire de libération alors que, dans votre histoire récente, il y a Abdelkrim, qui est une des principales sources desquelles j'ai appris ce qu'est la guerre populaire de libération.»
Maria McGavigan
«Les enfants marocains vivant en Belgique ont l'impression qu'ils viennent d'un pays misérable», explique une intellectuelle arabe. «Ils n'en connaissent que les mauvais côtés: la pauvreté que leurs parents ont fui, la corruption, etc. De la richesse culturelle et historique du Maroc, ils ne savent rien.» On pourrait ajouter qu'ils ne savent rien non plus de son histoire révolutionnaire. C'est pourquoi le Centre International a invité le professeur Ahmed Benani. Car ce n'est pas dans les écoles belges (ou marocaines) que les jeunes apprennent comment les Marocains se sont battus contre le colonialisme espagnol et français.
Le «Protectorat» franco-espagnol sur le Maroc a été signé en 1912: le Nord et le Sud vont aux Espagnols, le reste aux Français. Sans oublier Tanger, qui reste dans le giron de l'Angleterre. Mais en réalité, les puissances coloniales ne contrôlent que les centres. C'est dans ce contexte que, dans les années qui suivent la Première Guerre mondiale, surgit la révolte d'Abdelkrim.
L'indépendance, tout simplement
Après la grande bataille d'Anoual, où les troupes espagnoles sont anéanties par les Rifains en 1921, Abdelkrim, génie militaire malgré lui, ne peut plus reculer. Son héros est Kemal Ataturk, le nouveau leader turc, et son obsession de la modernité. Il se met à construire des routes à travers le Rif (région à majorité berbère bordant la Méditerrannée), à et y installe le téléphone. En 1923, il proclame «la République du Rif», véritable rupture avec l'autocratie et la féodalité, car même s'il se dit toujours prêt à accepter la tutelle du Sultan du Maroc, il lui reproche son manque de nationalisme. Pas un nationalisme berbère, mais anti-colonial. Abdelkrim n'est pas non plus ce que nous appellerions aujourd'hui un islamiste: «Le temps de la guerre sainte est dépassée, déclare-t-il. Nous ne sommes plus ni au Moyen Age ni aux temps des Croisades. Nous voulons simplement être indépendants.»
Abdelkrim prend rapidement des allures d'homme d'Etat, tirant habilement parti des rivalités entre impérialistes. Le jeune Parti Communiste Français mène campagne en sa faveur. Pour en venir à bout, il aura fallu les forces combinées des Espagnols et des Français lesquels, sous la direction du Maréchal Pétain, ont dû déployer de gros moyens pour le déloger.
Après 21 ans d'exil à la Réunion, Abdelkrim est autorisé à s'installer en Egypte, où il mourra en 1962. Lui rendre visite était un passage obligé pour les révolutionnaires du monde entier. Abdelkrim est resté en contact avec le leader communiste Ho Chi Minh, qui lui a demandé de lancer un appel à la désertion aux soldats maghrébins enrôlés dans l'armée française au Vietnam. C'est ainsi que beaucoup de soldats marocains ont rejoint les Vietminh.
Mao Zedong et Tito avouent eux-mêmes avoir beaucoup appris du leader marocain. En 1971, recevant une délégation palestinienne du Fatah, Mao déclare: «Vous êtes venus pour que je vous parle de la guerre populaire de libération alors que, dans votre histoire récente, il y a Abdelkrim, qui est une des principales sources desquelles j'ai appris ce qu'est la guerre populaire de libération.»
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