La politique étrangère américaine entre changement et continuité
Obama ou McCain : Ce qui attend le monde arabe
La rue algérienne, et plus généralement la rue arabe, a rendu son verdict en jetant son dévolu sur le candidat démocrate Barack Obama. On l’a vu dans un récent sondage de la Radio internationale algérienne et dans les médias arabes. Les Arabes-Américains pour leur part, qui s’inscrivent dans une logique de rupture avec le parti républicain entamée après le 11 septembre 2001, voteront à 46% pour Obama. Mais si le sénateur démocrate accédait à la Maison-Blanche, les choses changeront-elles ? Le monde sera-t-il plus sûr ? Qu’en sera-t-il du monde musulman, des pays arabes et du Maghreb ? El Watan, en collaboration avec le Centre d’études maghrébines en Algérie (CEMA), a questionné des experts qui relativisent l’optimisme des uns et des autres. Le Président américain n’est que le garant de toute une politique planétaire, bâtie sur la sécurité et les enjeux de l’énergie. Les constantes s’imposeront au nouveau Président : l’alliance stratégique avec Israël, le maintien des régimes arabes autoritaires comme gage de stabilité et l’omniprésence dans les marchés pétroliers hier au Moyen-Orient, demain en Afrique. Et Washington n’abandonnera pas de sitôt ses engagements militaires en Irak ou en Afghanistan. Alors, que changera-t-il ? Les plus lucides des observateurs évoquent que l’Amérique réduira son arrogance face à un monde qu’elle a traumatisé avec sa guerre totale contre le terrorisme et les reculs en droits de l’homme occasionnés. Pour d’autres chercheurs, les Etats-Unis pourraient également s’ouvrir sur le dialogue, rompant la doctrine unilatérale qui a conduit à la catastrophe irakienne. L’Amérique pourrait alors se délester – relativement – du détestable héritage de George W. Bush qui a profondément creusé le fossé entre le Nord et le Sud et qui a cruellement joué sur la corde du « choc des civilisations » pour justifier une politique étrangère belliqueuse.
Sur la politique énergétique ?. Francis Perrin, directeur de la rédaction de la revue Pétrole et Gaz arabes
« Sur la base des déclarations faites pendant la campagne, les deux candidats ont exprimé leur volonté de réduire fortement la dépendance des Etats-Unis du pétrole importé, en particulier du Moyen-Orient. Obama poussant vers les énergies renouvelables, McCain vers le charbon, les moyens d’y parvenir seraient différents mais si l’un ou l’autre mettait en œuvre cette politique, tous les pays producteurs de pétrole en ressentiraient les effets. Le fait de moins dépendre du Moyen-Orient n’exclurait pas d’augmenter les importations d’autres régions, comme l’Afrique ou la mer Caspienne. Mais si les Etats-Unis réussissaient à diminuer de façon importante leurs importations du Moyen-Orient, l’impact sur les prix, en baisse, affecterait tous les pays producteurs jusqu’au Venezuela, ce qui ne serait pas pour déplaire aux Américains. Toutefois, il faut être prudent car tout dépendra de la capacité du futur Président, quel qu’il soit, d’imposer sa politique énergétique. On a déjà vu plusieurs candidats, démocrates ou républicains, bloqués par le Congrès dans leurs projets. Réduire la dépendance au pétrole fait partie des mythologies américaines ! Nixon dans les années 1970 avait déjà envisagé un plan pour réduire la dépendance énergétique des Etats-Unis. Les années qui ont suivi ont montré très largement qu’il s’agissait d’une chimère. Pour cette raison, je ne crois pas que l’un ou l’autre aient vraiment les moyens d’appliquer leur programme, d’autant que, par ailleurs, il leur faudrait déployer de réels efforts pour développer les énergies alternatives à l’intérieur du pays. »
Sur les relations avec le Maghreb ? . Barah Mikaïl, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques
« La politique américaine au Maghreb n’obéit pas à la même logique que celle du grand moyen-Orient (GMO). Les Américains veulent consolider les gouvernements en place car ils veulent pouvoir rebondir sur une stabilité politique garantie par la nature autoritaire des régimes. Pour preuve, les relations très cordiales entre les Etats-Unis et l’Algérie ou encore le rapprochement manifeste entre les Américains et les Libyens, suite au renoncement de Khadafi aux armes de destruction massive. Le projet Africom (projet de base militaire US en Afrique) ou l’initiative pan-sahélienne, à laquelle s’est ralliée l’Algérie, sont d’autres preuves que les Américains veulent maintenir la stabilité au Maghreb. »
Souleyma Haddaoui, chercheur sur le processus de lobbying des musulmans américains
« Il faut d’abord rappeler que le mandat Bush a constitué un véritable échec en matière de politique étrangère. Face à cela, les Etats-Unis sont plus que jamais conscients qu’il faut changer de voie. Le soutien de Colin Powell à Obama ainsi que son discours sur les musulmans sont révélateurs de cette tendance, comme l’est la création de l’US Muslim Engagement Project en 2006, qui regroupe Madeleine Albright et Richard Armitage entre autres, ainsi que tout un staff d’analystes musulmans américains. » « Quant à la question de savoir quelle politique Obama ou McCain mènera vis-à-vis du monde arabe, nous avons pu voir, à travers les campagnes de l’un et de l’autre, se dessiner une tendance très distincte : Obama semble plus ouvert au dialogue et rejoint cette volonté de changement. Il a déclaré qu’il était même prêt à négocier avec l’Iran, alors que McCain poursuivrait la politique catastrophe de Bush en bombardant tout ennemi potentiel. En un mot, c’est la course entre le ‘soft power’ et le ‘hard power’ pour rejoindre la Maison-Blanche. »
Sur la politique au Moyen-Orient ? . William B. Quandt, professeur de Relations Internationales, université de Virginie
« Obama a dit qu’il préférait mener une politique axée sur la diplomatie active plutôt que sur la force militaire et qu’il était prêt à se rapprocher de pays comme la Syrie ou l’Iran, qui ne sont pas des alliés des Etats-Unis. A l’inverse, McCain ne s’engagera pas personnellement. Il a même pris une position très agressive envers l’Iran en disant qu’il était prêt à utiliser la force. Obama est davantage prêt à accepter les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord telles qu’elles sont et à ne pas vouloir les modeler comme l’Irak, ce qui a mené à une véritable catastrophe. Quant aux relations avec le Maghreb, je pense qu’elles continueront à être bonnes. Si au lieu de choisir un conseiller au fait des questions moyens-orientales, un homme comme Robert Marty, spécialiste du Maghreb, était choisi comme conseiller, on peut imaginer une politique plus imaginative envers l’Afrique du Nord. »
Obama ou McCain : Ce qui attend le monde arabe
La rue algérienne, et plus généralement la rue arabe, a rendu son verdict en jetant son dévolu sur le candidat démocrate Barack Obama. On l’a vu dans un récent sondage de la Radio internationale algérienne et dans les médias arabes. Les Arabes-Américains pour leur part, qui s’inscrivent dans une logique de rupture avec le parti républicain entamée après le 11 septembre 2001, voteront à 46% pour Obama. Mais si le sénateur démocrate accédait à la Maison-Blanche, les choses changeront-elles ? Le monde sera-t-il plus sûr ? Qu’en sera-t-il du monde musulman, des pays arabes et du Maghreb ? El Watan, en collaboration avec le Centre d’études maghrébines en Algérie (CEMA), a questionné des experts qui relativisent l’optimisme des uns et des autres. Le Président américain n’est que le garant de toute une politique planétaire, bâtie sur la sécurité et les enjeux de l’énergie. Les constantes s’imposeront au nouveau Président : l’alliance stratégique avec Israël, le maintien des régimes arabes autoritaires comme gage de stabilité et l’omniprésence dans les marchés pétroliers hier au Moyen-Orient, demain en Afrique. Et Washington n’abandonnera pas de sitôt ses engagements militaires en Irak ou en Afghanistan. Alors, que changera-t-il ? Les plus lucides des observateurs évoquent que l’Amérique réduira son arrogance face à un monde qu’elle a traumatisé avec sa guerre totale contre le terrorisme et les reculs en droits de l’homme occasionnés. Pour d’autres chercheurs, les Etats-Unis pourraient également s’ouvrir sur le dialogue, rompant la doctrine unilatérale qui a conduit à la catastrophe irakienne. L’Amérique pourrait alors se délester – relativement – du détestable héritage de George W. Bush qui a profondément creusé le fossé entre le Nord et le Sud et qui a cruellement joué sur la corde du « choc des civilisations » pour justifier une politique étrangère belliqueuse.
Sur la politique énergétique ?. Francis Perrin, directeur de la rédaction de la revue Pétrole et Gaz arabes
« Sur la base des déclarations faites pendant la campagne, les deux candidats ont exprimé leur volonté de réduire fortement la dépendance des Etats-Unis du pétrole importé, en particulier du Moyen-Orient. Obama poussant vers les énergies renouvelables, McCain vers le charbon, les moyens d’y parvenir seraient différents mais si l’un ou l’autre mettait en œuvre cette politique, tous les pays producteurs de pétrole en ressentiraient les effets. Le fait de moins dépendre du Moyen-Orient n’exclurait pas d’augmenter les importations d’autres régions, comme l’Afrique ou la mer Caspienne. Mais si les Etats-Unis réussissaient à diminuer de façon importante leurs importations du Moyen-Orient, l’impact sur les prix, en baisse, affecterait tous les pays producteurs jusqu’au Venezuela, ce qui ne serait pas pour déplaire aux Américains. Toutefois, il faut être prudent car tout dépendra de la capacité du futur Président, quel qu’il soit, d’imposer sa politique énergétique. On a déjà vu plusieurs candidats, démocrates ou républicains, bloqués par le Congrès dans leurs projets. Réduire la dépendance au pétrole fait partie des mythologies américaines ! Nixon dans les années 1970 avait déjà envisagé un plan pour réduire la dépendance énergétique des Etats-Unis. Les années qui ont suivi ont montré très largement qu’il s’agissait d’une chimère. Pour cette raison, je ne crois pas que l’un ou l’autre aient vraiment les moyens d’appliquer leur programme, d’autant que, par ailleurs, il leur faudrait déployer de réels efforts pour développer les énergies alternatives à l’intérieur du pays. »
Sur les relations avec le Maghreb ? . Barah Mikaïl, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques
« La politique américaine au Maghreb n’obéit pas à la même logique que celle du grand moyen-Orient (GMO). Les Américains veulent consolider les gouvernements en place car ils veulent pouvoir rebondir sur une stabilité politique garantie par la nature autoritaire des régimes. Pour preuve, les relations très cordiales entre les Etats-Unis et l’Algérie ou encore le rapprochement manifeste entre les Américains et les Libyens, suite au renoncement de Khadafi aux armes de destruction massive. Le projet Africom (projet de base militaire US en Afrique) ou l’initiative pan-sahélienne, à laquelle s’est ralliée l’Algérie, sont d’autres preuves que les Américains veulent maintenir la stabilité au Maghreb. »
Souleyma Haddaoui, chercheur sur le processus de lobbying des musulmans américains
« Il faut d’abord rappeler que le mandat Bush a constitué un véritable échec en matière de politique étrangère. Face à cela, les Etats-Unis sont plus que jamais conscients qu’il faut changer de voie. Le soutien de Colin Powell à Obama ainsi que son discours sur les musulmans sont révélateurs de cette tendance, comme l’est la création de l’US Muslim Engagement Project en 2006, qui regroupe Madeleine Albright et Richard Armitage entre autres, ainsi que tout un staff d’analystes musulmans américains. » « Quant à la question de savoir quelle politique Obama ou McCain mènera vis-à-vis du monde arabe, nous avons pu voir, à travers les campagnes de l’un et de l’autre, se dessiner une tendance très distincte : Obama semble plus ouvert au dialogue et rejoint cette volonté de changement. Il a déclaré qu’il était même prêt à négocier avec l’Iran, alors que McCain poursuivrait la politique catastrophe de Bush en bombardant tout ennemi potentiel. En un mot, c’est la course entre le ‘soft power’ et le ‘hard power’ pour rejoindre la Maison-Blanche. »
Sur la politique au Moyen-Orient ? . William B. Quandt, professeur de Relations Internationales, université de Virginie
« Obama a dit qu’il préférait mener une politique axée sur la diplomatie active plutôt que sur la force militaire et qu’il était prêt à se rapprocher de pays comme la Syrie ou l’Iran, qui ne sont pas des alliés des Etats-Unis. A l’inverse, McCain ne s’engagera pas personnellement. Il a même pris une position très agressive envers l’Iran en disant qu’il était prêt à utiliser la force. Obama est davantage prêt à accepter les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord telles qu’elles sont et à ne pas vouloir les modeler comme l’Irak, ce qui a mené à une véritable catastrophe. Quant aux relations avec le Maghreb, je pense qu’elles continueront à être bonnes. Si au lieu de choisir un conseiller au fait des questions moyens-orientales, un homme comme Robert Marty, spécialiste du Maghreb, était choisi comme conseiller, on peut imaginer une politique plus imaginative envers l’Afrique du Nord. »
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