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Messieurs qu’on nomme « grands », empêchez le retour des émeutes de la faim !

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  • Messieurs qu’on nomme « grands », empêchez le retour des émeutes de la faim !

    par Paul Jorion
    22 janvier 2009

    Si rien n’est fait pour empêcher les spéculateurs de jouer sur les marchés à termes de produits alimentaires, au premier signe de redressement des cours, on risque une reprise de la flambée des prix de l’été dernier, et le retour des émeutes de la faim, avertit Paul Jorion, qui somme les responsables d’agir au plus vite.

    Par Paul Jorion, 21 janvier 2009

    Ce texte est un « article presslib’ » (*)

    Dans un entretien ce matin avec Marie Charrel (pour Le magazine Capital, numéro du mois de mars), elle me posait la question : « inflation ou déflation ? », et je lui répondais bien entendu : « Les deux, mon commandant ! ». Les deux parce que, d’une part, l’économie en chute libre entraîne une baisse du prix des matières premières, alors que, d’autre part, l’insolvabilité globale du secteur bancaire oblige(ra) les États à faire fonctionner la planche à billets.

    Illustration : Prix du riz
    http://contreinfo.info/IMG/arton2522.jpg
    L’inflation, c’est loin d’être idéal en raison de la quasi-impossibilité d’ajuster les salaires à des taux d’intérêt qui prennent l’inflation en compte, mais bon, cette fois-ci on fermera les yeux puisque cela apurera les dettes des ménages et des entreprises, et punira par priorité les investisseurs : épargnants et actionnaires, et que ces derniers en particulier ne sont pas en ce moment en odeur de sainteté. Quant à la déflation, c’est catastrophique pour l’économie puisque plus personne n’achète sachant que tout sera à coup sûr meilleur marché demain.

    Mais les forces inflationnistes et déflationnistes sont en train de se renforcer toutes deux, chacune pour ses raisons propres, et ce type de tension est extrêmement dangereux parce qu’elles s’exerceront plus ici et moins là, accroissant l’instabilité générale. Comme si l’on avait besoin de cela en plus !

    Donc sur ce plan inflation / déflation, les choses se présentent mal d’emblée et ceci, avant même qu’on ait parlé des ravages que la spéculation est capable d’exercer au sein de ce paysage déjà passablement sinistré. Rappelez-vous du début de l’année dernière et des émeutes de la fin provoquées dans le Tiers-Monde par la spéculation sur le prix des céréales sur les marchés à terme : quelles mesures a-t-on prises pour empêcher que cela ne se reproduise : rien, nada !

    Pour le moment, cela va de soi, on n’a rien à craindre puisque les économies s’effondrant, le prix des céréales baisse et les spéculateurs allant là où le vent les pousse, encouragent la baisse générale, mais attendez que les prix aient l’air de reprendre du poil de la bête - éventuellement comme un simple effet de l’inflation contrant les pressions déflationnistes - et vous allez voir les spéculateurs pousser les prix à la hausse - alors même que pendant ce temps-là les économies continueraient même de se dégrader. Préparez-vous à assister à un tel massacre !

    Prix du blé


    Parce que les non-commerciaux des marchés à terme de matières premières sont toujours présents à l’appel : non, ils n’ont pas été mis hors d’état de nuire, et comme les autres marchés où ils pourraient encore sévir, je veux dire investir, se réduisent comme peau de chagrin, ils sont dans les starting-blocks.

    Rappel des épisodes précédents : les non-commerciaux sont les acheteurs et les vendeurs de contrats qui sont présents sur les marchés à terme des matières premières alors qu’ils n’ont rien à y faire, n’ayant aucune marchandise à vendre, ni aucune dont ils pourraient prendre livraison. Sur le marché du pétrole on les reconnaît au fait qu’ils n’ont pas de citernes, sur le marché des céréales au fait qu’ils n’ont pas de silos : pas de silos qui contiendraient du grain à vendre ou qui pourraient contenir du grain dont ils prendraient livraison. Les non-commerciaux sont présents sur ces marchés pour une seule raison : pour spéculer, pour parier sur la hausse ou sur la baisse du prix. La seule justification qu’ils avancent pour parasiter l’économie de cette manière, c’est qu’ils apporteraient de la liquidité aux marchés. J’ai réglé le compte à cette vieille lune l’année dernière (La crise - 2008 : pp. 159-163 et ici) en montrant que les spéculateurs sont toujours du mauvais côté du marché du point de vue de la liquidité, c’est-à-dire qu’ils en bouffent plutôt qu’ils n’en ont à offrir, et je suis ravi de constater que sur ce point-là au moins j’ai été entendu.

    Prix du maïs
    http://contreinfo.info/IMG/jpg/jorion_3.jpg

    On m’assure, à voix basse, que ce que j’écris ici est lu en haut lieu. Si c’est le cas, j’en profite pour écrire ce qui suit en caractères gras : les non-commerciaux étant toujours présents sur les marchés à terme des matières premières, rien n’a été fait qui puisse empêcher une nouvelle flambée des prix sur le marché des céréales au moindre signe de redressement de leur prix et rien n’a donc été fait pour prévenir le retour des émeutes de la faim. Messieurs qu’on nomme « grands », interdisez l’accès des non-commerciaux (spéculateurs) aux marchés à terme des matières premières tant qu’il en est encore temps !

    Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment La crise. Des subprimes au séisme financier planétaire L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008) et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).

    * Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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