Annonce

Réduire
Aucune annonce.

L'ultime voyage du Clémenceau

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • L'ultime voyage du Clémenceau

    Cette fois, l'heure du départ semble sonner pour le Clemenceau. Le remorqueur qui doit convoyer l'ancien porte-avions vers son ultime port d'attache, le chantier de démantèlement Able UK, en Angleterre, est arrivé à Brest, vendredi 30 janvier. Selon la préfecture maritime, la coque partira "le plus vite possible" en fonction de la météo.

    Quatre à six jours de traversée seront nécessaires pour rejoindre le chantier qui a remporté l'appel d'offres européen lancé par la France, situé à Hartlepool, au sud de Newcastle (nord-est de l'Angleterre). Dans le bassin de 355 mètres de long sur 260 de large, sa place est prête, aux côtés du Caloosahatchee, du Canisteo, du Canopus et du Compass Island, quatre anciens navires de guerre américains dont la peinture grise s'écaille lentement, mangée par l'air humide du littoral anglais.

    Mais rien n'est jamais simple avec le "Clem'", comme s'il était impossible de se débarrasser de ses 26 000 tonnes de ferraille et de son amiante. Son départ pour l'Angleterre était prévu fin décembre 2008. Il a été retardé à cause de la météo. Puis il a fallu gratter des coquillages parasites incrustés sur sa coque, qui menaçaient de polluer les eaux anglaises.

    Et au moment du départ, une association locale, Agir pour l'environnement et le développement durable, multiplie les recours juridiques pour bloquer le navire. L'association plaide en faveur d'une déconstruction sur place. Ses membres se rendront à Hartlepool les 2 et 3 février. Ils affirmeront leur "solidarité" avec les opposants britanniques.

    Car à Hartlepool, le "Clem'" n'est pas le bienvenu. Autour du chantier Able UK, l'horizon zébré de cheminées fumantes témoigne de la vocation industrielle de la région : il y a là une centrale nucléaire, une aciérie, une raffinerie, des usines de produits chimiques et de peintures. "Able veut créer une filière qui va nous amener des quantités supplémentaires de produits toxiques, argumente Iris Ryder, de l'association Friends of Hartlepool (FOH). Nous en avons assez. Le Clemenceau est né en France, il devrait y mourir."

    La petite organisation non gouvernementale (ONG) mène depuis des années un combat sans merci contre l'entreprise. Suite à ses actions en justice, Able UK n'a obtenu l'autorisation de travailler sur des navires qu'au début de l'été 2008. Les quatre bâtiments américains présents sur le site ont d'ailleurs été rebaptisés "les vaisseaux fantômes" par la population : cela fait cinq ans qu'ils attendent d'être désossés. FOH a également tenté, par voie judiciaire, d'empêcher l'arrivée du Clemenceau en Angleterre, sans succès.

    Les ONG contestent la compétence du chantier. "Aucun navire n'y a jamais été démantelé", rappellent-elles. En outre, en 2005, une filiale d'Able UK, gestionnaire du site d'enfouissement de déchets voisin, a été condamnée pour infraction à la législation sur l'amiante. Elle n'avait pas pris les précautions suffisantes pour le transport et le stockage des déchets dangereux.

    Le montant du contrat a également suscité des interrogations. Il s'élève à 10,7 millions d'euros, dont au moins 5,7 millions seront reversés à l'Etat français après la revente de l'acier. Si l'entreprise parvient à en tirer plus - difficile au moment où le cours est au plus bas du fait de la crise économique - les bénéfices seront partagés.

    Les prix proposés par les concurrents d'Able UK lors de l'appel d'offres étaient trois à quatre fois supérieurs. "Deux critères ont présidé au choix, répond-on au ministère de la défense. La valeur technique à 60 %, et le prix à 40 %. Le chantier a fourni toutes les garanties de protection des travailleurs et de l'environnement. Nous sommes allés le vérifier sur place."

    "Nous démantelons des plateformes pétrolières depuis 1985, plaide Peter Stephenson, le directeur du chantier. Et nous possédons la plus grande cale sèche au monde. C'est la meilleure option possible pour les ouvriers et l'environnement." Selon le dirigeant, c'est le démantèlement groupé des navires américains et de l'ex-Clemenceau qui permet d'atteindre ce prix très compétitif, et de terminer le travail en un an.

    Des centaines d'emplois sont à la clé. "C'est une bonne chose que les associations aient réclamé des garanties, commente le maire de Hartlepool, Stuart Drummond. Cela a contraint Able à faire ses preuves et à rassurer la population. Les gens comprennent maintenant que plus il y aura de bateaux, plus il y aura de travail."

    Pour Able UK, l'étape est cruciale. "Le marché de la démolition des navires de commerce ne viendra pas en Europe car nous ne pouvons pas rivaliser avec l'Asie, affirme M. Stephenson. Mais nos clients pourraient être des Etats ou des entreprises préoccupées par leur image, comme les gouvernements ou les compagnies pétrolières.

    De longues années d'incertitude


    1997 : désarmement du porte-avions Clemenceau après 40 ans de service.

    2003 : première tentative avortée de transfert vers l'Espagne. La coque revient à Toulon, où elle sera en partie désamiantée.

    2005 : feu vert de la justice au départ pour l'Inde. Les associations écologistes s'opposent à l'exportation, soutenant que le "Clem'" contient 1 000 tonnes d'amiante, contre 45 tonnes selon la marine.

    2006 : alors que le navire est arrivé dans les eaux indiennes, Jacques Chirac ordonne son rapatriement à Brest, après la suspension du transfert par le Conseil d'Etat.

    Par le monde


Chargement...
X