L 'EXPRESS publié le 19/02/2009 17:02 -
La crise a plongé le pays dans un profond spleen. Son modèle économique, largement fondé sur une finance dont Londres était devenue la capitale mondiale, prend l'eau de toutes parts. Et la reprise n'est pas pour demain... Reportage.
Pierres précieuses, colliers de perles grises et bagues serties de diamants : à voir la devanture de ce magasin de prêt sur gages, situé dans le quartier populaire de Hammersmith, à Londres, on se croirait presque devant une joaillerie de luxe de Mayfair.
« Nous venons de recevoir une Breitling Originald'une valeur de plus de 6 000 livres [6 700 A], vante Laurent Genthialon, directeur financier du groupe Harvey & Thompson, propriétaire de la boutique. Ce Français affable, installé ici depuis vingt ans, peut être satisfait : la firme affiche de solides bénéfices et un chiffre d'affaires en hausse constante. Longtemps destiné aux plus pauvres, le prêt sur gages a le vent en poupe. Credit crunch oblige, ménages surendettés, petits patrons pris à la gorge et golden boys sur le carreau viennent désormais ici pour purger - en liquide si possible - leurs excès passés. A quelques mètres de là, un autre magasin vient, lui, de fermer ses portes : le Woolworths local, sorte de bazar où les voisins venaient s'approvisionner en bonbons, piles électriques, petites culottes ou jeux vidéo. L'annonce en décembre dernier de la faillite de cette chaîne mythique, qui devait fêter, en 2009, son centenaire, a presque pris l'allure d'un deuil national. « Woolies » comptait 800 magasins dans toute l'Angleterre et employait 30 000 personnes...
« Catastrophe et obscurité »
Quelque chose ne tourne décidément plus rond au royaume de Sa Gracieuse Majesté. Frappé au coeur par la tornade financière, le pays se réveille groggy, stoppé net dans la folle sarabande entamée plus d'une décennie auparavant. « Tout le monde ici éprouve la même chose, témoigne Nick Hood, associé au cabinet spécialisé dans la restructuration d'entreprises Begbies Traynor et commentateur avisé de l'économie britannique. Le sentiment que le bon temps est fini et que le chemin devant nous est très long et très escarpé. » Les prévisions du FMI en janvier, tombées au coeur d'un hiver polaire, ont achevé de glacer l'atmosphère : après une hausse de 0,8 % en 2008, le PIB britannique devrait reculer de 2,8 % en 2009, soit le plus mauvais chiffre de tous les grands pays développés (- 1,9 % escompté pour la France). Du jamais-vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quant à la livre, traditionnel baromètre de l'humeur nationale, elle n'en finit plus de plonger. « Notre modèle économique repose sur trois piliers, analyse Hetal Mehta, chef économiste chez Ernst & Young Item Club : la finance, l'immobilier et la consommation. Or tous les trois sont très ébranlés par la crise. »
Doom and gloom: l'expression - littéralement « catastrophe et obscurité » - revient en boucle dans les commentaires des analystes et des médias. A commencer par les tabloïds, qui se sont empressés de surfer sur cette vague mélancolique, promettant le retour du sang et des larmes churchilliens. « Reykjavik-sur-Tamise », titrait ainsi l'Evening Standard, après l'annonce par les banques britanniques de pertes records - 30 milliards d'euros pour la seule Royal Bank of Scotland. Et si la faillite n'est pas à l'ordre du jour, l'éventualité d'un scénario islandais, évoquée à mots couverts par plusieurs députés conservateurs, ne fait plus rire personne. Même le Premier ministre, Gordon Brown, s'y est mis, mentionnant une économie en « dépression ». « Récession », a-t-il corrigé, un peu tard. Comme toujours, le coup de pied de l'âne est cependant venu de l'autre côté de la Manche. De Nicolas Sarkozy, en l'occurrence, qui, lors de son intervention télévisée du 5 février, a critiqué avec véhémence ce pays qui n'a « plus d'industrie ». Si même ces maudits Froggies s'y mettent...
La crise a plongé le pays dans un profond spleen. Son modèle économique, largement fondé sur une finance dont Londres était devenue la capitale mondiale, prend l'eau de toutes parts. Et la reprise n'est pas pour demain... Reportage.
Pierres précieuses, colliers de perles grises et bagues serties de diamants : à voir la devanture de ce magasin de prêt sur gages, situé dans le quartier populaire de Hammersmith, à Londres, on se croirait presque devant une joaillerie de luxe de Mayfair.
« Nous venons de recevoir une Breitling Originald'une valeur de plus de 6 000 livres [6 700 A], vante Laurent Genthialon, directeur financier du groupe Harvey & Thompson, propriétaire de la boutique. Ce Français affable, installé ici depuis vingt ans, peut être satisfait : la firme affiche de solides bénéfices et un chiffre d'affaires en hausse constante. Longtemps destiné aux plus pauvres, le prêt sur gages a le vent en poupe. Credit crunch oblige, ménages surendettés, petits patrons pris à la gorge et golden boys sur le carreau viennent désormais ici pour purger - en liquide si possible - leurs excès passés. A quelques mètres de là, un autre magasin vient, lui, de fermer ses portes : le Woolworths local, sorte de bazar où les voisins venaient s'approvisionner en bonbons, piles électriques, petites culottes ou jeux vidéo. L'annonce en décembre dernier de la faillite de cette chaîne mythique, qui devait fêter, en 2009, son centenaire, a presque pris l'allure d'un deuil national. « Woolies » comptait 800 magasins dans toute l'Angleterre et employait 30 000 personnes...
« Catastrophe et obscurité »
Quelque chose ne tourne décidément plus rond au royaume de Sa Gracieuse Majesté. Frappé au coeur par la tornade financière, le pays se réveille groggy, stoppé net dans la folle sarabande entamée plus d'une décennie auparavant. « Tout le monde ici éprouve la même chose, témoigne Nick Hood, associé au cabinet spécialisé dans la restructuration d'entreprises Begbies Traynor et commentateur avisé de l'économie britannique. Le sentiment que le bon temps est fini et que le chemin devant nous est très long et très escarpé. » Les prévisions du FMI en janvier, tombées au coeur d'un hiver polaire, ont achevé de glacer l'atmosphère : après une hausse de 0,8 % en 2008, le PIB britannique devrait reculer de 2,8 % en 2009, soit le plus mauvais chiffre de tous les grands pays développés (- 1,9 % escompté pour la France). Du jamais-vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quant à la livre, traditionnel baromètre de l'humeur nationale, elle n'en finit plus de plonger. « Notre modèle économique repose sur trois piliers, analyse Hetal Mehta, chef économiste chez Ernst & Young Item Club : la finance, l'immobilier et la consommation. Or tous les trois sont très ébranlés par la crise. »
Doom and gloom: l'expression - littéralement « catastrophe et obscurité » - revient en boucle dans les commentaires des analystes et des médias. A commencer par les tabloïds, qui se sont empressés de surfer sur cette vague mélancolique, promettant le retour du sang et des larmes churchilliens. « Reykjavik-sur-Tamise », titrait ainsi l'Evening Standard, après l'annonce par les banques britanniques de pertes records - 30 milliards d'euros pour la seule Royal Bank of Scotland. Et si la faillite n'est pas à l'ordre du jour, l'éventualité d'un scénario islandais, évoquée à mots couverts par plusieurs députés conservateurs, ne fait plus rire personne. Même le Premier ministre, Gordon Brown, s'y est mis, mentionnant une économie en « dépression ». « Récession », a-t-il corrigé, un peu tard. Comme toujours, le coup de pied de l'âne est cependant venu de l'autre côté de la Manche. De Nicolas Sarkozy, en l'occurrence, qui, lors de son intervention télévisée du 5 février, a critiqué avec véhémence ce pays qui n'a « plus d'industrie ». Si même ces maudits Froggies s'y mettent...
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