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Lueurs d’espoir ? par Paul Krugman

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  • Lueurs d’espoir ? par Paul Krugman

    18 avril 2009
    Les signes d’un ralentissement de la récession sont les bienvenus. Au rythme de contraction observé ces derniers mois, il n’aurait rapidement subsisté que bien peu de chose de l’activité économique. Faut-il pour autant considérer que les quelques indicateurs favorables apparus récemment marquent le début d’une reprise ? Paul Krugman appelle à la prudence. Un ralentissement de la tendance ne signifie pas un retournement du cycle, observe-t-il, et certaines annonces - comme les bons résultats des banques - doivent être reçues avec circonspection. Le risque, juge-t-il, serait de sur-interpréter les signaux positifs, et de relâcher trop tôt les efforts entrepris, comme cela avait été le cas durant la grande dépression des année 1930, avec pour résultat immédiat une nouvelle plongée de l’économie.
    Par Paul Krugman, New York Times, 16 avril 2009
    Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, voit des « signaux de reprise. » Le Président Obama voit des « lueurs d’espoir. » Et le marché boursier est remonté.
    Le moment de sonner la fin de l’alerte est-il arrivé ? Voici quatre raisons de rester prudent quant aux perspectives économiques.
    1. Les choses sont encore en train d’empirer. La production industrielle a atteint son point le plus bas depuis 10 ans. Les mises en chantier de logements restent incroyablement faibles. Les saisies immobilières, qui étaient en baisse lorsque les sociétés de crédit attendaient de connaître les détails du plan Obama pour le logement, sont à nouveau reparties à la hausse.
    Le plus que l’on puisse dire, c’est qu’il y a des signes épars indiquant que les choses empirent plus lentement - que l’économie ne plonge plus tout à fait aussi rapidement qu’elle ne le faisait. Et j’insiste : épars. La dernière édition du Beige Book, la revue de la situation des entreprises publiée périodiquement par la Fed, indique que « cinq sur les douze districts ont noté une modération du rythme de la baisse. » Youpi !
    2. Certaines parmi ces bonnes nouvelles ne sont pas convaincantes. La nouvelle positive la plus importante ces derniers jours provenait des banques, qui ont annoncé des bénéfices étonnamment bons. Mais certaines de ces annoncent semblent un peu ... amusantes.
    Wells Fargo, par exemple, a publié son meilleur bénéfice trimestriel jamais constaté. Mais le bénéfice déclaré par une banque n’est pas un chiffre brut, comme celui des ventes par exemple. Il dépend énormément des sommes que la banque met en réserve pour couvrir les pertes futures attendues sur ses crédits. Et certains analystes ont exprimé des doutes considérables sur les hypothèses de la Wells Fargo, ainsi que sur d’autres pratiques comptables.
    Dans le même temps, Goldman Sachs a annoncé une forte hausse de ses bénéfices entre le quatrième trimestre 2008 et le premier trimestre 2009. Mais les analystes ont rapidement remarqué que Goldman avait changé sa définition du « trimestre » (en raison d’un changement dans son statut juridique), de sorte que - je ne plaisante pas - décembre, qui se trouve être un mauvais mois pour la banque, a disparu de cette comparaison.
    Je ne veux pas accorder trop d’importance à tout ceci. Peut-être que les banques sont passées de lourdes pertes à des profits considérables en un temps record. Mais le scepticisme nait naturellement à l’ère Madoff.
    Ah ! Pour ceux qui espéraient que les « tests de stress » organisés par le Département du Trésor allaient tout éclaircir : le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, a déclaré que « l’on observerait de manière systématique et coordonnée une transparence dans la détermination et la communication de certains de ces résultats de tests de stress à tous ceux qui sont concernés. » Non, je ne sais non plus pas ce que cela peut signifier.
    3. Il pourrait y avoir encore de mauvaises nouvelles. Même durant la Grande Dépression, les choses ne se sont pas dégradées directement. Il a eu en particulier une pause dans la descente au bout d’un an et demi. C’est à peu près où nous en sommes aujourd’hui. Mais vint ensuite une série de faillites bancaires des deux côtés de l’Atlantique, alors même qu’étaient effectués des choix politiques désastreux lorsque les nations ont tenté de défendre un étalon-or agonisant, et que l’économie mondiale est tombée du haut d’une autre falaise.
    Cela pourrait-il se reproduire ? L’immobilier commercial est en train de craquer aux coutures, les pertes sur les cartes de crédit s’envolent et personne ne sait encore à quel point les choses se dégraderont au Japon ou en Europe de l’Est. On ne reproduira probablement pas le désastre de 1931, mais il est loin d’être certain que le pire soit passé.
    4. Même quand c’est fini, ce n’est pas terminé. La récession de 2001 n’a officiellement duré que huit mois, et s’est terminée en novembre de cette même année. Mais le chômage a continué d’augmenter durant un an et demi. La même chose s’est produite après la récession de 1990-91. Et il y a tout lieu de croire que cela se produira cette fois aussi. Ne soyez pas surpris si le chômage continue d’augmenter jusqu’en 2010.
    Pourquoi ? Parce que les reprises d’activité en forme de « V », marquées par un retour rapide à l’emploi, n’ont lieu que quand existe une importante demande insatisfaite. En 1982, par exemple, la demande de logements avait été écrasée par les taux d’intérêt élevés, de sorte que lorsque la Fed a assoupli sa politique monétaire, les ventes immobilières ont grimpé. Ce n’est pas ce qui se déroule aujourd’hui : l’économie est déprimée, pour le dire simplement, parce que nous avons empilé trop de dettes et construit trop de centres commerciaux, et personne n’est d’humeur à se lancer dans une nouvelle série de dépenses.
    L’emploi remontera, finalement - il le fait toujours. Mais cela ne se produira sans doute pas rapidement.
    Bon, maintenant que j’ai déprimé tout le monde, quelle est la solution ? Persévérer.
    L’histoire montre que l’un des grands dangers en matière de politique menée face à une grave crise économique, est de manifester un optimisme prématuré. Roosevelt avait réagi aux premiers signes de reprise en réduisant de moitié la Works Progress Administration [1] et en augmentant les impôts. La Grande Dépression a rapidement réapparu. Le Japon a ralenti ses efforts à mi chemin durant sa décennie perdue, ce qui a amené une autre période de cinq années de stagnation.
    Les économistes de l’administration Obama comprennent cela. Ils disent ce qu’il convient en affirmant maintenir le cap. Mais il existe un risque réel que tous ces discours sur les signes de reprise et les lueurs donnent naissance à une dangereuse complaisance.
    Alors, voici mes conseils, pour l’opinion et les décideurs politiques : Ne comptez pas sur les promesses de reprise avant qu’elles ne soient tenues.

    Publications originale New York Times, traduction Contre Info
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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