L’économiste Eric Dor, Directeur de la Recherche à l’IESEG de Lille, fait le le point sur la situation du système bancaire européen, pour lequel il estime que les pertes pourraient s’élever à 1600 milliards de dollars, dont 900 milliards pour la seule zone euro. « Loin d’être moins critique que celle de leurs concurrentes américaines, les banques européennes sont dans une situation assez périlleuse en raison de facteurs structurels qui leur sont particulièrement défavorables, » juge-t-il, en souligant leur « plus forte exposition aux pays émergents » que leurs concurrentes américaines et japonaises, leur retard dans la constatation des pertes, ainsi qu’une « exposition très forte aux actifs toxiques américains. »
Par Eric Dor, Avril 2009 (extraits)
Si la conjoncture mondiale continue à se dégrader, et d’après nos nouvelles estimations, les pertes totales des banques depuis le début de la crise pourraient s’élever à 4508 milliards de dollars sur des actifs originaires des Etats-Unis, et 898 milliards de dollars sur des actifs originaires d’autres parties du monde. Les parts de ces pertes supportées par les banques américaines et européennes s’élèveraient à 2212 et 1607 milliards de dollars respectivement.
Dans quelle situation sont les banques européennes ?
Loin d’être moins critique que celle de leurs concurrentes américaines, les banques européennes sont dans une situation assez périlleuse en raison de facteurs structurels qui leur sont particulièrement défavorables.
Une taille importante relative à celle de leurs pays
Le total des actifs des banques de la zone euro s’élève à 25000 milliards d’euros, c’est-à-dire 2,7 fois le produit intérieur brut annuel de la zone. Ce montant ne comprend que leurs établissements de la zone euro et exclut les filiales des banques de la zone euro qui se situent en dehors de la zone (Europe de l’Est, Etats-Unis, ...).
Pour l’ensemble de l’Union Européenne, le total des actifs des banques atteint plus de 41000 milliards d’euros.
Des ratios de leverage beaucoup trop élevés
A la mi 2008, le « leverage ratio » s’élevait à 83 pour Hypo Real Estate Holding, 64,4 pour Dexia, 59,1 pour Deutsche Bank, 48,8 pour ING, 46,9 pour UBS, 40,5 pour le Crédit Agricole, 39,3 pour Commerzbank, 36,1 pour BNP, 33,4 pour le Crédit Suisse, 33,3 pour Fortis, 30,3 pour la Société générale, ...
Une plus forte exposition aux pays émergents
Le portefeuille de prêts aux pays émergents des banques européennes, de 2.550 milliards d’euros, dépasse de loin celui de leurs concurrentes américaines et japonaises. Les banques de l’Union Européenne sont exposées à hauteur de 1400 milliards de dollars au risque de l’Europe de l’Est (certains analystes montent jusqu’à 1600). Les banques autrichiennes, italiennes, françaises, belges, allemandes et suédoises détiennent 84% de ces prêts.
Un retard important dans la reconnaissance comptable des pertes
Goldman Sachs, le 25 mars 2009, a évalué les pertes potentielles des banques de la zone euro à 922 milliards d’euros, représentant 10,1% du PIB de la zone euro, en tenant compte de leur exposition à des prêts à l’Europe centrale et orientale et aux actifs toxiques émis aux Etats-Unis. Sur ce montant estimé, un tiers environ (346 milliards d’euros) aurait déjà été reconnu comptablement, ce qui revient à dire que les banques de la zone euro auraient encore plus de 584 milliards d’euros de pertes à déclarer. C’est un scénario de base, les pertes potentielles pouvant doubler dans le scénario le plus pessimiste.
D’après les données d’Agefi publiées en mars 2009, Les banques européennes ont déjà reconnu 234 milliards d’euros de pertes depuis le début de la crise. Les fonds propres des banques européennes ne sont valorisés comptablement qu’à 1.000 milliards d’euros, après prise en compte des nouveaux apports en capitaux de 293 milliards d’euros, dont la moitié apportée par les Etats.
Ces estimations sont compatibles avec celles d’autres publications. En janvier Bloomberg évaluait ainsi les dépréciations déjà actées comptablement par les banques européennes à 296,9 milliards de dollars, et les augmentations de leur capital à 333,4 milliards de dollars. Goldman Sachs a estimé récemment que les banques de la zone euro auraient déjà déprécié des actifs à leur bilan pour un montant équivalent à 346 milliards d’euros, soit 3.8% du PIB de la zone : 117 milliards d’euros (1.3% du PIB) en provisions pour des pertes sur leurs prêts, 109 (1.2% du PIB) en dépréciation de titres, et 120 milliards d’euros (1.3% du PIB) en Foreign recognitions. Elles pourraient encore être amenées, d’après la banque, à déprécier des actifs pour 569 milliards d’euros (6% du PIB de la zone).
Le total des pertes sur actifs des banques de la zone euro s’élèverait donc à 915 milliards d’euros (10% du PIB de la zone) dont 528 milliards dans leurs établissements de la zone euro et 387 milliards dans leurs filiales en dehors de la zone euro. Les pertes des établissements localisés dans la zone se répartissent en 343 milliards sur des prêts domestiques, 76 milliards sur des prêts à des débiteurs étrangers, 57 milliards sur des actions, et 52 milliards sur des instruments de dettes. Les pertes des filiales extérieures sont concentrées surtout dans les filiales américaines pour 310 milliards d’euros et l’Europe Centrale ou Orientale pour 77 milliards d’euros.
Un niveau d’endettement des entreprises trop élevé
Dans l’Union Européenne, les dettes des entreprises s’élèvent à 95% du produit intérieur brut total de l’Union, contre 50% aux Etats-Unis. Ce niveau d’endettement élevé des entreprises est préoccupant en période de récession économique durant laquelle le risque de défaut s’accroît significativement.
Une exposition très forte aux actifs toxiques américains
Selon la Banque des Règlements Internationaux, 20% des établissements bancaires situés aux Etats-Unis sont des filiales de banques de la zone euro. D’après le FMI, l’exposition des banques européennes aux actifs toxiques américains aurait atteint 75% de celle des banques américaines elles-mêmes. Or les banques des Etats-Unis ont déjà procédé à des dépréciations comptables pour quelque 738 milliards de dollars alors que les banques européennes n’auraient encore reconnu que 294 milliards de dollars de dépréciation.
Par Eric Dor, Avril 2009 (extraits)
Si la conjoncture mondiale continue à se dégrader, et d’après nos nouvelles estimations, les pertes totales des banques depuis le début de la crise pourraient s’élever à 4508 milliards de dollars sur des actifs originaires des Etats-Unis, et 898 milliards de dollars sur des actifs originaires d’autres parties du monde. Les parts de ces pertes supportées par les banques américaines et européennes s’élèveraient à 2212 et 1607 milliards de dollars respectivement.
Dans quelle situation sont les banques européennes ?
Loin d’être moins critique que celle de leurs concurrentes américaines, les banques européennes sont dans une situation assez périlleuse en raison de facteurs structurels qui leur sont particulièrement défavorables.
Une taille importante relative à celle de leurs pays
Le total des actifs des banques de la zone euro s’élève à 25000 milliards d’euros, c’est-à-dire 2,7 fois le produit intérieur brut annuel de la zone. Ce montant ne comprend que leurs établissements de la zone euro et exclut les filiales des banques de la zone euro qui se situent en dehors de la zone (Europe de l’Est, Etats-Unis, ...).
Pour l’ensemble de l’Union Européenne, le total des actifs des banques atteint plus de 41000 milliards d’euros.
Des ratios de leverage beaucoup trop élevés
A la mi 2008, le « leverage ratio » s’élevait à 83 pour Hypo Real Estate Holding, 64,4 pour Dexia, 59,1 pour Deutsche Bank, 48,8 pour ING, 46,9 pour UBS, 40,5 pour le Crédit Agricole, 39,3 pour Commerzbank, 36,1 pour BNP, 33,4 pour le Crédit Suisse, 33,3 pour Fortis, 30,3 pour la Société générale, ...
Une plus forte exposition aux pays émergents
Le portefeuille de prêts aux pays émergents des banques européennes, de 2.550 milliards d’euros, dépasse de loin celui de leurs concurrentes américaines et japonaises. Les banques de l’Union Européenne sont exposées à hauteur de 1400 milliards de dollars au risque de l’Europe de l’Est (certains analystes montent jusqu’à 1600). Les banques autrichiennes, italiennes, françaises, belges, allemandes et suédoises détiennent 84% de ces prêts.
Un retard important dans la reconnaissance comptable des pertes
Goldman Sachs, le 25 mars 2009, a évalué les pertes potentielles des banques de la zone euro à 922 milliards d’euros, représentant 10,1% du PIB de la zone euro, en tenant compte de leur exposition à des prêts à l’Europe centrale et orientale et aux actifs toxiques émis aux Etats-Unis. Sur ce montant estimé, un tiers environ (346 milliards d’euros) aurait déjà été reconnu comptablement, ce qui revient à dire que les banques de la zone euro auraient encore plus de 584 milliards d’euros de pertes à déclarer. C’est un scénario de base, les pertes potentielles pouvant doubler dans le scénario le plus pessimiste.
D’après les données d’Agefi publiées en mars 2009, Les banques européennes ont déjà reconnu 234 milliards d’euros de pertes depuis le début de la crise. Les fonds propres des banques européennes ne sont valorisés comptablement qu’à 1.000 milliards d’euros, après prise en compte des nouveaux apports en capitaux de 293 milliards d’euros, dont la moitié apportée par les Etats.
Ces estimations sont compatibles avec celles d’autres publications. En janvier Bloomberg évaluait ainsi les dépréciations déjà actées comptablement par les banques européennes à 296,9 milliards de dollars, et les augmentations de leur capital à 333,4 milliards de dollars. Goldman Sachs a estimé récemment que les banques de la zone euro auraient déjà déprécié des actifs à leur bilan pour un montant équivalent à 346 milliards d’euros, soit 3.8% du PIB de la zone : 117 milliards d’euros (1.3% du PIB) en provisions pour des pertes sur leurs prêts, 109 (1.2% du PIB) en dépréciation de titres, et 120 milliards d’euros (1.3% du PIB) en Foreign recognitions. Elles pourraient encore être amenées, d’après la banque, à déprécier des actifs pour 569 milliards d’euros (6% du PIB de la zone).
Le total des pertes sur actifs des banques de la zone euro s’élèverait donc à 915 milliards d’euros (10% du PIB de la zone) dont 528 milliards dans leurs établissements de la zone euro et 387 milliards dans leurs filiales en dehors de la zone euro. Les pertes des établissements localisés dans la zone se répartissent en 343 milliards sur des prêts domestiques, 76 milliards sur des prêts à des débiteurs étrangers, 57 milliards sur des actions, et 52 milliards sur des instruments de dettes. Les pertes des filiales extérieures sont concentrées surtout dans les filiales américaines pour 310 milliards d’euros et l’Europe Centrale ou Orientale pour 77 milliards d’euros.
Un niveau d’endettement des entreprises trop élevé
Dans l’Union Européenne, les dettes des entreprises s’élèvent à 95% du produit intérieur brut total de l’Union, contre 50% aux Etats-Unis. Ce niveau d’endettement élevé des entreprises est préoccupant en période de récession économique durant laquelle le risque de défaut s’accroît significativement.
Une exposition très forte aux actifs toxiques américains
Selon la Banque des Règlements Internationaux, 20% des établissements bancaires situés aux Etats-Unis sont des filiales de banques de la zone euro. D’après le FMI, l’exposition des banques européennes aux actifs toxiques américains aurait atteint 75% de celle des banques américaines elles-mêmes. Or les banques des Etats-Unis ont déjà procédé à des dépréciations comptables pour quelque 738 milliards de dollars alors que les banques européennes n’auraient encore reconnu que 294 milliards de dollars de dépréciation.
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