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Tonic Emballage entre nationalisation et recapitalisation privée

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  • Tonic Emballage entre nationalisation et recapitalisation privée

    La politique économique néo-patriotique du gouvernement pencherait pour faire du complexe papetier géant en perdition « un champion national » public. Le privé n’a pas dit son dernier mot sur cet enjeu complexe.

    Le Forum des chefs d’entreprise (FCE) détient-il la solution pour sauver de la ruine l’un des plus importants outils de production industrielle réalisé en Algérie ces vingt dernières années, « le premier grand complexe papetier d’Afrique », comme aimait à l’évoquer son ex-PDG, Abdelghani Djerar ?

    L’organisation patronale propose de « sauvegarder l’important outil de production Tonic Emballage, à travers un partenariat avec d’autres investisseurs privés algériens, à construire sur la base de l’élargissement de l’actionnariat du groupe Tonic. »

    Oui, à en croire le contenu d’une lettre adressée par le FCE au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, fin avril dernier, dans laquelle l’organisation patronale propose de « sauvegarder l’important outil de production Tonic Emballage, à travers un partenariat avec d’autres investisseurs privés algériens, à construire sur la base de l’élargissement de l’actionnariat du groupe Tonic, la fusion de toutes les sociétés qui le constituent et la création d’une société par actions unique, qui reprendra et poursuivra les activités du groupe ». Cette proposition porte implicitement l’aval de la famille Djerar, actionnaire exclusive de Tonic emballage, un groupe d’entreprises non filialisées, endettées pour plus de 60 milliards de dinars (près de 850 millions de dollars) auprès de BARD Bank, banque publique de l’agriculture. En effet, ce sont les conclusions d’une étude commandée par les propriétaires de Tonic qui sont reprises par la lettre du FCE. Cette étude, conduite par le consultant spécialiste de la filière papier, Fructoso André, et partiellement dévoilée par le journal El Watan en août dernier, assure de la rentabilité du complexe sous condition de la reconquête rapide d’une « clientèle institutionnelle ». Du côté du FCE, « c’est la rapide dégradation du site de production et de ses équipements » qui a justifié le ton solennel de l’interpellation. Les comptes de Tonic Emballage pour 2008 n’ont pas encore été rendus publics, mais les indicateurs de l’exploitation, durant l’année, attestent d’un nouveau recul des résultats, le quatrième de rang depuis 2005 : « Seul quatre des douze lignes de produits ont fonctionné et jamais à pleine charge » assure un technicien du complexe.


    Le recouvrement par la BADR a atteint sa limite

    Amine Chouarfat, cadre en retraite du secteur financier, qui a eu à statuer sur l’engagement de la banque publique sur une demande de crédit de Tonic en 2001, estime que « l’offre » du FCE arrive à un moment crucial. « L’énorme créance de la BADR a fonctionné au début comme une protection contre la liquidation pure et simple de Tonic à la manière de Khalifa. Il n’était pas question de tout perdre en stoppant l’exploitation. La BADR a actionné toutes ses garanties et récupéré par la vente publique, tout ce qu’elle pouvait, c’est-à-dire pas plus de 10% de sa mise. Il y a encore deux mois, la principale villa de la famille Djerrar était mise sous séquestre. Cet engrenage du recouvrement sur l’existant est arrivé à son terme. Aujourd’hui il faut créer de la valeur pour espérer une reprise du remboursement. La créance de la BADR et la tutelle à laquelle elle ouvre droit sur Tonic Emballage est devenue un obstacle devant une solution de remise en état de l’affaire ». Le complexe n’a pas trouvé de repreneur étranger. Une piste avait été évoquée en 2007 au début de sa mise sous tutelle. Le bilan du management par l’administrateur pour le compte de la BADR est décrié de toutes parts, y compris par les 2000 travailleurs restants, qui lui reprochent d’enterrer l’activité. Dans ce cas là, la piste d’une nationalisation de l’entreprise pure et simple est « une possibilité » estime M. Chouarfat : « Elle cadrerait avec la politique industrielle actuelle du gouvernement, qui veut créer des champions nationaux par filières d’activité. Le Trésor public rachèterait une partie de la dette du complexe et ferait de Tonic une entreprise publique économique (EPE) rattachée à une SGP (holding publique). Le plus probable est toutefois de maintenir la BADR, dans un futur de table ouverte à de nouveaux acteurs privés nationaux ». Ce serait la première expérience de capital-risque de cette banque qui vient de dédier un fonds – en partenariat avec la CNEP – (voir l’article sur le sujet dans ce numéro) à l’investissement participatif.


    L’ombre du politique qui plane

    Des chiffres ont circulé régulièrement depuis deux ans sur la rentabilité sociale des investissements réalisés par Tonic Emballage sur les 25 hectares de la zone industrielle de Bou Ismaïl, 45 kilomètres à l’ouest d’Alger : couverture de 60% des besoins du pays en papier, récupération de 500 tonnes/jour de papier, création de dizaines de milliers d’emplois indirects en plus des 4000 sur site. Le sort du complexe papetier de Tonic emballage paraît, pour beaucoup, se jouer ailleurs. Sur sa capacité à se déconnecter des enjeux politiques qui l’ont toujours accompagné et sur l’acquisition d’un management de niveau mondial pour faire aboutir un plan de relance. « Qui va le reprendre et qui va le manager ? ». Le président Bouteflika ne voudra peut-être pas que la solution de sauvetage de Tonic Emballage profite à des grands privés algériens, tentés de s’émanciper de sa bienveillante protection politique. C’est notamment parce que la famille Djerar s’était exposée avec de puissants rivaux politiques du président Bouteflika, lors des présidentielles de 2004, que sa gestion litigieuse du méga-crédit BADR a été sanctionnée sans appel. « L’élargissement de l’actionnariat » de Tonic, suggéré par le FCE, ferait donc l’objet d’un casting serré. Mais cela ne suffira pas. Le complexe Tonic est cliniquement mort. Il faudra, pour le sauver, le réintroduire dans un réseau mondial et donc acheter le management qui saura le faire. Le projet des nouveaux actionnaires s’en trouve un peu plus compliqué.


    Par Ihsane El Kadi, Alger

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