Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La Hongrie hantée par ses démons

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La Hongrie hantée par ses démons

    La cour d'appel de Budapest vient de décider la dissolution de la Garde hongroise, cette milice non armée vêtue d'uniformes noirs inspirés de ceux des Croix fléchées, les fascistes prohitlériens hongrois des années 1930 et 1940. Depuis 2007, la Garde avait pour habitude d'organiser des défilés dans les agglomérations à forte population rom, pour intimider les "criminels" et rappeler une certaine idée de l'ordre. La cour a considéré qu'"au lieu de résoudre les conflits, les défilés ont fait naître de nouvelles tensions". "La Garde survit, se développe et sert la nation !", a répondu la Garde dans un communiqué, suggérant une poursuite informelle de ses activités. L'avocat étudie un recours devant la Cour suprême, prêt à aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme.

    Le jeune capitaine de la Garde hongroise, Gabor Vona, est aussi fondateur et président du Jobbik ("Pour une meilleure Hongrie"), un parti fondé en 2003 qui souhaite récupérer les frontières de la "Grande Hongrie" - celle d'avant le traité de Trianon de 1920, lequel laissa des minorités hongroises hors frontières et un durable sentiment de revanchisme dans le pays. Avec son air bien élevé, il combat l'homosexualité, a plein d'idées musclées pour "résoudre le problème rom" et revendique une "nation chrétienne" - deux mots qui sont à eux seuls un programme. "En Europe centrale, le mot "nation'' a une connotation ethnique, rappelle l'historien Péter Kende, président de l'Institut 56. Quant à "chrétien'', c'est aussi un mot politique et loin des valeurs chrétiennes. Il signifie "non juif'', et potentiellement "antijuif''."

    La Garde hongroise a perdu une partie judiciaire, mais le Jobbik se porte bien. Il a fait une entrée en fanfare au Parlement européen, aux élections de juin : 15 % des voix et trois eurodéputés. Pour la session de rentrée du Parlement à Strasbourg, le 14 juillet, l'un d'eux était en tenue de Garde, aux côtés de la star du Jobbik : une blonde à la voix douce qui fait un tabac sur les télévisions du pays. Krisztina Morvai, juriste affûtée et professeur de droit à l'université de Budapest, a passé une année au King's College de Londres et travaillé à l'ONU, militante féministe et anti-israélienne. Elle porte le flambeau d'une nouvelle extrême droite hongroise au visage jeune, moderne, cosmopolite, apparemment normalisé. Elle s'indigne qu'on la qualifie de raciste ou d'antisémite alors que son programme, note-t-elle, vise juste à "rendre la Hongrie aux Hongrois".

    La définition du "Hongrois" est tout un art. Mme Morvai jure de sa voix mélodieuse qu'elle n'a rien contre les Roms s'ils ne sont pas des criminels, tout en relevant que la criminalité en Hongrie est majoritairement un phénomène rom, et se préoccupe de leur fécondité élevée. Elle n'a rien contre les juifs, mais s'inquiète, comme M. Vona, "du rachat des terres hongroises par les étrangers", et d'un "axe Tel-Aviv - New York - Budapest". Elle avait fait grand bruit en adressant une lettre à un éditorialiste du quotidien de gauche Népszava, qui l'avait critiquée. "Ceux de votre genre... et ceux de mon genre", a-t-elle écrit à Tibor Varkonyi, réputé d'origine juive, en jouant explicitement sur le mot hongrois de "fajta", qui veut à la fois dire "genre" et "race".

    Racisme et antisémitisme prennent une vigueur nouvelle dans certains pays d'Europe centrale, dont la Hongrie. Les premières victimes en sont les Roms. Ils sont un demi-million en Hongrie (10 millions d'habitants), le plus souvent réduits à des conditions de vie précaires et victimes d'actes criminels répétés. Leurs maisons sont régulièrement attaquées. En avril, un père et son fils ont été abattus à coups de fusil alors qu'ils fuyaient leur maison incendiée. Les coupables n'ont pas été retrouvés. Un syndicat de policiers minoritaire, Tettrekesz, avait des liens avec le Jobbik. Il vient d'être sommé de cesser sa coopération par le parquet général de Hongrie. En mai, quatre membres d'une famille rom ont été lacérés avec des lames de rasoir pendant leur sommeil.

    L'antisémitisme, plus impalpable, est une autre forme de la poussée xénophobe en Hongrie, où vit encore la plus importante communauté juive d'Europe centrale (environ 150 000 personnes). Il s'exprime sans complexe. Le 26 mars, les kiosques à journaux de Hongrie exposaient, le plus naturellement du monde, la couverture de l'hebdomadaire d'extrême droite Magyar Forum : une photo de l'ancien gouverneur de la Banque de Hongrie, György Suranyi, successeur possible du premier ministre Ferenc Gyurcsany, qui venait de démissionner. György Suranyi est juif. Sa photo était entourée d'une étoile jaune, avec ce commentaire : "Le danger Suranyi". Puis, dans l'article : "Un juif qui veut piétiner le peuple hongrois au nom d'un peuple étranger."

    Les exemples ne manquent pas. Il y a ce groupe de motards à blousons noirs, eux aussi nostalgiques de la "grande Hongrie", qui s'appellent les "Goy Motoros" ("Motards goys"). Leur chef, Imre Mészaros, nous l'explique : "Ce sont les juifs eux-mêmes qui qualifient de "goys" les non-juifs. Nous ne sommes pas juifs, alors pourquoi ne pas le dire ?" Il y a ces propos dans la presse populaire, comme ceux-ci, signés Zsolt Bayer, en mars 2008, dans le quotidien d'extrême droite Magyar Hirlap : "Les juifs ont encore mouché leur morve dans la piscine de la nation..." En juin, des pieds de porc ont été déposés devant le mémorial au bord du Danube, où les juifs furent conduits et exécutés en 1944.

    Andras Kovacs, professeur à l'université d'Europe centrale de Budapest, mène des études répétées sur les préjugés et les comportements politiques. Selon celles-ci, plus de 50 % des Hongrois affirment que les Roms sont génétiquement criminels. Apparaît aussi une croissance de l'antisémitisme dans le pays. "Ce qui est préoccupant en Hongrie, précise-t-il, c'est la tendance : l'augmentation d'une "antipathie" envers les juifs, principalement chez les jeunes, ainsi qu'un discours antisémite de plus en plus ouvert."

    L'antisémitisme "extrême" ou "discriminatoire" (le fait de souhaiter instituer des quotas pour les juifs ou les voir quitter le pays) est passé, selon ses études, de 10 % à 15 % depuis trois ans. L'antisémitisme "par préjugés" (une représentation mentale des juifs comme avares, omniprésents dans les médias ou aux postes de pouvoir) concerne 35 % des Hongrois - ils étaient 30 % en 2006 et 7 % à la fin des années 1990. M. Kovacs y voit plusieurs facteurs : l'effondrement de l'ancien système et l'absence de valeurs substitutives, le discrédit des professeurs qui ont changé leur discours avec la fin du communisme, le désenchantement politique et la peur de l'avenir, le refuge dans la valeur "nation".

    La Hongrie, qui sut mener une transition exemplaire vers la démocratie, ne se résume pas à ses manifestations extrémistes. Mais se fabrique là un mauvais cocktail : d'une part, une situation économique calamiteuse et contraignante (le pays est sous perfusion du FMI), prétexte aux frustrations, aux peurs diffuses et aux boucs émissaires ; d'autre part, une loi très libérale sur la liberté d'expression, conçue sur le modèle anglo-saxon. Mettez dans le saladier, remuez. "Appliquée dans des démocraties vieilles de plusieurs siècles, comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, une telle loi est bonne, observe Péter Kende. En Hongrie, où la démocratie est fragile, elle donne lieu à toutes les dérives."

    Le gouvernement socialiste a fait des tentatives pour légiférer sur une restriction de la liberté d'expression, inscrite dans la Constitution. La majorité n'y est pas favorable. Péter Balàzs, ministre des affaires étrangères, est inquiet : "Les Hongrois n'ont pas fait, comme les Allemands, leur travail de mémoire. Le communisme a mis l'antisémitisme sous le couvercle et il ressurgit. Depuis quelques années, l'extrême droite prend une forme qu'elle n'avait pas eue depuis la guerre : plus organisée, plus visible, plus décomplexée."

    Par Le Monde

  • #2
    La démocratie malheureusement fait naitre l'extrême, ici des nostalgiques du
    3 reich, ce n'est qu'une dissolution qui les rendra maintenant dangereux par des activités secrete

    Commentaire

    Chargement...
    X