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Essor des rings clandestins en Ouzbékistan

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  • Essor des rings clandestins en Ouzbékistan

    Ces derniers temps, en Ouzbékistan, Tachkent a vu se développer les clubs illégaux où se pratique la lutte libre. Il s’agit d’un business juteux qui permet aux jeunes défavorisés de gagner leur vie, et aux riches d’avoir le plaisir d’assister à des spectacles d’une violence extrême.

    Ce n’est pas un hasard si cette forme de lutte où tous les coups sont permis a pris un tel essor en Ouzbékistan. Le chômage, la misère et l’importante proportion de jeunes dans la population produisent chaque année des milliers de gamins qui rêvent d’une carrière semblable à celle des champions de boxe ouzbeks comme Rouslan Tchagaïev, Moukhammadkadyr Abdoullaïev ou Artour Grigorian. Ils voient là leur seule chance d’échapper à la pauvreté. La plupart ne deviendront jamais professionnels et devront se contenter du circuit amateur, mais grâce à l’habileté de certains affairistes couverts par de hauts fonctionnaires, celui-ci se porte plutôt bien. Dans des quartiers excentrés de la capitale, à l’abri des regards, et parfois jusque dans des caves d’immeubles, les salles de sport qui tirent l’essentiel de leurs revenus de la lutte libre ont poussé comme des champignons.

    A Tachkent, ces clubs sont sous la coupe de personnalités appartenant à l’armée ou aux structures de maintien de l’ordre. Des témoins y ont souvent croisé, entre autres, le procureur général de l’Ouzbékistan, Rachid Kadyrov, qui semble être un grand amateur de ces spectacles extrêmes. Mais les divers types de lutte orientale drainent d’énormes quantités de spectateurs à travers tout le pays. Dans ce business, les rôles sont bien établis, allant du premier violon au simple lutteur dont la santé, voire la vie, ne sont qu’une monnaie d’échange. Outre la vente des billets, les propriétaires des salles organisent des paris qui leur rapportent des revenus conséquents. Les combats débutent à 21 heures et peuvent durer jusqu’à 3 heures du matin. Tout ce qui se passe sur le ring est filmé, et ces enregistrements permettent aussi aux organisateurs d’empocher de grosses sommes : sur le fameux marché de Ianguiabad, à Tachkent, les cassettes des matchs se vendent comme des petits pains. Le club Max Fight est le principal pourvoyeur d’athlètes. Nodir Kadyrov, qui y est entraîneur, présente ses recrues les plus douées et endurantes aux organisateurs de combats clandestins. Après une longue période d’apprentissage, ils feront leurs débuts en public, mais ils savent par avance qu’en cas de blessure grave ou d’issue fatale, eux ou leurs familles n’auront aucun recours. Il arrive que certains sportifs de renom viennent combattre, comme Mourod Khantouraïev, 22 ans, trois fois champion d’Ouzbékistan de kickboxing, surnommé l’Ours d’Asie.

    Face à lui, les amateurs n’ont aucune chance. Voici ce que nous a confié l’un d’eux, qui a souhaité garder l’anonymat : “Je viens du sud du pays, j’ai été obligé de rejoindre la capitale pour gagner ma vie. Chez moi, je pratiquais la boxe, mais ça n’a rien donné. Alors, je suis entré chez Max Fight, et maintenant je tourne dans ces combats où tout est permis, je n’ai pas d’autre solution.

    Pour intégrer le circuit professionnel, il faut un ‘parrain’ et de l’argent, et je n’ai ni l’un ni l’autre. J’ai pensé trouver un emploi correspondant à ma formation professionnelle, dans la technique, mais les salaires sont misérables, moins de 150 dollars par mois. Avec la lutte, c’est jusqu’à 1 000.”
    “Evidemment, j’y laisse ma santé, ajoute-t-il. Mes reins sont massacrés, récemment je me suis fait éclater la rate. Mais bon, c’est mon boulot. Quant à émigrer en Russie, j’y gagnerais quoi ? Je finirais exploité par je ne sais qui [n’ayant pas de possibilité de s’installer légalement, il serait sans papiers, en danger perpétuel, soumis au bon vouloir de tout le monde]. Au moins, ici, même si je me démolis physiquement, je me fais un peu d’argent. C’est vrai, les conditions sont dures. Nous devons nous entraîner sept jours sur sept, avoir un corps parfait, c’est notre carte de visite. Quand on entre au club, on nous fait promettre de ne rien en dire à personne, ni aux amis, ni à la famille, mais pourtant, tout le monde vient ici de son plein gré, en nombre, et la sélection est sévère. Dans ce pays, l’argent se mérite”.

    Selon un arbitre qui a lui aussi demandé que son nom reste secret, ces combats sans règles ne seraient que le sommet de l’iceberg d’un immense business criminel. Les hautes sphères du pouvoir ouzbek couvriraient un secteur illégal bien plus vaste.

    Par UZNEWS, Courrier International
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