Les spécialistes de la sécurité au Maghreb sont inquiets de la récente flambée de violence en Somalie. Face à la croissance du fondamentalisme qui menace les droits des femmes et des minorités religieuses dans ce pays, les associations de la société civile du Maghreb prennent des mesures pour empêcher une propagation des idéologies extrémistes dans la région.
Le guide libyen Moammar Kadhafi a qualifié l'instabilité en Somalie de "critique" lors du récent sommet de l'Union africaine en août. S'exprimant lors des cérémonies d'ouverture, il avait souligné "la nécessité de résoudre les conflits qui existent entre les nations soeurs africaines, car ils constituent une menace pour la paix et la sécurité mondiale".
Une vidéo publiée par le groupe milicien radical Al-Shabab à l'occasion de l'aïd al-Fitr montre un serment d'allégeance à Oussama ben Laden. Ces dernières semaines, Al-Shabab s'est est pris aux femmes dans les villes de Somalie, y compris par la fermeture, le lundi 1er novembre, de trois associations féministes dans la ville de Balad Hawa, à la frontière kenyane. Selon l'agence Reuters, ces organisations sont l'Organisation des femmes d'affaires Halgan, l'Organisation Sed Huro pour les droits de l'Homme, et l'association Femmes de Farhan pour la paix.
Les femmes musulmanes dans les zones de Mogadiscio contrôlées par la milice ont été contraintes par des membres d'Al-Shabab de porter des bas pour couvrir leurs pieds, et de retirer leurs soutien-gorges, que ce groupe juge destinés à séduire les hommes. De plus, les hommes de ces quartiers ont été invités à ne pas se raser la barbe. Les contrevenants risquent la détention et le fouet.
Pour les femmes, choisir de sortir sans un voile peut même signifier la mort ; cela est particulièrement vrai parmi la faible population de Somaliens non musulmans.
De nombreux habitants du Maghreb ont été profondément choqués par les récents événements survenus en Somalie.
Le journaliste Abdelaziz Dahmani de Jeune Afrique a décrit ce pays comme vivant dans le chaos complet en l'absence d'un gouvernement stable. "A la place, la Somalie est gouvernée par une multitude d'autorités et de responsables aux niveaux local et régional", écrit-il.
Il suggère que les régimes arabes interviennent. "Nous sommes face à un immobilisme dans plusieurs pays arabes mieux organisés, qui ne font rien", explique-t-il.
"Je ne sais pas pourquoi le monde arabe n'exporte rien d'autre que des nouvelles de meurtres et de massacres", déclare Bouchra Belhaj Hmida, avocate et ancienne présidente de l'Association des femmes démocratiques de Tunisie.
"Notre image est une image de honte dans le monde", poursuit-elle. "Nous donnons l'impression d'avoir été privés de notre humanisme. Cela est dû aux actes commis par certains groupes religieux qui ont leur propre interprétation de la religion, et qui ont reçu l'attention des médias dans notre région. Ces groupes s'attirent un soutien populaire important parce qu'ils basent leurs discours sur le Coran."
Elle met en garde contre ce qu'elle qualifie de danger imminent. "Le phénomène frappe à la porte de tous les pays, y compris de ceux qui pensent être protégés contre l'extrémisme religieux", explique-t-elle. "Ils ne doivent pas se considérer à l'abri – même s'ils disposent de législations progressistes – parce que le risque de tomber dans le jeu de la religion et de ne pas la distinguer du discours officiel de l'Etat et de ses pratiques a des conséquences fatales."
"Ce qui se passe en Somalie est l'exemple de ce qui peut se produire partout où les facteurs de l'extrémisme religieux, du despotisme politique, du retard économique, de l'analphabétisme et du colonialisme se combinent", explique Sami Ibrahim, un spécialiste des groupes politiques islamiques.
Pour la journaliste Faten Ghanmi, les gouvernements du Maghreb doivent faire plus pour sensibiliser les jeunes de la région aux dangers de l'extrémisme. "Le Maghreb n'est pas protégé à cent pour cent contre ce phénomène... lutter contre les idées empoisonnées nécessite d'instiller des idées contraires chez nos enfants".
La façon d'y parvenir, suggère-t-elle, consiste à "instiller les valeurs d'humanité en général, et les valeurs prêchées par le véritable Islam".
Une approche intégrée impliquant les groupes de la société civile et les institutions d'enseignement est nécessaire pour donner aux jeunes les outils dont ils ont besoin pour combattre l'extrémisme, explique-t-elle. "Le fondamentalisme a trouvé un terreau fertile sur lequel croître, nous devons protéger ce terreau et l'immuniser contre toute idéologie extrémiste."
Le professeur mauritanien d'études islamiques Alda Ould Mohammed s'interroge sur l'identité religieuse de ces groupes miliciens somaliens. "J'ai été personnellement choqué par l'exécution d'Amina Mous Ali [une Chrétienne tuée à Galkayo pour avoir refusé de porter le voile] en Somalie", explique-t-il. "Je n'imaginais pas que certaines parties de notre monde musulman puissent être aussi noires. Je crains que ce type d'idées religieuses destructrices ne parvienne à d'autres pays musulmans. Je ne sais pas de quelle 'charia' parlent ces groupes en Somalie, ni à quelle religion ils croient."
L'Imam Mohammed Al Moustafa Ould Ali, de la mosquée Al Hoda en Mauritanie, a également réagi à l'exécution d'Amina Mous Ali. "J'ai entendu dans les médias l'exécution d'Amina en Somalie le mois dernier par ceux qui se baptisent eux-mêmes 'Jamat Al Sunna wal Jamaa'. J'ai été atterré par cet acte odieux qui ternit l'image de l'Islam... Je suis abasourdi par ceux qui se qualifient de Musulmans et exécutent de sang froid une personne innocente."
Son compatriote prêcheur Al Mukhtar Ould Ahmed a expliqué à Magharebia que "l'ignorance de la religion et le manque de compréhension de la réalité sont deux causes à ces massacres au nom de la religion".
"Le véritable Islam est fondé sur un principe," poursuit-il. "La religion n'a rien d'obligatoire, chacun est libre de choisir ses propres croyances... Le terrorisme et le meurtre au nom de la religion n'ont donc aucune justification."
Le député marocain et imam Abdelbari Zemzemi a expliqué à Magharebia que l'Islam n'appelle pas à exécuter les femmes qui ne portent pas le voile. "Il s’agit d’une violation et d’une injustice qui ne doivent pas être commises au nom de l’Islam", explique-t-il. "Seul l’Etat est souverain pour appliquer les jugements."
Sa collègue députée Fatima Moustaghfir se dit partisane d'une nouvelle approche dans l'interprétation du Coran et de l'ijtihad. Vu que ce dernier a été pendant longtemps le seul apanage des hommes, l’interprétation se fait aux dépends de la femme, "même si l'Islam rend hommage à la femme".
Selon Ikram Ghioua, journaliste algérienne spécialisée dans les questions de sécurité et les groupes terroristes, les groupes de miliciens en Somalie sont soigneusement manipulés par al-Qaida. "La mauvaise interprétation des versets du Coran, mis en avant par les extrémistes et d'autres, n'a qu'un seul but : s'assurer que cette partie de l'Afrique reste dans l'instabilité, au grand bénéfice d'al-Qaida."
Les injustices commises à l'encontre des femmes en Somalie, poursuit-elle, sont contraires à l'enseignement islamique. "Elles ne servent qu'à dépeindre un pays dans lequel des bandes rivales s'entretuent ; cela n'a rien à voir avec l'Islam", conclut-elle.
source : Magharebia
Le guide libyen Moammar Kadhafi a qualifié l'instabilité en Somalie de "critique" lors du récent sommet de l'Union africaine en août. S'exprimant lors des cérémonies d'ouverture, il avait souligné "la nécessité de résoudre les conflits qui existent entre les nations soeurs africaines, car ils constituent une menace pour la paix et la sécurité mondiale".
Une vidéo publiée par le groupe milicien radical Al-Shabab à l'occasion de l'aïd al-Fitr montre un serment d'allégeance à Oussama ben Laden. Ces dernières semaines, Al-Shabab s'est est pris aux femmes dans les villes de Somalie, y compris par la fermeture, le lundi 1er novembre, de trois associations féministes dans la ville de Balad Hawa, à la frontière kenyane. Selon l'agence Reuters, ces organisations sont l'Organisation des femmes d'affaires Halgan, l'Organisation Sed Huro pour les droits de l'Homme, et l'association Femmes de Farhan pour la paix.
Les femmes musulmanes dans les zones de Mogadiscio contrôlées par la milice ont été contraintes par des membres d'Al-Shabab de porter des bas pour couvrir leurs pieds, et de retirer leurs soutien-gorges, que ce groupe juge destinés à séduire les hommes. De plus, les hommes de ces quartiers ont été invités à ne pas se raser la barbe. Les contrevenants risquent la détention et le fouet.
Pour les femmes, choisir de sortir sans un voile peut même signifier la mort ; cela est particulièrement vrai parmi la faible population de Somaliens non musulmans.
De nombreux habitants du Maghreb ont été profondément choqués par les récents événements survenus en Somalie.
Le journaliste Abdelaziz Dahmani de Jeune Afrique a décrit ce pays comme vivant dans le chaos complet en l'absence d'un gouvernement stable. "A la place, la Somalie est gouvernée par une multitude d'autorités et de responsables aux niveaux local et régional", écrit-il.
Il suggère que les régimes arabes interviennent. "Nous sommes face à un immobilisme dans plusieurs pays arabes mieux organisés, qui ne font rien", explique-t-il.
"Je ne sais pas pourquoi le monde arabe n'exporte rien d'autre que des nouvelles de meurtres et de massacres", déclare Bouchra Belhaj Hmida, avocate et ancienne présidente de l'Association des femmes démocratiques de Tunisie.
"Notre image est une image de honte dans le monde", poursuit-elle. "Nous donnons l'impression d'avoir été privés de notre humanisme. Cela est dû aux actes commis par certains groupes religieux qui ont leur propre interprétation de la religion, et qui ont reçu l'attention des médias dans notre région. Ces groupes s'attirent un soutien populaire important parce qu'ils basent leurs discours sur le Coran."
Elle met en garde contre ce qu'elle qualifie de danger imminent. "Le phénomène frappe à la porte de tous les pays, y compris de ceux qui pensent être protégés contre l'extrémisme religieux", explique-t-elle. "Ils ne doivent pas se considérer à l'abri – même s'ils disposent de législations progressistes – parce que le risque de tomber dans le jeu de la religion et de ne pas la distinguer du discours officiel de l'Etat et de ses pratiques a des conséquences fatales."
"Ce qui se passe en Somalie est l'exemple de ce qui peut se produire partout où les facteurs de l'extrémisme religieux, du despotisme politique, du retard économique, de l'analphabétisme et du colonialisme se combinent", explique Sami Ibrahim, un spécialiste des groupes politiques islamiques.
Pour la journaliste Faten Ghanmi, les gouvernements du Maghreb doivent faire plus pour sensibiliser les jeunes de la région aux dangers de l'extrémisme. "Le Maghreb n'est pas protégé à cent pour cent contre ce phénomène... lutter contre les idées empoisonnées nécessite d'instiller des idées contraires chez nos enfants".
La façon d'y parvenir, suggère-t-elle, consiste à "instiller les valeurs d'humanité en général, et les valeurs prêchées par le véritable Islam".
Une approche intégrée impliquant les groupes de la société civile et les institutions d'enseignement est nécessaire pour donner aux jeunes les outils dont ils ont besoin pour combattre l'extrémisme, explique-t-elle. "Le fondamentalisme a trouvé un terreau fertile sur lequel croître, nous devons protéger ce terreau et l'immuniser contre toute idéologie extrémiste."
Le professeur mauritanien d'études islamiques Alda Ould Mohammed s'interroge sur l'identité religieuse de ces groupes miliciens somaliens. "J'ai été personnellement choqué par l'exécution d'Amina Mous Ali [une Chrétienne tuée à Galkayo pour avoir refusé de porter le voile] en Somalie", explique-t-il. "Je n'imaginais pas que certaines parties de notre monde musulman puissent être aussi noires. Je crains que ce type d'idées religieuses destructrices ne parvienne à d'autres pays musulmans. Je ne sais pas de quelle 'charia' parlent ces groupes en Somalie, ni à quelle religion ils croient."
L'Imam Mohammed Al Moustafa Ould Ali, de la mosquée Al Hoda en Mauritanie, a également réagi à l'exécution d'Amina Mous Ali. "J'ai entendu dans les médias l'exécution d'Amina en Somalie le mois dernier par ceux qui se baptisent eux-mêmes 'Jamat Al Sunna wal Jamaa'. J'ai été atterré par cet acte odieux qui ternit l'image de l'Islam... Je suis abasourdi par ceux qui se qualifient de Musulmans et exécutent de sang froid une personne innocente."
Son compatriote prêcheur Al Mukhtar Ould Ahmed a expliqué à Magharebia que "l'ignorance de la religion et le manque de compréhension de la réalité sont deux causes à ces massacres au nom de la religion".
"Le véritable Islam est fondé sur un principe," poursuit-il. "La religion n'a rien d'obligatoire, chacun est libre de choisir ses propres croyances... Le terrorisme et le meurtre au nom de la religion n'ont donc aucune justification."
Le député marocain et imam Abdelbari Zemzemi a expliqué à Magharebia que l'Islam n'appelle pas à exécuter les femmes qui ne portent pas le voile. "Il s’agit d’une violation et d’une injustice qui ne doivent pas être commises au nom de l’Islam", explique-t-il. "Seul l’Etat est souverain pour appliquer les jugements."
Sa collègue députée Fatima Moustaghfir se dit partisane d'une nouvelle approche dans l'interprétation du Coran et de l'ijtihad. Vu que ce dernier a été pendant longtemps le seul apanage des hommes, l’interprétation se fait aux dépends de la femme, "même si l'Islam rend hommage à la femme".
Selon Ikram Ghioua, journaliste algérienne spécialisée dans les questions de sécurité et les groupes terroristes, les groupes de miliciens en Somalie sont soigneusement manipulés par al-Qaida. "La mauvaise interprétation des versets du Coran, mis en avant par les extrémistes et d'autres, n'a qu'un seul but : s'assurer que cette partie de l'Afrique reste dans l'instabilité, au grand bénéfice d'al-Qaida."
Les injustices commises à l'encontre des femmes en Somalie, poursuit-elle, sont contraires à l'enseignement islamique. "Elles ne servent qu'à dépeindre un pays dans lequel des bandes rivales s'entretuent ; cela n'a rien à voir avec l'Islam", conclut-elle.
source : Magharebia
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