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Plongée au coeur du MSP en Algérie

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  • Plongée au coeur du MSP en Algérie

    Les «frères» du Mouvement de la société pour la paix (MSP) discutent à huis clos et à bâtons rompus. Au-delà des sujets d’actualité politique et de l’avenir du Mouvement, ils débattent de leurs références idéologiques, décortiquent leurs faiblesses et osent même traiter d’«ennemis» les laïcs en Algérie.

    Ils sont, néanmoins, désemparés face aux évolutions politiques. La précarité dont souffre le Mouvement, malgré le maquillage des bilans et l’optimisme de façade qu’affichent ses chefs lors de leurs sorties médiatiques, risque, en effet, d’éclipser cette formation politique d’ici peu.

    Le centre familial de la Mutuelle générale des matériaux de construction, sis à Zéralda, à 45 km à l’ouest d’Alger, dégageait un calme curieux, dans la matinée, glaciale, de samedi dernier.

    A l’exception de quelques voitures garées, rien n’indiquait que le centre abritait un regroupement de plus de 300 «organiques» du parti, venus des quatre coins du pays. Au sortir des ateliers programmés, les «congressistes» commençaient à peine à affluer vers la salle de conférence. Ils devaient discuter, à huis clos, des «évolutions politiques» du pays et écouter les «orientations» de la direction pour le court terme.

    Beaucoup d’entre eux sont venus assister à cette rencontre annuelle du parti tenue les 8 et 9 janvier derniers, sans même recevoir d’invitation. Et personne n’aura remarqué notre présence à l’intérieur de la salle, archicomble pour l’occasion.

    L’Alliance présidentielle, un soutien contre les «ennemis laïcs», mais…

    Les «frères musulmans algériens » estiment que l’Alliance présidentielle constitue, pour l’instant, un rempart sur lequel ils peuvent s’appuyer. Mais ils ne cachent pas leur crainte d’être lâchés, une fois le troisième mandat de Bouteflika arrivé à son terme, par leurs alliés du triumvirat. «Et l’après-Bouteflika ?».

    Cette interrogation, récurrente, préoccupe et la direction du MSP et les délégués de la base, dépêchés des 48 wilayas pour évaluer l’exercice écoulé et formuler des recommandations à soumettre au conseil national, qui se tiendra le 21 janvier prochain. Ledit conseil élaborera, sur la base de ces recommandations, un plan d’action pour l’année 2010.

    «Le deal conclu entre le RND et le PT est une provocation. C’est un accord qui vise à nous pousser vers la porte de sortie. Je crois que nous avons trop misé sur l’Alliance, au point d’avoir négligé l’essentiel de notre activité, la prédication. Il est vrai que l’Alliance est notre seul soutien, actuellement, contre nos ennemis laïcs, mais il nous faudra profiter de la disparition de nombre de partis islamistes et nous redéployer dans notre espace vital, pour récupérer l’électorat islamiste.

    Comme le dit l’adage : «Khok khok, oula y’ghorek, sahbek» (un ami ne remplacera jamais un frère, Ndlr)», assénera un intervenant. Propos soutenus par un député : «En dépit de notre participation dans le gouvernement, du fait que nous avons tenu tous nos engagements, nos alliés restent toujours réservés vis-à-vis de nous.»

    Une «idée» ambiguë ?


    Des constats amers se sont imposés : «Idée ambiguë, caisses vides, inertie des cadres de la base, repli sur soi et manque de perspectives.» En un mot, le Mouvement serait dans un coma profond. «L’année 2010, objet du conclave, n’annonce pas de joutes électorales ; l’année suivante non plus. Et nous avons assez de temps pour sortir le Mouvement de sa léthargie et aborder, sur de bonnes bases, les législatives et les locales de 2012», soulignera M. Bouguerra Soltani, l’actuel chef de file de la «confrérie».

    Cependant, et avant que Soltani ne prenne la parole, les débats se sont focalisés, outre ce clin d’œil au «Mouvement mère» (mouvement des Frères musulmans, présent dans 70 pays à travers le monde et qui vit des moments difficiles à cause du rétrécissement de l’espace et des libertés des groupes islamistes, Ndlr), sur trois sujets principaux. La sécession sous la houlette d’Abdelmadjid Menasra, l’avenir du Mouvement au sein de la «coalition » et le tarissement des sources de financement. Le secrétaire national chargé de l’information et des affaires politiques, dans son rôle de modérateur, a eu toutes les peines du monde à rassurer ses confrères, désemparés et sceptiques quant à l’avenir du Mouvement.

    Au sujet des «sécessionnistes», ce dernier a eu cette réplique : «Pour le noyau dur, ce sont des cadres qui n’ont pu prendre l’ascenseur par les voies normales au sein du Mouvement ou décrocher des portefeuilles ministériels, c’est-à- dire par voie électorale ou par voie de cooptation. C’est le mobile exact de leur action. Les élus locaux ont suivi, pour des considérations tribales ou régionalistes. Le reste, c’est de la littérature. Ils devaient se justifier vis-à-vis de l’opinion publique, en avançant que l’actuelle direction a dévié du droit chemin, de la ligne du Mouvement. Ce qui est à retenir, c’est que nous sommes arrivés à asseoir la légitimité des institutions. Le groupe des dissidents s’est retrouvé aussitôt dans le vide», fustigera-t-il.

    Le MSP a-t-il vraiment un projet politique ?

    Tiraillés entre une vocation de «prédicateurs» et les impératifs d’un environnement politique hostile, les «frères musulmans algériens» se cherchent plutôt une identité. «Sommes-nous un parti politique, un mouvement de prédication, une autorité, une opposition ou, alors, un phénomène politique ambigu ? En ce qui me concerne, je ne sais pas encore. Quelqu’un peut-il me l’expliquer ?», s’interrogera Bouguerra Soltani.

    Et d’avouer : «Nous n’avons même pas une vision commune sur notre identité politique, encore moins un projet bien déterminé.»

    «Avons-nous un objectif commun, comme, par exemple, la prise du pouvoir d’ici à 2020 ? Malheureusement non. Quels sont nos mobiles ? Personnels, patriotiques, spirituels, ou autres ? Nous sommes loin de cette époque où nous agissions sans recevoir d’injonctions, sur la base de nos convictions, notre «idée» qui fut notre sanctuaire».

    Un fonds national pour financer les élections législatives et locales de 2012
    Les militants du MSP sont-ils outillés, politiquement parlant, pour se délester, à court, moyen ou long terme, du cliché de «prédicateurs » ?

    Bouguerra Soltani a rappelé ses «troupes», dans ses orientations, les débuts de l’islam, et instruit ces derniers de faire du porte-à-porte. «Nous défendons une idée aux contours flous, à savoir construire un Etat islamique. Nous n’avons pas d’argent, ni de pouvoir. Nos amis, dans les médias, sont rares et nos relations avec le monde extérieur et, surtout, nos semblables islamistes, nécessitent un renforcement. Nous avons tendance à nous replier sur nous-mêmes. Nos cadres ne se connaissent même pas. Or, vous savez tous que nous sommes à découvert. Tous les partis islamistes se sont éclipsés de la scène à cause de problèmes internes. Le FIS fut dissous par les autorités publiques. Nous devons, donc, descendre sur le terrain et promouvoir notre idée auprès de l’opinion publique. Le public croit en un Etat islamique, mais reste, dans sa majorité, privé de représentation politique. C’est ce public qui nous rapportera l’argent, le pouvoir», estimera-t-il.

    Outré, il a d’abord «corrigé» le secrétaire national chargé de la planification, qui a péché par manque de clairvoyance. «Les objectifs, à court terme, tels que vous les avez hiérarchisés, disperseront notre énergie, et nous n’atteindrons aucun objectif, au final. Dit autrement, ce sont des thèmes génériques qui manquent cruellement de substance», notera-t-il. Il chargera, par la suite, le secrétariat chargé de la prédication et de la culture d’œuvrer en mobilisant la «matière grise» du parti, de cristalliser l’«idée» du Mouvement. Et d’instruire l’élaboration d’un plan balisant le redéploiement dans les espaces islamiste et féminin. Il ordonnera le découpage des zones ciblées et confiera aux dirigeants centraux la tâche de superviser la «prédication», chacun dans une zone déterminée. Il ordonnera, aussi, la création d’un «fonds national », en prévision des échéances électorales de 2012, en versant 0,5 % des cotisations, dans une première étape.

    Dans ce sillage, il demandera d’annuler toutes les «manifestations fastueuses» pour l’année 2010, soulignant que l’heure est à l’austérité. Last but not least, Bouguerra Soltani a recommandé l’«ouverture» sur autrui. Une ouverture progressive, selon ses termes, qui permettra de ramifier la base militante du Mouvement.

    Elle devra, expliquera- t-il, cibler les jeunes, le but étant de rajeunir le Mouvement, selon une méthode adaptée. Il convient de relever qu’avec la réunion de février prochain avec les partis de l’Alliance présidentielle, le MSP jouera son avenir.

    En position de faiblesse, les tractations devraient être difficiles, surtout avec l’émergence du PT et son «alignement» sur le RND. La division de son bloc parlementaire, scindé en deux factions, compliquera encore la situation. Sombres perspectives…

    Par Le Soir
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