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Les Algériens de Bilâd ec-Shâm, Kamel Bouchama

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  • Les Algériens de Bilâd ec-Shâm, Kamel Bouchama

    Encore un nouveau-né chez Kamel Bouchama. Décidément, il ne cesse de nous surprendre avec sa production littéraire, de plus en plus intéressante et rentable pour ceux qui s’intéressent à la culture. Juste après ses deux ouvrages remarquables sur l’Histoire, avec «Les Algériens de Bilâd ec-Shâm»
    De Sidi Boumediène à l’Emir Abdelkader (1187-1911) Kamel Bouchama nous livre encore de l’Histoire qui raconte les Algériens, les nôtres, cette Histoire dont nous avons été privés, pendant de longues années à cause - nous disait-on - de priorités qu’il fallait faire «avancer» pour...ne pas vivre en marge du progrès.

    Eh bien, comme à l’accoutumée, Kamel Bouchama va au charbon, sans prétention aucune, mais avec grande concision cependant, pour nous relater ce long processus d’exode des Algériens vers le Grand Shâm, entamé en l’année 1187, pour participer à la libération des territoires occupés du temps des Croisades et qui ne finit qu’au siècle précédent, pendant l’occupation coloniale de notre pays.


    Dans cet ouvrage Les Algériens de Bilâd ec-Shâm, Kamel Bouchama a choisi un pan de la glorieuse épopée de ces Algériens qui ont volé au secours de leurs frères du Moyen-Orient, qui ont combattu contre les «croisés» et qui sont restés là-bas, à Jérusalem, à Samakh et Safad en Galilée, à Damas ou ailleurs en Bilâd ec-Shâm, perpétuant leurs traditions et leur culture, dans cette région où la culture a toujours tenu sa place, depuis l’Antiquité. Et ils sont restés des siècles, jouissant de leur citoyenneté à part entière, sans se recroqueviller sur eux-mêmes, en créant une communauté spécifique, détachée du reste des autochtones, comme l’ont fait certaines communautés vivant au Moyen-Orient.

    Car, même s’ils ont reconstitué leur environnement, organisé leur vie, préservé leur dignité et conservé leurs coutumes, ils ont aussi respecté et adhéré à celles (les coutumes) de leurs hôtes...Des années, voire des siècles passaient, et nos ancêtres se confondaient naturellement avec les natifs de Bilâd ec-Shâm, dans leur façon de parler, de s’habiller, de manger et de gérer leur vie. Pour arriver à ce stade, c’est-à-dire à s’intégrer convenablement à la société de cette région, il ont mis en oeuvre les potentialités qu’ils possédaient depuis bien longtemps, et qui leur ont permis de faire face aux exigences d’une société cultivée comme celle dans laquelle ils vivaient.

    Ainsi, les Berbères qui ont émigré en Bilâd ec-Shâm depuis le XIIe siècle jusqu’au début du XXe, étaient très cultivés, contrairement aux déclarations vexantes et humiliantes d’apprentis sorciers de l’Occident et même du Moyen-Orient - rappelons-nous ces insultes après un match de football. Ils étaient non seulement prolixes au niveau de la littérature, mais aussi capables dans les autres domaines de la science. Ibn Khaldoun en parle longuement en appréciant leur production qualitative, mais aussi leurs grandes et nobles vertus. «Les Berbères ont toujours été un peuple puissant, redoutable, brave et nombreux; un vrai peuple comme tant d’autres dans le monde, tels que les Arabes, les Persans, les Grecs et les Romains...»

    L’auteur nous apprend que, plus tard, nos savants et nos érudits ont participé de près au réveil culturel et scientifique que le besoin a imposé à la communauté arabo-musulmane, après les dangereux conflits qu’elle a subis et les graves dissensions qu’elle a difficilement vécues, du temps des Mongols, des Seldjoukides, et de tous ceux qui ont investi le Shâm jusqu’à l’arrivée des Français. Ainsi, «les Algériens, perpétuant une longue tradition de lettrés et de savants maghrébins exerçant leur art ou leur magistère à Damas, sont également des acteurs importants de la vie intellectuelle et spirituelle du Vilayet».(1) Cette autre information témoigne, s’il en est besoin, que les Algériens, qui étaient nombreux dans le paysage culturel de leur pays ont beaucoup donné pour cette région du Moyen-Orient qui n’a jamais cessé de les recevoir et surtout de les apprécier.

    Il nous raconte, à sa manière, que notre communauté d’autrefois s’inscrivait dans le temps, c’est-à-dire qu’elle se constituait, se renouvelait constamment et s’intégrait totalement et harmonieusement aux autochtones du pays d’accueil pour former une seule communauté que le destin allait rassembler pour lui permettre d’agir dans le sens de la solidarité, de l’entraide, de la concordance mais surtout de l’apport qualitatif. Elle devenait une émigration continue, qui s’étalait au fil des siècles et qui se renforçait dans les villes et villages qu’elle a investis, depuis les premiers «éclaireurs» qui ont statué sur ces lieux et que les historiens affirment qu’ils étaient à l’origine de leur création. Et elles sont nombreuses ces places qui attestent d’une forte présence de nos ancêtres dans ce Shâm de toutes les cultures et, nous le saurons après, lors des conflits créés pour déstabiliser le Moyen-Orient, de toutes les convoitises..., hélas.

  • #2
    De «Merdj Es-Soltane», tout près de Damas ou à l’est du Golan, à «Shadjara», «Abidine» et «Beït Arreh», ou à «Maâdher», «Dichoum», «‘Oulem», «Kefr Sebt», «Chaâra», «Krad El-Khit», «Et-Tlil» ou encore «Chafa Amr», à côté de Akka (Saint-Jean d’Acre), «El ‘Amouqa», «Hay El Maghariba dans Safad ou dans Haïfa», «Houcha», «El Hassaniya» ou «‘Ajloune», les habitants savent que leur origine se situe dans ce Maghreb des gens courageux qui n’ont pas hésité un seul instant de tendre la main à leurs frères qui avaient tellement besoin de leur présence en des circonstances très pénibles.

    Ces citoyens, aujourd’hui syriens ou palestiniens, à part entière, savent que leurs ancêtres viennent de la profonde Berbérie, et l’Histoire, dans ce cadre-là, ne peut être occultée ou simplement altérée pour des «démonstrations» que la raison ne pourrait jamais admettre.
    Ces citoyens, de bonnes lignées, vous parlent aujourd’hui le langage de la clarté, quand vous les rencontrez. Ils vous entretiennent, quand vous leur demandez leur origine, dans l’idiome d’antan, celui de leurs aïeux, dont la plupart viennent de régions berbérophones. Ils vous entretiennent fièrement dans cette langue, claire et limpide, expurgée de toute locution étrangère, en tout cas dans une langue berbère plus originale que celle qui est parlée aujourd’hui, chez nous dans le Maghreb.(2)

    Kamel Bouchama nous révèle, que depuis la période médiévale jusqu’au début du XXe siècle, le mouvement migratoire entre le Maghreb et le Grand Shâm, ne s’est pas interrompu, ni même atténué. Mieux encore, il a connu tout au long des siècles des interactions positives qui, de part et d’autre, ont rapproché davantage, plus particulièrement, les hommes de sciences et de culture. L’auteur nous confirme que les Algériens, imbus d’une érudition qu’ils ont acquise au contact des grands maîtres du pays et de ceux qui venaient de l’Andalousie, ne se sont pas recroquevillés sur eux-mêmes, mais qu’ils ont transmis leurs connaissances à leurs frères du Machreq. Cette interaction entre des individus différents dans leur mode de vie, leurs valeurs et leur culture, était basée sur l’égalité de la dignité et des droits pour tous. Ces relations enfin n’ont conduit ni à la suspicion ni au rejet. Rien de cela, puisque cette partie du monde musulman s’est construite - il faut le reconnaître - par la tolérance et l’assimilation d’autres cultures qui sont venues s’ajouter à la sienne qui, elle, était déjà très florissante comparativement à d’autres parties du monde qui n’en possédaient pas.

    Kamel Bouchama nous instruit donc, que l’émigration qui s’est prolongée au fil des siècles s’est atténuée avec l’expédition coloniale française en 1830 et s’est renforcée avec l’arrivée de l’Emir Abdelkader à Damas. Avec de nombreux détails, il nous informe qu’au cours de ce siècle, c’est-à-dire le XIXe, elle n’était qu’une manifestation de cette répulsion des Algériens à l’égard des colons qui, après avoir exproprié de grandes superficies de terres aux nationaux, et dans leur «soudaine mansuétude», où se cachait le spectre de la malveillance et du ressentiment, permettaient, en les encourageant, ces départs en Syrie. N’en démontre que ces déclarations officielles, claires et sans ambages, après des demandes de départ pour rejoindre l’Emir Abdelkader en Syrie. En voici une du ministère de l’Algérie et des colonies au commandement supérieur des forces de terre et de mer en Algérie, formulée par lettre du 23 avril 1860. «Je ne vois pas de raisons pour que les indigènes de la subdivision d’Aumale qui désirent se rendre en Syrie, ne soient pas autorisés à le faire... Les terres nous font défaut de ce côté et leur départ doit nous en procurer. En outre, ce sont les marabouts qui demandent à partir, ce sont des fanatiques ennemis de notre domination...»(3)
    En voici une autre, cinglante sur le plan du style, quant à son contenu, et les Algériens ne s’attendaient pas à mieux. «Je pense donc que les généraux commandant les divisions doivent être autorisés à donner des permis de départ aux familles qui en demandent. Mais ces familles doivent être bien prévenues qu’elles renoncent à toute possibilité de retour, que les terres qu’elles abandonnent seront livrées aux colons, enfin leurs passeports doivent mentionner que les porteurs perdent leur qualité de sujets français...»(4)

    Enfin, Kamel Bouchama nous explique, à coups de références, cette présence positive des Algériens en Bilâd ec-Shâm, leurs bonnes relations, ou plutôt ces liens fraternels qui engageaient les Syriens à être plus concrets dans leur approche avec eux et ainsi, cette atmosphère, où se dégageaient l’efficience et la volonté de partager, ne pouvait priver les hôtes des bienfaits d’une entente qui n’a jamais décliné. C’est dans tous les domaines que l’on remarquait ces gestes qui démontraient la disponibilité et l’hospitalité légendaire de ce peuple qui a été jusqu’à conforter et protéger toutes les associations, caritatives ou politiques, créées au profit des Maghrébins. N’était-ce pas pour ces bonnes raisons et d’autres certainement, bien perçues à travers les conditions objectives manifestées aux citoyens maghrébins qui ont émigré depuis cette lutte implacable contre les croisés jusqu’aux dernières vagues d’après 1830, que l’Emir Abdelkader s’était détourné d’Alexandrie ou d’Istanbul pour élire domicile en cette terre accueillante? Ce sont des raisons objectives, mais il y a ce premier amour de l’Emir, alors jeune adepte de la Tariqa El Qadiriya (Confrérie) qui le menait avec son père Si Mohieddine, pendant son voyage à La Mecque, du côté de Jérusalem où il devait passer nécessairement par Damas. Et c’est là qu’il a aimé cette ville merveilleuse.

    Cet ouvrage de Kamel Bouchama est une occasion pour dire plus sur ce pays qui, sans le moindre doute, a été pour les Algériens une terre d’asile et de rencontre, mais surtout une terre aux diverses chances où leur génie et leur savoir leur ont permis de tracer leur voie, et celle des autres, vers l’expansion et le bien-être. C’est ce que nous allons voir dans toutes les pages de ce livre, avec certains détails concernant parfois des figures emblématiques, des détails qui nous mèneront jusqu’à relater des faits que l’Histoire retiendra comme des exploits, sinon comme des événements marquant une période et des hommes.

    Nous n’allons pas dire plus en matière de révélations qui sont nombreuses, surprenantes et non moins éloquentes, qui nous confirment ce don extraordinaire qu’ont les Algériens à créer des situations exceptionnelles, considérables. Il faut lire cet ouvrage captivant pour s’imprégner de «grandes choses», celles qu’on ne pouvait connaître sans ce travail de recherches par un auteur qui ose... Enfin, ce travail, il faut le souligner, a eu l’assentiment et est soutenu par le ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté nationale à l’étranger, pour ce qu’il nous apprend concernant nos compatriotes qui ont fondé, à travers les siècles, une importante communauté au Moyen-Orient.

    «Les Algériens de Bilâd ec-Shâm»
    De Sidi Boumediène à l’Emir Abdelkader (1187-1911)
    Aux Editions JUBA
    350 pages


    (1) M.Adib Ibn Mohamed, op. cit, p. 32, repris par Mouloud Haddad, doctorant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess) dans: Immigration, Islam et eschatologie Exil et post-exil des Algériens à Damas au XIXe siècle. Extrait des Actes du colloque international Temporalités de l’exil.

    (2) En effet, ceux qui parlent encore le berbère dans les régions du grand Shâm, le parlent parfaitement, selon l’ancien idiome qui se transmet de père en fils. Il faut comprendre que ceux-là sont venus dans cette région avant l’installation des grandes tribus arabes au Maghreb et plus encore, bien avant les autres qui l’ont investi, notamment les Ottomans et, bien plus tard, les Français. Ainsi, dans le berbère des gens de Syrie et de la Palestine - pour ceux qui le parlent jusqu’à maintenant -, il n’y a pas cette influence de langage comme celle qui existe dans certains dialectes, particulièrement existants dans le nord du Maghreb.

    (3) Suivant Archives d’Outre-mer, Aix-en-Provence, section Gouvernement général de l’Algérie, carton 9H98

    (4) Ibid.

    Par Nabil BELBEY, L'Expression

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