Transition démocratique : le Maroc devance l’Algérie et l’Égypte
L’ARI a évalué dix pays arabes
L’Initiative de Réforme Arabe (ARI) a présenté lundi, à Paris, son rapport sur l’évolution de la transition démocratique dans dix pays arabes, pour l’année 2008. Basé sur des critères internationaux, ce dernier est le fruit du travail effectué dans chaque pays par des institutions locales. Il mesure les moyens institutionnels mis en place en faveur de la démocratie, et les compare aux pratiques réelles, en affectant une note à chaque cas. Dix États arabes ont été évalués dans ce rapport, dont trois pays africains. Le Maroc devance l’Algérie et l’Égypte et arrive deuxième au classement général, juste derrière la Jordanie, et le Yémen est le dernier. La démocratie progresse dans peu de pays arabes.
Mardi 30 mars 2010 / par René Dassié
Interview de Salam Kawakibi, senior researcher à l’ARI, basé à Paris
Il a participé à la coordination et la mise en forme finale du rapport sur les réformes dans les pays arabes.
Afrik : Comment les rapports de l’ARI sont-ils accueillis dans les pays arabes ?
Salam Kawakibi : Au début, nous avons pensé que nos rapports pouvaient aider les décideurs, leur donner des outils de travail et de réflexion. Mais finalement, on s’est rendu compte que ces décideurs, la plupart du temps, ne lisent pas nos rapports. C’est plutôt les citoyens, les scientifiques, les activistes des droits de l’homme, les industriels, les gens qui travaillent dans la vie de tous les jours qui veulent avoir une idée de la perception du pays qui s’y intéressent véritablement. Peut-être développent-ils de leur côté des réflexions qui peuvent s’adresser à leurs décideurs. Mais peut-être aussi y-a-t-il des exceptions, des décideurs qui lisent nos travaux. Mais lorsqu’on observe les retombées de nos rapports, il y a plus d’impact sur la société civile, sur le corps scientifique que sur les décideurs.
Afrik : Qu’est-ce qui selon vous garantit la crédibilité de ces rapports ?
Salam Kawakibi : Tout d’abord, c’est le premier travail fait sur l’état de la démocratie dans les pays arabes par des équipes de recherche locales. Nous avons bien sûr des critères pour sélectionner ces équipes. Ce sont des chercheurs, des activistes des droits de l’homme qui prennent en considération la situation internationale, et bien sûr, se basent sur les documents, les lois – c’est le plus important, et l’application de ces lois. Ces gens-là sont crédibles au sein des organismes pour lesquels ils travaillent. Il y a des professeurs de sciences politiques, des avocats, etc. Ce n’est pas évident pour eux, mais ils arrivent à travailler sur des bases scientifiques. Ils ne prennent pas position. Mais cela va de soi, quand on lit les résultats de leurs travaux, les conclusions sont évidentes.
Afrik : pourquoi seulement trois pays arabes africains - l’Algérie, l’Égypte et le Maroc - sont-ils pris en compte ?
Salam Kawakibi : Nous aimerions bien avoir tous les autres pays dans ce rapport. Chaque année, nous étendons un peu plus notre rayon d’action. L’année dernière c’était huit pays. Cette année on en a dix. Comme vous le savez, la particularité de notre rapport c’est de ne pas se baser sur des informations venant de l’extérieur, mais de l’intérieur même des pays. Il faut pour cela que des conditions de travail permettent aux équipes de travailler de l’intérieur même des pays en toute indépendance, pour fournir des informations exactes, qu’elles soient positives ou négatives. Il y a donc des difficultés à collecter les informations ; des difficultés à repérer les chercheurs qui s’engageraient à faire ce travail indépendamment des institutions officielles.
Afrik : Est-ce à cause de ces difficultés que la Tunisie ne figure pas dans votre rapport ?
Salam Kawakibi : A vrai dire, nous n’avons pas essayé de travailler avec la Tunisie, parce que nous avons commencé avec les pays où il y a une possibilité de s’afficher en tant qu’initiative pour une réforme. Et il y a encore des pays où le seul mot « réforme » pose problème. Ils considèrent la réforme comme une ingérence extérieure alors que nous sommes une initiative arabo-arabe. Donc le mot fait peur. Mais nous espérons, et c’est vraiment un appel à nos collègues tunisiens, qu’ils adhèrent à notre initiative, que ce soit des institutions scientifiques ou des organisations non-gouvernementales, pour aider à développer ce rapport en Tunisie même, avec l’approbation des autorités. Nous ne cherchons pas à travailler contre la volonté des autorités. Mais nous ne voulons pas non plus être influencés par elles.
Afrik : Globalement peut-on dire que la démocratie avance dans le monde arabe ?
Salam Kawakibi : Malheureusement non. Il y a très peu de pays où il y a eu une progression. Il y a par contre beaucoup de pays dans lesquels il y a régression. C’est le cas de la Palestine et du Yemen.
Afrik : Comment vos travaux sont-ils financés ?
Salam Kawakibi : Le Centre arabe pour une réforme c’est plusieurs projets. Par exemple il y a des projets sur la situation de la femme, sur les jeunes. Chaque projet cherche ses financements. Mais je peux dire que nous sommes toujours indépendants de nos bailleurs. Nous ne faisons pas d’études suite à une demande. Nous faisons des projets qui sont ensuite soumis aux sponsors que sont les organismes de développement et les fondations.
Le Maroc est le premier pays arabe sur le continent africain, en termes de passage vers des institutions démocratiques. C’est la conclusion à laquelle est parvenu l’Initiative de Réforme Arabe (ARI), une institution qui mesure les efforts d’évolution démocratique dans le monde arabe. L’’objectif de ce travail : « Influencer le processus de transition démocratique en fournissant à ses défenseurs issus du monde arabe un système qui leur permette d’en surveiller de près l’évolution, dans une perspective comparative et dans la durée », d’après la note de présentation de son dernier rapport, qui a été dévoilé lundi à Paris, lors d’une rencontre avec la presse.
L’ARI a évalué dix pays arabes
L’Initiative de Réforme Arabe (ARI) a présenté lundi, à Paris, son rapport sur l’évolution de la transition démocratique dans dix pays arabes, pour l’année 2008. Basé sur des critères internationaux, ce dernier est le fruit du travail effectué dans chaque pays par des institutions locales. Il mesure les moyens institutionnels mis en place en faveur de la démocratie, et les compare aux pratiques réelles, en affectant une note à chaque cas. Dix États arabes ont été évalués dans ce rapport, dont trois pays africains. Le Maroc devance l’Algérie et l’Égypte et arrive deuxième au classement général, juste derrière la Jordanie, et le Yémen est le dernier. La démocratie progresse dans peu de pays arabes.
Mardi 30 mars 2010 / par René Dassié
Interview de Salam Kawakibi, senior researcher à l’ARI, basé à Paris
Il a participé à la coordination et la mise en forme finale du rapport sur les réformes dans les pays arabes.
Afrik : Comment les rapports de l’ARI sont-ils accueillis dans les pays arabes ?
Salam Kawakibi : Au début, nous avons pensé que nos rapports pouvaient aider les décideurs, leur donner des outils de travail et de réflexion. Mais finalement, on s’est rendu compte que ces décideurs, la plupart du temps, ne lisent pas nos rapports. C’est plutôt les citoyens, les scientifiques, les activistes des droits de l’homme, les industriels, les gens qui travaillent dans la vie de tous les jours qui veulent avoir une idée de la perception du pays qui s’y intéressent véritablement. Peut-être développent-ils de leur côté des réflexions qui peuvent s’adresser à leurs décideurs. Mais peut-être aussi y-a-t-il des exceptions, des décideurs qui lisent nos travaux. Mais lorsqu’on observe les retombées de nos rapports, il y a plus d’impact sur la société civile, sur le corps scientifique que sur les décideurs.
Afrik : Qu’est-ce qui selon vous garantit la crédibilité de ces rapports ?
Salam Kawakibi : Tout d’abord, c’est le premier travail fait sur l’état de la démocratie dans les pays arabes par des équipes de recherche locales. Nous avons bien sûr des critères pour sélectionner ces équipes. Ce sont des chercheurs, des activistes des droits de l’homme qui prennent en considération la situation internationale, et bien sûr, se basent sur les documents, les lois – c’est le plus important, et l’application de ces lois. Ces gens-là sont crédibles au sein des organismes pour lesquels ils travaillent. Il y a des professeurs de sciences politiques, des avocats, etc. Ce n’est pas évident pour eux, mais ils arrivent à travailler sur des bases scientifiques. Ils ne prennent pas position. Mais cela va de soi, quand on lit les résultats de leurs travaux, les conclusions sont évidentes.
Afrik : pourquoi seulement trois pays arabes africains - l’Algérie, l’Égypte et le Maroc - sont-ils pris en compte ?
Salam Kawakibi : Nous aimerions bien avoir tous les autres pays dans ce rapport. Chaque année, nous étendons un peu plus notre rayon d’action. L’année dernière c’était huit pays. Cette année on en a dix. Comme vous le savez, la particularité de notre rapport c’est de ne pas se baser sur des informations venant de l’extérieur, mais de l’intérieur même des pays. Il faut pour cela que des conditions de travail permettent aux équipes de travailler de l’intérieur même des pays en toute indépendance, pour fournir des informations exactes, qu’elles soient positives ou négatives. Il y a donc des difficultés à collecter les informations ; des difficultés à repérer les chercheurs qui s’engageraient à faire ce travail indépendamment des institutions officielles.
Afrik : Est-ce à cause de ces difficultés que la Tunisie ne figure pas dans votre rapport ?
Salam Kawakibi : A vrai dire, nous n’avons pas essayé de travailler avec la Tunisie, parce que nous avons commencé avec les pays où il y a une possibilité de s’afficher en tant qu’initiative pour une réforme. Et il y a encore des pays où le seul mot « réforme » pose problème. Ils considèrent la réforme comme une ingérence extérieure alors que nous sommes une initiative arabo-arabe. Donc le mot fait peur. Mais nous espérons, et c’est vraiment un appel à nos collègues tunisiens, qu’ils adhèrent à notre initiative, que ce soit des institutions scientifiques ou des organisations non-gouvernementales, pour aider à développer ce rapport en Tunisie même, avec l’approbation des autorités. Nous ne cherchons pas à travailler contre la volonté des autorités. Mais nous ne voulons pas non plus être influencés par elles.
Afrik : Globalement peut-on dire que la démocratie avance dans le monde arabe ?
Salam Kawakibi : Malheureusement non. Il y a très peu de pays où il y a eu une progression. Il y a par contre beaucoup de pays dans lesquels il y a régression. C’est le cas de la Palestine et du Yemen.
Afrik : Comment vos travaux sont-ils financés ?
Salam Kawakibi : Le Centre arabe pour une réforme c’est plusieurs projets. Par exemple il y a des projets sur la situation de la femme, sur les jeunes. Chaque projet cherche ses financements. Mais je peux dire que nous sommes toujours indépendants de nos bailleurs. Nous ne faisons pas d’études suite à une demande. Nous faisons des projets qui sont ensuite soumis aux sponsors que sont les organismes de développement et les fondations.
Le Maroc est le premier pays arabe sur le continent africain, en termes de passage vers des institutions démocratiques. C’est la conclusion à laquelle est parvenu l’Initiative de Réforme Arabe (ARI), une institution qui mesure les efforts d’évolution démocratique dans le monde arabe. L’’objectif de ce travail : « Influencer le processus de transition démocratique en fournissant à ses défenseurs issus du monde arabe un système qui leur permette d’en surveiller de près l’évolution, dans une perspective comparative et dans la durée », d’après la note de présentation de son dernier rapport, qui a été dévoilé lundi à Paris, lors d’une rencontre avec la presse.
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