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L’émigration kabyle en France de Nadia Belaidi

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  • L’émigration kabyle en France de Nadia Belaidi

    Pour aborder l’émigration kabyle en France, Nadia Belaïdi a jugé utile d’organiser son étude en trois parties : les deux premières, "fondées sur une approche chronologique de l’émigration kabyle", la troisième aborde "la réappropriation culturelle et identitaire des populations migrantes et leurs enfants".

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    La notion d’immigration en France a toujours donné lieu à des discussions diverses et variées en raison de son importance tant du point de vue économique que démographique. Une importance telle que l’on ne voit l’immigré que comme servant à ces deux fins, rien de plus ou en tout cas pas grand chose. L’exemple qui semble être le plus parlant, car le plus ancien et celui qui a le mieux résisté aux différentes altérations sous l’effet du dépaysement, est celui des migrants kabyles.

    Les Kabyles, bien avant l’arrivée des Français, sillonnaient une grande partie de la terre berbère pour y exercer différents métiers mais ne se fixant que très rarement en dehors de la Kabylie. Cependant, ils étaient les premiers à s’exiler en France. La société kabyle étant essentiellement arboricultrice, les paysans complétaient leurs revenus par plusieurs industries artisanales (armes, bois, tissage,...). Ce peuple constitue un groupement humain bien distinct par un territoire propre, un mode de vie propre, une langue propre, une littérature et des traditions propres dont il est nécessaire de prendre connaissance pour comprendre les différents problèmes de l’Algérie "indépendante".

    Le malaise politique et social qu’a connu cette région d’Afrique du Nord après 1980 n’a fait qu’exacerber la revendication culturelle et identitaire des Kabyles cristallisée sur la berbérité. L’auteur s’est posé la question de savoir comment un peuple, en l’occurrence les Kabyles, attaché à sa liberté, peut cohabiter avec un système de gouvernement où le citoyen ne jouit d’aucune liberté individuelle ? L’affirmation identitaire des Kabyles passera donc par tous les édifices culturels que ce soit en Kabylie ou ailleurs.

    Pour aborder l’émigration kabyle en France, Nadia Belaïdi a jugé utile d’organiser son étude en trois parties : les deux premières, "fondées sur une approche chronologique de l’émigration kabyle", la troisième aborde "la réappropriation culturelle et identitaire des populations migrantes et leurs enfants". L’économie traditionnelle qui faisait vivre jusque là, même difficilement, les populations kabyles, n’a pas pu résister à l’économie capitaliste qu’a imposé la colonisation. Ceci a donc favorisé les départs vers la métropole qui en faisait systématiquement appel pour suppléer les déficits d’effectifs (avant, pendant ou après les deux guerres mondiales). D’une société exclusivement paysanne, les Kabyles deviennent donc de plus en plus prolétaires, ouvriers. Tout en s’exilant en France, les Kabyles se sont toujours concentrés géographiquement dans des zones plus ou moins bien distinctes, parfois en familles. Cette concentration n’est pas dissociable de la tradition solidaire des Kabyles (l’une étant fortement liée à l’autre) ce qui a donc assuré la préservation de l’élément ethnique kabyle et qui en fait la spécificité de l’émigration kabyle.

    L’auteur précise dans son ouvrage qu’au fur et à mesure des migrations et du contact avec le monde urbain, la tradition villageoise se remplaçait par un individualisme forcené et le mépris de la culture paysanne grandissait. A partir des années 1960, il s’est développé une émigration nord-africaine touchant toute la famille alors que jusque-là l’essentiel des immigrés était des hommes mariés “au” pays. Les femmes apparaissent de plus en plus dans les registres migratoires, même si, pour ce qui est de la Kabylie, les femmes apparaissent dès 1935. La présence de femmes, et donc d’enfants, enlève le caractère précaire et provisoire à l’émigration. Ainsi, pour les nouveaux ménages émigrés, le problème de la famille se posera en terme d’unité familiale (au sens famille nucléaire).

    Avec un père ayant vécu l’expérience de l’émigration, une mère placée en milieu inconnu, des enfants nés au "pays" d’autres nés "ici", l’auteur s’est demandé comment perpétuer l’unité d’une telle famille. Face à ce dilemme, la mère se trouvera, in facto, en position de médiateur pour pouvoir gérer les tensions pouvant naître dans ce climat.

    L’immigration étant un phénomène social total, le travail de Nadia Belaïdi a été ainsi au delà d’une étude qui réduit l’immigration à une simple force de travail. Et dans ce phénomène social total, la dimension culturelle est fondamentale.
    Il convient alors de se demander si les immigrants kabyles et leurs enfants vont conserver, même partiellement et en diaspora, leur identité défiant ainsi l’arabisation forcée que tentent les autorités de l’Etat algérien.

    Dans son ouvrage, l’auteur tente de montrer combien les immigrés kabyles de France apparaissent comme une chance pour perpétuer le combat pour la sauvegarde de leur culture au-delà de la Méditerranée.
    La création de l’Académie berbère en 1966, la création d’un enseignement de la langue et de la civilisation berbère à l’Université Paris VIII en 1973, les nombreuses publications et différents cours organisés notamment à Paris qui ont permis la mise en place d’un système d’écriture de la langue berbère, ... sont autant d’éléments qui nous prouvent que l’émigration est en effet un élément clé de l’action militante berbère jusque dans la chanson.
    Si les "anciens" ont fourni un travail non négligeable pour la sauvegarde de l’identité berbère, il n’en est pas de même des nouvelles générations avec lesquelles tout le travail est à refaire. Ces jeunes, nés et scolarisés en France, ont acquis ou se sont fabriqué des repères d’où puise l’auteur pour trouver l’identité des nouvelles générations.

    Le caractère métisse de l’identité des jeunes kabyles fait peser sur eux un certain poids du "choc des cultures". Entre des parents ouvriers attachés à leur culture et une société qui ne cesse de les inviter à l’intégrer, ces jeunes sont à cheval entre deux mondes jusque dans leur statut juridique. Il est tout de même à souligner que le choc des cultures ne signifie pas leur affrontement l’une contre l’autre mais plutôt leur évolution parallèle.
    D’après Nadia Belaïdi, la génération des années 80 a cru avoir trouvé la solution avec le mouvement «beur», mais ce dernier se révéla vite inopérant car, en s’appuyant sur l’exagération des différences, le mouvement dérive à la marginalité et, de là, à l’isolement et la disparition.

    Les jeunes des années 90, quant à eux, se revendiquent autant de culture kabyle que de culture française; ils sont convaincus de leur bi-culturalité.
    Aujourd’hui, la manifestation de la culture kabyle passe par plusieurs expressions; l’auteur en a retenues trois principales : les associations, la chanson et l’écriture. Chacun, à sa façon, défend cette culture qui, pourrait-on dire, survivra, peut être plus ou moins bien, aux différentes agressions qu’elle subit ici et là.

    Par la dépêche de Kabylie



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