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Maroc - Audit: L’onde de choc de Bruxelles

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    Audit: L’onde de choc de Bruxelles

    · Changement radical des règles d’indépendance en mars 2011

    · Les filiales des sociétés européennes, y compris au Maroc, concernées

    L’heure de la remise en question, voire des déchirements, a sonné pour le petit monde de l’audit. La sécousse arrive de Bruxelles. Dans un livre vert qu’elle vient de publier (prélude à une directive), la Commission pose la question qui fâche: comment se fait-il que les commissaires aux comptes ne se soient pas aperçus‡ du moindre indice de la crise qui a foudroyé le système financier international? Pour Bruxelles, c’est bien la question de l’indépendance des professionnels qui certifient les comptes des entreprises qui est en cause. Mais également, celle du modèle de la régulation de la profession.
    La pratique très courante au Maroc, qui consiste à intervenir chez le même client avec une double casquette d’auditeur et de conseil (même à travers deux filiales différentes) ne passera plus. Cela équivaut à se mettre en marge des règles d’incompatibilité, estime la Commission. Selon le projet de Bruxelles, il ne sera plus possible qu’un cabinet signe un bail à l’infini auprès du même client dont il audite les comptes. Il n’est pas en effet rare de voir des sociétés d’audit installées chez la même entreprise depuis plus d’une dizaine d’années.

    Trop forte concentration du marché


    Le texte de Bruxelles va au-delà de la rotation des auditeurs, il rend obligatoire la rotation des cabinets de commissariat aux comptes, explique Mohamed El Jirari, associé-gérant chez Audit & Conseil, affilié au réseau Audecia. Il s’agit donc d’injecter plus de concurrence et de compétition sur le marché de l’audit. Très clairement, ce sont les grands réseaux mondiaux qui sont visés. Comme un peu partout en Europe, les « big four» (PriceWaterhouseCoopers, KPMG, Deloitte et Ernst & Young) trustent 80% du marché au Maroc. Et 7 experts-comptables sur 10 n’ont qu’un ou pas du tout, de mandat de commissariat aux comptes, complète le président du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables, Abdellatif Bernossi.
    Par ailleurs, à court terme, le schéma d’autorégulation chez les commissaires aux comptes marocains est condamné, sauf à se mettre hors-jeu. La directive européenne est annoncée pour le premier trimestre 2011. Pour les professionnels de l’audit légal qui, au Maroc, est un monopole des experts comptables, c’est l’heure des interrogations, car les nouvelles règles seront applicables aux sociétés européennes, mais aussi, à l’ensemble de leurs filiales où qu’elles se trouvent dans le monde. Dans les faits, cela signifie que l’auditeur dont le profil ne sera pas conforme aux exigences de la «prophylaxie» contenues dans la directive européenne ne pourra pas prétendre assurer le commissariat aux comptes dans les filiales des sociétés européennes. Et s’écarter donc du marché.
    La course contre la montre est donc lancée. Sur la rotation des auditeurs, le Conseil national de l’Odre des experts-comptables a pris le devant en adoptant deux grandes décisions qui s’appliquent aux entités faisant appel public à l’épargne dès le mois de mars 2011, revèle son président. Le premier palier de l’obligation de rotation concerne les auditeurs. Dorénavant, le changement de signature du contrôleur des comptes sera obligatoire, et cela pour être en phase avec les pratiques internationales. Mais le projet de circulaire de l’Ordre des experts comptables n’en précise pas encore les modalités. Selon les indiscrétions qui circulent dans la profession, on s’achemine vers une rotation obligatoire des auditeurs au terme des deux mandats (soit 6 ans) et celle des cabinets n’interviendrait qu’au bout de quatre, soit 12 ans chez la même société.
    Sur le point concernant la régulation, l’abandon du modèle de contrôle par les pairs, et la création d’une structure de supervision des auditeurs n’est plus un tabou chez les professionnels marocains. Même si les instances de l’Ordre s’en défendent, il a fallu quand même la pression du projet de directive de Bruxelles. «Il y a une réflexion lancée pour la mise en place d’une autorité de régulation des auditeurs », lâche le président du Conseil national de l’Odre des experts-comptables. Le contrôle qualité des dossiers de commissariat aux comptes est assuré par les professionnels eux-mêmes. Un schéma qui, au sein même de la profession ne fait pas l’unanimité. Les critiques portent surtout sur le manque de crédibilité, de rigueur et de légéreté de ce processus, voire de la désinvolture avec laquelle il est appréhendé. A en croire, certains griefs internes, c’est tout sauf un véritable contrôle qualité.
    Un peu partout en Europe, suivant en cela le schéma post-Enron lancé par les Etats-Unis (la fameuse loi Sarbanes-Oxley), le travail des commissaires aux comptes est placé sous la supervision d’une autorité indépendante de régulation, comme le H3C en France par exemple. Ce modèle de supervision est entrain de devenir un passeport international.
    A l’heure où on reproche aux agences de notation de n’avoir pas vu venir la crise, les CAC l’ont encore moins prédit. Les cabinets d’expert se doivent de gérer leur conflit d’intérêt, car ils assument une mission légale. Les audits constituent une garantie juridique pour les actionnaires, les investisseurs et tous les tiers de l’entreprise, aussi leur indépendance devrait être le fondement déontologique de la profession. Les CAC sont choisis et payés par les structures soumises à l’audit, ce qui créé une distorsion au sein du système. Conséquence, la commission envisage la mise en place d’une organisation où l’audit serait une inspection légale, la désignation, la rémunération et la durée de l’engagement de l’auditeur relevant d’un tiers, peut être une autorité de régulation, au lieu de la société elle même. L’audit représente une charge importante pour les petites et moyennes entreprises, malgré sa grande valeur ajoutée en termes de crédibilité de l’information financière. Ne voulant pas faire de l’audit une trop lourde charge financière pour les PME, la commission envisage la création d’un environnement spécifique. Ce modèle nécessite que l’auditeur suive une procédure restreinte afin de déceler les déclarations inexactes dues à l’erreur ou la fraude.

    Faire la place aux petits cabinets

    DANS une étude menée en 2006 par la commission, 31% des entreprises participantes déclarent qu’elles n’ont pas changé d’auditeur depuis plus de 15 ans. Dans ce contexte la proposition est d’envisager une rotation obligatoire des cabinets d’audit. Cette mesure aurait comme souci d’insuffler objectivité et dynamisme sur le marché de l’audit. Pour éviter que les cabinets ne changent de société pour emmener avec eux certains clients, les règles de rotation, si elles sont adoptées, devraient garantir que non seulement les sociétés mais aussi les cabinets seraient soumis à la rotation. Idéalement, les auditeurs ne devraient pas avoir d’intérêt professionnel dans la société contrôlée puisqu’ils formulent un avis indépendant sur leur santé financière. La principale réforme, qui ne fera pas que des heureux au sein de la profession, est la réglementation du barème des honoraires. Ainsi il serait prévu de limiter la proportion des honoraires qu’un cabinet d’audit peut recevoir d’un seul client par rapport à l’ensemble de ses revenus d’audit. La loi du plus fort est toujours gagnante et le marché de l’audit ne fait pas exception. 4 cabinets d’audit incontournables semblent être une assurance de performance. Néanmoins, une telle concentration pourrait entraîner une accumulation de risques systématiques, l’effondrement de l’une de ces sociétés conduisant à perturber l’ensemble du marché. L’exemple d’Arthur Andersen est là pour illustration. Par ailleurs, les sociétés qui ne font pas partie des « Big Four » continuent de pâtir d’un manque de reconnaissance de leurs capacités de la part des plus grandes entreprises. La commission souhaite dés lors réfléchir à l’opportunité d’établir des audits conjoint/consortiums d’audit. Seules les compagnies cotées en bourse ont la nécessité de faire certifier leurs comptes par deux commissaires indépendants. Cette mesure devrait s’étendre aux sociétés de taille moyenne pour devenir des acteurs de poids. La commission envisage d’introduire la formation obligatoire d’un consortium de cabinets d’audit comptant au moins une société d’audit n’ayant pas une importance systémique pour les audits des grandes entreprises. La notion d’audit conjoint pourrait aussi constituer un moyen d’éviter les turbulences sur le marché de l’audit si l’un des grands réseaux d’audit faisait faillite.

    Il.B/A.S.

    l’économiste
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