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L'estime de soi fait-elle vendre des petites culottes?

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  • L'estime de soi fait-elle vendre des petites culottes?

    SLATE

    Aimons-nous comme nous sommes et faisons le savoir! Des gueules, des gros, des rides, des plis dans les campagnes de pub? Les vraies gens seraient-elles devenues un argument de vente?


    Depuis quelques temps, l'industrie de la mode et celle des cosmétiques multiplient les signaux en faveur d'une plus grande diversité de la beauté. Plus forcément besoin d'être un mannequin professionnel affamé, aux nichons rebondis et à la «perfection» photoshopée qui ferait passer un sharpei pour un teckel à poils ras, pour incarner une marque.

    On appelle ça la «beauté réelle» et en la matière, il y a bien sûr eu le tournant Dove et ses femmes «normales». Des femmes de tous les âges, de toutes les couleurs, avec leur ventres grassouillets, leurs hanches, leurs peaux fripées, leurs complexes, leurs défauts assumés et placardés sur les abris de bus et dans les stations de métro du monde entier, comme autant de pieds de nez aux standards formatés de la beauté. Depuis 2004, la marque de savons mise toute sa communication sur la beauté réelle et sur la provoc. Les castings de ses campagnes publicitaires sont réservés à des femmes qui ne sont ni comédiennes ni mannequins professionnels. La dernière en date, Campagne pour toutes les beautés, a même vu la création d'un fonds pour promouvoir l'estime de soi, en particulier auprès des jeunes filles: «Acceptez votre corps, acceptez votre différence».

    Rendue célèbre par ses campagne publicitaires mères-filles, Comptoir des Cotonniers joue également la carte des vraies femmes et de la vraie vie, de la transmission, bref de la chair et des émotions. La marque de prêt-à-porter féminin organise régulièrement des castings dans ses boutiques. Ok, les binômes retenus sont rarement moches et/ou adipeuses mais après tout, dans la vraie vie aussi il y a des jolies filles non? La marque American Apparel en est tellement convaincue qu'elle vient à son tour de se laisser séduire par les sirènes de la «real beauty»: ses clients, hommes et femmes, sont invités à envoyer des photos d'eux pour alimenter son catalogue et peut-être participer à la prochaine campagne publicitaire de la marque «made in Downtown Los Angeles». Pour le coup, malgré le tampon «amateur», les photos affichées sur le site sont carrément sexy et ne semblent pas vraiment refléter une approche diversifiée de la beauté. Mais là encore, pas de trucage, que du réel, que du vécu, juste une petite sélection.
    L'effet miroir, plus prescripteur que la quête d'un idéal stéréotypé irréaliste ?

    C'est connu, les créateurs ont toujours puisé une partie de leur inspiration dans la rue. Mais aujourd'hui, on croule sous les préceptes de la «street fashion». Les blogs anglo-saxons comme The Sartorialist, Face Hunter, ou français comme Garance Doré, ont été les premiers à miser sur ce vivier, en s'amusant à shooter sur le vif des piétons dans la rue. Des quidams lookés, repérés pour leur personnalité, leur originalité; voire leur excentricité (à une époque où l'on entendait justement pas mal de gens regretter le conformisme de la mode et des pensées). Grazia (le petit nouveau de la presse féminine people) et ELLE ont récemment suivi le mouvement en créant des pages hebdomadaires Street Style.

    Bon, c'est sûr, en matière de promotion de la real beauty, la presse féminine a encore du pain sur la planche. Ce ne sont pas les numéros de ELLE spécial « Stars sans fards » (Sophie Marceau, Monica Bellucci et les 5 autres stars qui s'étaient prêtées au jeu des photos «beauté vérité», sans maquillage ni retouche, étant d'ailleurs jugées «beaucoup plus jolies sans rouge à lèvres» par mon mari) ou spécial «Etre ronde c'est chic» (illustré par la plantureuse mannequin Crystal Renn) qui suffisent à faire oublier les vêtements taille - 2 et la dictature de la maigreur dans la mode. On n'est pas prêt de voir beaucoup de rondes défiler sur les podiums de la haute-couture, ces rondes dont Karl Lagerfeld ne veut pas justement, ce qu'il ne s'est pas privé de dire en réaction à l'initiative spectaculaire du magazine allemand Brigitte. Le féminin le plus vendu outre-Rhin a en effet décidé de bannir (à partir de 2010) les mannequins professionnels de ses pages, «fatigué» de gommer, illuminer, lisser leurs visages et leurs silhouettes décharnées, à coup de Photoshop, et assure qu'à l'avenir, ce sont les lectrices qui poseront dans ses pages pour illustrer des articles de mode et de beauté. Coup de pub ou vraie prise de conscience ? Cette annonce fait en tout cas écho à la proposition de loi déposée en France par la députée UMP Valérie Boyer, en septembre dernier, pour imposer que la mention «Photographie retouchée afin de modifier l'apparence corporelle d'une personne» soit accolée à toutes les photos publicitaires ayant fait l'objet d'un retraitement informatique. Voire même à «toutes les photographies diffusées dans la presse écrite». Mais alors là, autant dire que la presse people (et pas que) devrait vite réviser ses méthodes...
    La revanche des rondes

    C'est simple, même la chick lit, la littérature pour poulettes modernes, s'engouffre dans la real beauty. Alors qu'une étude a récemment révélé que les Français (surtout les Françaises d'ailleurs) sont de plus en plus gros, les éditeurs annoncent une déferlante d'héroïnes en surpoids en provenance des Etats-Unis et d'Angleterre, des héroïnes qui en ont soupé des régimes et qui assument leurs kilos au point d'être des obèses heureuses. Le phénomène est tel que l'éditeur américain Mills & Boon a rebaptisé le genre d'un « bigger chick lit » !

    Pas étonnant dans ce contexte qu'une agence new-yorkaise spécialisée dans le casting de gens si ce n'est «normaux» - en tout cas dont la beauté n'est pas traditionnelle - connaisse un succès grandissant depuis sa création en juin 2007. Ugly NY, c'est son nom (c'est en fait la petite sœur d'une agence anglaise éponyme fondée en 1969: y'a rien à faire, les Brits auront toujours une longueur d'avance quand il s'agit d'originalité), permet de booker des modèles amateurs: des petits, des grands, des géants, des maigres, des gros, des chauves, des hirsutes, des avec un look de biker piercé et tatoué, des vieilles dames coquettes, des drag queens, bref des excentriques mais aussi des vraies gens avec des vrais morceaux dedans, des tronches de la rue, qui intéressent des marques telles que JVC, Nokia, Levi's ou encore Ed Hardy.

    Pour toutes ces raisons, même imparfaites (nous vivons encore dans un monde où le standard de la beauté - même au Brésil, pays métissé s'il en est - reste la très blonde et très stéréotypée Gisele Bündchen), je ne peux pas m'empêcher de me dire, alors que des marques grand public comme Ikea, McDonald's ou Coca-Cola surfent manifestement sur la vague «boostons l'ego de nos clients» en les mettant en avant dans leurs campagnes publicitaires, qu'un petit vent rafraichissant de diversité souffle sur le monde du marketing. Même si c'est opportuniste, c'est comme pour le «bonjour-sourire-greffé-aux-lèvres-what-can-i-do-for-you-today-sir?» de la serveuse américaine : on n'est pas dupe, mais ça fait du bien.

    Laure Watrin
    « Ça m'est égal d'être laide ou belle. Il faut seulement que je plaise aux gens qui m'intéressent. »
    Boris Vian
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