La majorité des médias arabes souvent financés par les pétrodollars deviennent muets lorsqu'il s'agit de couvrir les révoltes secouant l'Arabie saoudite et les pays du Golfe, déplore le directeur du quotidien pan-arabe Al-Quds al-Arabi.
17.03.2011 | Abdelbari Atouan | Al-Quds Al-Arabi
courrierinternational
Lorsque la journaliste de la BBC Sue Lloyd Roberts a demandé à un responsable de l'ambassade saoudienne à Londres si l'Arabie saoudite risquait elle aussi d'être ébranlée par des mouvements d'opposition, celui-ci lui a rétorqué avec un large sourire que les manifestations n'y auraient pas le même impact qu'ailleurs "parce qu'aucune chaîne de télévision n'osera couvrir l'événement comme en Tunisie, en Egypte ou en Libye".
J'ai repensé à cette phrase en zappant sur mon petit écran à la recherche de reportages sur les manifestations dans le royaume saoudien, ou sur les forces de l'ordre qui avaient été déployées massivement afin de les étouffer dans l'œuf. En vain. Tout ce que j'ai trouvé était des informations laconiques, sans images, sur des manifestations qui ont eu lieu dans l'Est du pays, là où vit la minorité chiite saoudienne.
Sue Lloyd Roberts avait obtenu un visa, après six mois d'attente, pour faire un reportage sur les femmes en Arabie saoudite. Elle s'était donc trouvée dans le pays quand elle avait appris qu'il se passait des choses dans l'Ahsa [Est saoudien]. Elle s'y était rendue et avait pu observer. Toutefois, la chance n'avait pas été avec elle jusqu'au bout, puisque des hommes des forces de l'ordre s'étaient rués sur elle et sur son caméraman pour confisquer la carte mémoire avec les images et pour amener les deux à Riyad, puis de les mettre dans le premier avion vers Londres.
Cela montre qu'il existe deux sortes de révoltes, les "bonnes" et les "scélérates". Il faut soutenir ouvertement les premières, mais taire et circonscrire les secondes. Ainsi, les manifestants bahreïnis se plaignent amèrement que les médias arabes ne s'intéressent pas à eux alors qu'ils se battent pour les mêmes raisons qu'avant eux les Tunisiens, les Egyptiens et les Libyens.
Peut-on leur objecter que les formes pacifiques de protestation qu'ils ont choisies ne sont pas assez télégéniques ? Faut-il donc que le sang coule pour qu'on s'intéresse à un pays ? Le cas du Yémen illustre que ce n'est pas la bonne explication. Non seulement le sang y coule quotidiennement, mais en plus, un nombre impressionnant de manifestants plaiderait en faveur d'une intense couverture médiatique. Et pourtant, là aussi, l'opposition se désole que cela ne suffit apparemment pas pour alimenter les chaînes satellitaires arabes.
La situation la plus étrange concerne l'Oman qui a connu plusieurs manifetstaions de jeunes réclamant des réformes. Ce pays offre pourtant les ingrédients nécéssaires pour intéresser les médias: du pétrole, de la pauvreté et du chômage aussi et [une situation géostratégique de grande importance] Il n'en a rien été.
Tous ces pays connaissent des mouvements de protestations, et en connaîtront d'autres à l'avenir. Pourquoi les laisser orphelins de la couverture médiatique ?
17.03.2011 | Abdelbari Atouan | Al-Quds Al-Arabi
courrierinternational
Lorsque la journaliste de la BBC Sue Lloyd Roberts a demandé à un responsable de l'ambassade saoudienne à Londres si l'Arabie saoudite risquait elle aussi d'être ébranlée par des mouvements d'opposition, celui-ci lui a rétorqué avec un large sourire que les manifestations n'y auraient pas le même impact qu'ailleurs "parce qu'aucune chaîne de télévision n'osera couvrir l'événement comme en Tunisie, en Egypte ou en Libye".
J'ai repensé à cette phrase en zappant sur mon petit écran à la recherche de reportages sur les manifestations dans le royaume saoudien, ou sur les forces de l'ordre qui avaient été déployées massivement afin de les étouffer dans l'œuf. En vain. Tout ce que j'ai trouvé était des informations laconiques, sans images, sur des manifestations qui ont eu lieu dans l'Est du pays, là où vit la minorité chiite saoudienne.
Sue Lloyd Roberts avait obtenu un visa, après six mois d'attente, pour faire un reportage sur les femmes en Arabie saoudite. Elle s'était donc trouvée dans le pays quand elle avait appris qu'il se passait des choses dans l'Ahsa [Est saoudien]. Elle s'y était rendue et avait pu observer. Toutefois, la chance n'avait pas été avec elle jusqu'au bout, puisque des hommes des forces de l'ordre s'étaient rués sur elle et sur son caméraman pour confisquer la carte mémoire avec les images et pour amener les deux à Riyad, puis de les mettre dans le premier avion vers Londres.
Cela montre qu'il existe deux sortes de révoltes, les "bonnes" et les "scélérates". Il faut soutenir ouvertement les premières, mais taire et circonscrire les secondes. Ainsi, les manifestants bahreïnis se plaignent amèrement que les médias arabes ne s'intéressent pas à eux alors qu'ils se battent pour les mêmes raisons qu'avant eux les Tunisiens, les Egyptiens et les Libyens.
Peut-on leur objecter que les formes pacifiques de protestation qu'ils ont choisies ne sont pas assez télégéniques ? Faut-il donc que le sang coule pour qu'on s'intéresse à un pays ? Le cas du Yémen illustre que ce n'est pas la bonne explication. Non seulement le sang y coule quotidiennement, mais en plus, un nombre impressionnant de manifestants plaiderait en faveur d'une intense couverture médiatique. Et pourtant, là aussi, l'opposition se désole que cela ne suffit apparemment pas pour alimenter les chaînes satellitaires arabes.
La situation la plus étrange concerne l'Oman qui a connu plusieurs manifetstaions de jeunes réclamant des réformes. Ce pays offre pourtant les ingrédients nécéssaires pour intéresser les médias: du pétrole, de la pauvreté et du chômage aussi et [une situation géostratégique de grande importance] Il n'en a rien été.
Tous ces pays connaissent des mouvements de protestations, et en connaîtront d'autres à l'avenir. Pourquoi les laisser orphelins de la couverture médiatique ?
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