extraits :
Très attendue, la nouvelle biographie de Hassan II, qui vient d’être publiée en cours de semaine à Paris, explore toutes les facettes d’un personnage fascinant. Extraits.
Baisemain précoce
Président d’honneur à l’âge de 4 ans du mouvement scout créé en 1933 à Salé, colonel de la Garde sultanienne à l’âge de 7 ans, le jeune prince a tendance à se prendre un peu au sérieux. De fait, le sultan ne ménage guère le prince : “Mon fils, je t’ai observé tout à l’heure lorsque tu traversais la place devant le palais et que tu tendais ta main à baiser.
Tu ne semblais pas ressentir la moindre gêne et, au contraire, y prendre du plaisir. A l’avenir, n’oublie jamais de retirer la main que l’on veut embrasser. Sache que l’attachement témoigné à notre famille étant d’ordre spirituel et moral, il ne saurait être exprimé par un baisemain”.
Sens interdit ? Connais pas !
En mai 1950, un policier indique à sa hiérarchie avoir “sifflé une voiture qui s’engageait à vive allure en sens interdit, boulevard du général Leclerc à Rabat”. “La voiture, poursuit l’agent, s’est arrêtée puis a fait marche arrière, manquant de me renverser si je ne m’étais pas écarté. Je me suis approché du conducteur, l’ai salué et lui ai dit : “Monsieur, vous ne voyez pas la plaque de sens interdit ?”. Ce monsieur m’a répondu d’un ton arrogant : “Non, je ne la vois pas. Et même si je l’avais vue, qu’est-ce que vous voulez ?”. Devant l’attitude de ce monsieur, je l’ai invité à se ranger à droite et à me présenter ses papiers : il s’agissait de son altesse impériale Moulay Hassan ! Je lui ai rendu son permis, m’excusant de ne pas l’avoir reconnu. Et il est reparti… en empruntant le sens interdit”.
Touche pas à ma sœur !
En mai 1952, un haut responsable de la police française à Oujda relate qu’un déplacement du Wydad de Casablanca, club de foot, lui a permis d’apprendre un scandale touchant à la famille du sultan : “Un ami de Moulay Hassan a ramené il y a quelques jours de Casablanca deux Européennes qu’il a déposées chez le prince. Moulay Hassan leur proposa de les emmener aux Sables d’or, près de Témara, à une dizaine de kilomètres de Rabat. En arrivant, Moulay Hassan fut absolument médusé d’apercevoir dans la salle sa sœur, Lalla Aïcha, en train de danser. Entrant dans une colère violente, il sortit son revolver pour abattre sa sœur. Mais un “nègre” (sic) qui les accompagnait intervint pour l’empêcher de tirer et parvint à le maîtriser en lui faisant entendre qu’abattre sa sœur, c’était commettre un geste qui pourrait coûter le trône à son père... Lalla Aïcha profita de la confusion qui suivit pour disparaître avec son amant et filer à toute vitesse sur Rabat. Elle alla trouver sa mère et lui raconta qu’elle était sortie prendre l’air avec sa gouvernante française et qu’au cours de la promenade elle avait rencontré Moulay Hassan en état d’ébriété, en compagnie de deux femmes de Casablanca. La mère prit fait et cause pour sa fille et se rendit chez le sultan, qu’elle informa du scandale. Mohammed V fit mander sur le champ Moulay Hassan et lui adressa les pires reproches. Il le mit en demeure de ne plus revoir sa sœur. Dans la bagarre, Moulay Abdellah prit lui aussi le parti de Lalla Aïcha. L’affaire fit beaucoup de bruit à Casablanca, où l’incident est connu dans tous les milieux bourgeois”.
Une farce de mauvais goût
Peu de temps après avoir pris le pouvoir, Hassan II se rend à Fès, la capitale spirituelle, afin de sacraliser son intronisation. C’est l’occasion des grandes festivités. Après celui des hommes vient le jour consacré aux réjouissances réservées aux femmes, toujours en présence du roi. Les épouses des ministres, des dignitaires du royaume, des ambassadeurs des pays arabes, des notables de haut rang partagent les joyeuses agapes avec les membres de la famille royale. A la fin du repas, on amène le gâteau du roi, une monumentale pâtisserie. Bientôt, toutes ces femmes sont prises de malaises, vomissent, s’agitent, convulsent dans ce que le docteur François Cléret qualifie de “manifestations de délire onirique”. “Ce furent, se souvient le vieux médecin, deux journées épouvantables. Les épouses des ambassadeurs arabes étaient compromises… Le gâteau était drogué. Je me débattais seul au milieu de deux cents femmes ! Il a fallu qu’avec mon chauffeur nous dévalisions le plus discrètement possible les pharmacies de Fès pour récupérer un antidote à base d’atropine et tous les contre-poisons disponibles. C’est Hassan II qui était à l’origine de cette malheureuse initiative, et il ne pensait pas que cette grosse farce prendrait une telle ampleur. Je commençais à découvrir le nouveau roi”.
Docteur Hassan II
Régulièrement entouré de spécialistes marocains ou étrangers, Hassan II est obsédé par sa santé. Dans un entretien accordé à la revue italienne Class, il affirme même avoir étudié la médecine “durant ses deux années et demie d’exil à Madagascar, mais sans suivre de cours réguliers, puisqu’en ce temps-là il n’y avait pas de faculté de médecine sur l’île. Un médecin qui serait en même temps juriste serait un homme particulièrement brillant. Malheureusement, je n’ai pu le réaliser”. Il lui arrive fréquemment d’appeler François Cléret aux quatre coins du palais “pour des motifs futiles : prise de tension artérielle, avis sur un problème de santé, exposé sur une période d’histoire du pays, et cela au milieu d’une assemblée de ministres ou de personnalités étrangères étonnées mais respectueuses”. Un jour, une cousine de la mère du roi, souffrant de douleurs abdominales, est “examinée” par Hassan II, qui conclut à une appendicite aiguë. Il convoque le docteur et le met en demeure de l’opérer. “J’eus beaucoup de mal à lui épargner cette intervention inutile. Tout se calma d’ailleurs avec un antibiotique. Le roi fut néanmoins très affecté par ma réaction et m’ignora pendant plusieurs jours”. Ce n’était pas la première fois que le souverain imposait un traitement à l’un de ses proches. Déjà, son cousin Moulay Ali s’étant plaint d’une douleur à la jambe, Hassan II avait “diagnostiqué” une fracture à la cuisse et contraint un chirurgien marocain à immobiliser le malheureux dans un plâtre monumental pendant un mois !
On ne rigole pas avec le roi !
L’humour n’est pas le trait dominant de la personnalité hassanienne, même si les courtisans qui l’entourent ne manquent pas une occasion de s’esclaffer à la moindre saillie du “patron”. Son manque d’humour a peut-être même provoqué des drames. En tout cas, François Cléret est persuadé d’en avoir évité un : “Une année, à la fin du mois de ramadan, le roi avait invité sa cour dans sa villa de Souissi. Etchika Chourou, qu’il revoyait régulièrement, était présente, et avait ramené de Paris Marc, un gay très drôle et très intelligent. On sert une tête de veau : “Ah, dit Marc, cela me rappelle quelqu’un !”, et se tourne vers Hassan II. Celui-ci prend très mal cette plaisanterie quelque peu déplacée. Il a l’air furieux et fait un petit signe de tête, comme il lui arrivait souvent. Quatre gardes du corps se jettent alors sur le malheureux et s’apprêtent à le défenestrer. J’ai regardé le roi avec beaucoup de sévérité. Je suis convaincu que j’ai sauvé la vie du type. Antiquaire de son métier, Marc m’a fait cadeau par la suite de deux belles lampes…”.
Tel quel
Très attendue, la nouvelle biographie de Hassan II, qui vient d’être publiée en cours de semaine à Paris, explore toutes les facettes d’un personnage fascinant. Extraits.
Baisemain précoce
Président d’honneur à l’âge de 4 ans du mouvement scout créé en 1933 à Salé, colonel de la Garde sultanienne à l’âge de 7 ans, le jeune prince a tendance à se prendre un peu au sérieux. De fait, le sultan ne ménage guère le prince : “Mon fils, je t’ai observé tout à l’heure lorsque tu traversais la place devant le palais et que tu tendais ta main à baiser.
Tu ne semblais pas ressentir la moindre gêne et, au contraire, y prendre du plaisir. A l’avenir, n’oublie jamais de retirer la main que l’on veut embrasser. Sache que l’attachement témoigné à notre famille étant d’ordre spirituel et moral, il ne saurait être exprimé par un baisemain”.
Sens interdit ? Connais pas !
En mai 1950, un policier indique à sa hiérarchie avoir “sifflé une voiture qui s’engageait à vive allure en sens interdit, boulevard du général Leclerc à Rabat”. “La voiture, poursuit l’agent, s’est arrêtée puis a fait marche arrière, manquant de me renverser si je ne m’étais pas écarté. Je me suis approché du conducteur, l’ai salué et lui ai dit : “Monsieur, vous ne voyez pas la plaque de sens interdit ?”. Ce monsieur m’a répondu d’un ton arrogant : “Non, je ne la vois pas. Et même si je l’avais vue, qu’est-ce que vous voulez ?”. Devant l’attitude de ce monsieur, je l’ai invité à se ranger à droite et à me présenter ses papiers : il s’agissait de son altesse impériale Moulay Hassan ! Je lui ai rendu son permis, m’excusant de ne pas l’avoir reconnu. Et il est reparti… en empruntant le sens interdit”.
Touche pas à ma sœur !
En mai 1952, un haut responsable de la police française à Oujda relate qu’un déplacement du Wydad de Casablanca, club de foot, lui a permis d’apprendre un scandale touchant à la famille du sultan : “Un ami de Moulay Hassan a ramené il y a quelques jours de Casablanca deux Européennes qu’il a déposées chez le prince. Moulay Hassan leur proposa de les emmener aux Sables d’or, près de Témara, à une dizaine de kilomètres de Rabat. En arrivant, Moulay Hassan fut absolument médusé d’apercevoir dans la salle sa sœur, Lalla Aïcha, en train de danser. Entrant dans une colère violente, il sortit son revolver pour abattre sa sœur. Mais un “nègre” (sic) qui les accompagnait intervint pour l’empêcher de tirer et parvint à le maîtriser en lui faisant entendre qu’abattre sa sœur, c’était commettre un geste qui pourrait coûter le trône à son père... Lalla Aïcha profita de la confusion qui suivit pour disparaître avec son amant et filer à toute vitesse sur Rabat. Elle alla trouver sa mère et lui raconta qu’elle était sortie prendre l’air avec sa gouvernante française et qu’au cours de la promenade elle avait rencontré Moulay Hassan en état d’ébriété, en compagnie de deux femmes de Casablanca. La mère prit fait et cause pour sa fille et se rendit chez le sultan, qu’elle informa du scandale. Mohammed V fit mander sur le champ Moulay Hassan et lui adressa les pires reproches. Il le mit en demeure de ne plus revoir sa sœur. Dans la bagarre, Moulay Abdellah prit lui aussi le parti de Lalla Aïcha. L’affaire fit beaucoup de bruit à Casablanca, où l’incident est connu dans tous les milieux bourgeois”.
Une farce de mauvais goût
Peu de temps après avoir pris le pouvoir, Hassan II se rend à Fès, la capitale spirituelle, afin de sacraliser son intronisation. C’est l’occasion des grandes festivités. Après celui des hommes vient le jour consacré aux réjouissances réservées aux femmes, toujours en présence du roi. Les épouses des ministres, des dignitaires du royaume, des ambassadeurs des pays arabes, des notables de haut rang partagent les joyeuses agapes avec les membres de la famille royale. A la fin du repas, on amène le gâteau du roi, une monumentale pâtisserie. Bientôt, toutes ces femmes sont prises de malaises, vomissent, s’agitent, convulsent dans ce que le docteur François Cléret qualifie de “manifestations de délire onirique”. “Ce furent, se souvient le vieux médecin, deux journées épouvantables. Les épouses des ambassadeurs arabes étaient compromises… Le gâteau était drogué. Je me débattais seul au milieu de deux cents femmes ! Il a fallu qu’avec mon chauffeur nous dévalisions le plus discrètement possible les pharmacies de Fès pour récupérer un antidote à base d’atropine et tous les contre-poisons disponibles. C’est Hassan II qui était à l’origine de cette malheureuse initiative, et il ne pensait pas que cette grosse farce prendrait une telle ampleur. Je commençais à découvrir le nouveau roi”.
Docteur Hassan II
Régulièrement entouré de spécialistes marocains ou étrangers, Hassan II est obsédé par sa santé. Dans un entretien accordé à la revue italienne Class, il affirme même avoir étudié la médecine “durant ses deux années et demie d’exil à Madagascar, mais sans suivre de cours réguliers, puisqu’en ce temps-là il n’y avait pas de faculté de médecine sur l’île. Un médecin qui serait en même temps juriste serait un homme particulièrement brillant. Malheureusement, je n’ai pu le réaliser”. Il lui arrive fréquemment d’appeler François Cléret aux quatre coins du palais “pour des motifs futiles : prise de tension artérielle, avis sur un problème de santé, exposé sur une période d’histoire du pays, et cela au milieu d’une assemblée de ministres ou de personnalités étrangères étonnées mais respectueuses”. Un jour, une cousine de la mère du roi, souffrant de douleurs abdominales, est “examinée” par Hassan II, qui conclut à une appendicite aiguë. Il convoque le docteur et le met en demeure de l’opérer. “J’eus beaucoup de mal à lui épargner cette intervention inutile. Tout se calma d’ailleurs avec un antibiotique. Le roi fut néanmoins très affecté par ma réaction et m’ignora pendant plusieurs jours”. Ce n’était pas la première fois que le souverain imposait un traitement à l’un de ses proches. Déjà, son cousin Moulay Ali s’étant plaint d’une douleur à la jambe, Hassan II avait “diagnostiqué” une fracture à la cuisse et contraint un chirurgien marocain à immobiliser le malheureux dans un plâtre monumental pendant un mois !
On ne rigole pas avec le roi !
L’humour n’est pas le trait dominant de la personnalité hassanienne, même si les courtisans qui l’entourent ne manquent pas une occasion de s’esclaffer à la moindre saillie du “patron”. Son manque d’humour a peut-être même provoqué des drames. En tout cas, François Cléret est persuadé d’en avoir évité un : “Une année, à la fin du mois de ramadan, le roi avait invité sa cour dans sa villa de Souissi. Etchika Chourou, qu’il revoyait régulièrement, était présente, et avait ramené de Paris Marc, un gay très drôle et très intelligent. On sert une tête de veau : “Ah, dit Marc, cela me rappelle quelqu’un !”, et se tourne vers Hassan II. Celui-ci prend très mal cette plaisanterie quelque peu déplacée. Il a l’air furieux et fait un petit signe de tête, comme il lui arrivait souvent. Quatre gardes du corps se jettent alors sur le malheureux et s’apprêtent à le défenestrer. J’ai regardé le roi avec beaucoup de sévérité. Je suis convaincu que j’ai sauvé la vie du type. Antiquaire de son métier, Marc m’a fait cadeau par la suite de deux belles lampes…”.
Tel quel
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