Alassane Ouattara a promis ce lundi qu'il engagerait des poursuites judiciaires contre Laurent Gbagbo. Le procureur de la CPI souhaite, lui, ouvrir une enquête préliminaire à toutes poursuites, pour définir les crimes de chaque camp. Mais au final qui est compétent pour juger le clan Gbagbo ?
Alassane Ouattara semble privilégier la justice ivoirienne
Actuellement, comme le précise Jean-Marie Fardeau, directeur de Human Rights Watch à Paris, aucune charge n'est retenue contre l'ancien président Laurent Gbagbo. En cas de charges vérifiées, et selon le principe de subsidiarité, c'est à la justice interne du pays où ont été commis des crimes de se saisir d'un dossier de cette nature. Mais si, dans le cas de la Côte d'Ivoire, au cours de l'examen préliminaire engagé par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo, il est constaté que l'appareil judiciaire ivoirien n'est pas capable d'instruire efficacement le dossier, alors à ce moment là uniquement, la procédure de saisine de la CPI pourra être enclenchée.
"A l'heure actuelle, après plus de dix ans de gouvernement Gbagbo, la justice ivoirienne n'est pas en mesure de traiter le dossier. Cependant, Alassane Ouattara entreprend aujourd'hui, de concert avec son ministre de la Justice, de réguler le domaine judiciaire", assure Jean-Paul Benoit, un des avocats du nouveau président. De plus, "la CPI prendra sans conteste tout son temps pour voir si l'administration Ouattara est capable de traiter le dossier ou non", affime Jean-Marie Fardeau, dont l'organisation avait dès 2004 souligné dans un rapport la nécessité de faire intervenir une justice internationale dans le dossier ivoirien. Prudence et patience sont de mise.
Par ailleurs, comme le précise Jean-Paul Benoit, la législation ivoirienne ne permet pas l'extradition d'un président accusé de crimes dans son pays. "Laurent Gbagbo ne pourra pas quitter le territoire, sauf si un mandat d'arrêt l'y oblige. Ainsi, il ne fait aucun doute qu'il sera jugé par la justice ivoirienne." Et Roland Dumas, un des rares socialistes à soutenir encore Laurent Gbagbo, a déjà annoncé sur France Inter le 12 avril, qu'il pourrait le défendre dans le cadre d'un futur procès.
Selon ce même avocat, il semble qu'Alassane Ouattara penche vers cette solution interne. En témoigne l'annonce le 13 avril du lancement de poursuites judicaires à l'encontre de Laurent Gbagbo. Pour Gauthier Rybinski, spécialiste politique de France 24, "ce procès doit symboliser la première pierre à poser pour élever un État de droit, il doit être un pas vers la réconciliation prônée par Ouattara".
En revanche, pour assurer la bonne conduite des procédures, "la justice ivoirienne devra être secondée par des ONG ou des institutions indépendantes au cours de toutes les phases du procès, insiste Jean-Paul Benoit. Ce que Alassane Ouattara souhaite aujourd'hui, c'est qu'il n'y aie pas d'empressement ni aucun système expéditif. Il veut attendre les conclusions de toutes les commissions d'enquêtes mises sur pied ces derniers jours. (voir encadré)." "La justice ivoirienne devra être appuyée techniquement, juridiquement et financièrement par des organismes internationaux. Il faudra sans aucun doute mettre la main à la poche pour par exemple faire en sorte que les Ivoiriens aient accès au procès via la télévision, comme ce fut le cas en République démocratique du Congo par exemple", ajoute Jean-Marie Fardeau.
Reste que deux éléments pourrait entâcher cette procédure interne. Comme le souligne France 24, "juger l'ancien président sur ses terres ne provoquerait-il pas un réveil des ardeurs patriotiques de ses partisans ?" Interrogé par le site de la chaîne, Philippe Perdrix, rédacteur en chef adjoint à Jeune Afrique, estime qu'"il y a un vrai risque de règlement de comptes". "Un tribunal ivoirien offrirait une tribune idéale à Laurent Gbagbo pour contre-attaquer et mobiliser ses troupes, précise France 24. Car la Côte d'Ivoire reste divisée et les partisans de l'ancien président - qui a recueilli 45,9 % des voix au second tour selon le décompte approuvé par l'ONU - ne manqueront pas de voir dans ce tribunal l'apothéose d'Alassane Ouattara mettant à mort son rival politique."
Pauline Tissot (L'Express).
Alassane Ouattara semble privilégier la justice ivoirienne
Actuellement, comme le précise Jean-Marie Fardeau, directeur de Human Rights Watch à Paris, aucune charge n'est retenue contre l'ancien président Laurent Gbagbo. En cas de charges vérifiées, et selon le principe de subsidiarité, c'est à la justice interne du pays où ont été commis des crimes de se saisir d'un dossier de cette nature. Mais si, dans le cas de la Côte d'Ivoire, au cours de l'examen préliminaire engagé par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo, il est constaté que l'appareil judiciaire ivoirien n'est pas capable d'instruire efficacement le dossier, alors à ce moment là uniquement, la procédure de saisine de la CPI pourra être enclenchée.
"A l'heure actuelle, après plus de dix ans de gouvernement Gbagbo, la justice ivoirienne n'est pas en mesure de traiter le dossier. Cependant, Alassane Ouattara entreprend aujourd'hui, de concert avec son ministre de la Justice, de réguler le domaine judiciaire", assure Jean-Paul Benoit, un des avocats du nouveau président. De plus, "la CPI prendra sans conteste tout son temps pour voir si l'administration Ouattara est capable de traiter le dossier ou non", affime Jean-Marie Fardeau, dont l'organisation avait dès 2004 souligné dans un rapport la nécessité de faire intervenir une justice internationale dans le dossier ivoirien. Prudence et patience sont de mise.
Par ailleurs, comme le précise Jean-Paul Benoit, la législation ivoirienne ne permet pas l'extradition d'un président accusé de crimes dans son pays. "Laurent Gbagbo ne pourra pas quitter le territoire, sauf si un mandat d'arrêt l'y oblige. Ainsi, il ne fait aucun doute qu'il sera jugé par la justice ivoirienne." Et Roland Dumas, un des rares socialistes à soutenir encore Laurent Gbagbo, a déjà annoncé sur France Inter le 12 avril, qu'il pourrait le défendre dans le cadre d'un futur procès.
Selon ce même avocat, il semble qu'Alassane Ouattara penche vers cette solution interne. En témoigne l'annonce le 13 avril du lancement de poursuites judicaires à l'encontre de Laurent Gbagbo. Pour Gauthier Rybinski, spécialiste politique de France 24, "ce procès doit symboliser la première pierre à poser pour élever un État de droit, il doit être un pas vers la réconciliation prônée par Ouattara".
En revanche, pour assurer la bonne conduite des procédures, "la justice ivoirienne devra être secondée par des ONG ou des institutions indépendantes au cours de toutes les phases du procès, insiste Jean-Paul Benoit. Ce que Alassane Ouattara souhaite aujourd'hui, c'est qu'il n'y aie pas d'empressement ni aucun système expéditif. Il veut attendre les conclusions de toutes les commissions d'enquêtes mises sur pied ces derniers jours. (voir encadré)." "La justice ivoirienne devra être appuyée techniquement, juridiquement et financièrement par des organismes internationaux. Il faudra sans aucun doute mettre la main à la poche pour par exemple faire en sorte que les Ivoiriens aient accès au procès via la télévision, comme ce fut le cas en République démocratique du Congo par exemple", ajoute Jean-Marie Fardeau.
Reste que deux éléments pourrait entâcher cette procédure interne. Comme le souligne France 24, "juger l'ancien président sur ses terres ne provoquerait-il pas un réveil des ardeurs patriotiques de ses partisans ?" Interrogé par le site de la chaîne, Philippe Perdrix, rédacteur en chef adjoint à Jeune Afrique, estime qu'"il y a un vrai risque de règlement de comptes". "Un tribunal ivoirien offrirait une tribune idéale à Laurent Gbagbo pour contre-attaquer et mobiliser ses troupes, précise France 24. Car la Côte d'Ivoire reste divisée et les partisans de l'ancien président - qui a recueilli 45,9 % des voix au second tour selon le décompte approuvé par l'ONU - ne manqueront pas de voir dans ce tribunal l'apothéose d'Alassane Ouattara mettant à mort son rival politique."
Pauline Tissot (L'Express).
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