La mondialisation du foncier agricole
(notes d’une conférence à la SAF le 15 déc.2010)
Le processus de mondialisation du marché des terres (suite logique de celui des produits agricoles), a subit une brutale accélération à la suite de la crise financière de 2007 qui a libéré une masse de liquidités en recherche de nouveaux emplois.
Une nouvelle faim de terres
Pourquoi la demande de terres agricoles augmente-t-elle ?
Des causes structurelles déjà à l’oeuvre :
1. On cite toujours en premier lieu le facteur démographique, l’augmentation du nombre de bouches à nourrir dans le monde, etc., mais il faut que ces bouches soient solvables pour que cela se traduise par un accroissement de la demande de foncier agricole sur le marché.
2. De manière paradoxale, un second facteur, plus important que le premier, est donc l’amélioration des niveaux de vie, en particulier dans les pays émergeants, car elle se traduit par des modifications des modes alimentaires, avec une augmentation du nombre de calories consommées, mais surtout avec le remplacement d’un certain nombre de calories végétales par des calories animales qui nécessitent des surfaces de production 4 à 8 fois plus vastes (il faut d’abord nourrir l’animal avant de s’en nourrir).
3. L’accroissement de la demande de matières premières fournies par des cultures industrielles (fibres textile, corps gras), mais surtout l’apparition d’une demande subventionnée d’agro-énergies de substitution au pétrole dont la fin est annoncée.
4. L’accroissement des surfaces habitées au sens large (pour les constructions et les infrastructures aussi bien en milieu urbain que rural), là aussi en liaison avec l’accroissement des niveaux de vie1. En France cela représente 600 m2 de terrain par habitant. A l’échelle de la planète, si le même niveau de développement était assuré dans tous les pays, cela représenterait 240 millions d’hectares à prendre majoritairement sur les terres arables puisque c’est là qu’habite la plus grande partie de l’humanité.
5. Dans certains pays du Sud, la thésaurisation foncière (souvent stérile) constitue un dernier facteur d’accroissement de la demande de terrains. Cette demande est liée à l’insécurité politique et financière interne à ces pays : pour la petite bourgeoisie locale, lorsqu’il devient dangereux de placer son argent à la banque,la valeur ne peut être stockée que sous forme de bijoux et de terrains.
Ainsi, on sait qu’en France la surface de planchers de résidence principale par habitant est passée de 25 m2 à 40 m2 entre 1972 et 2006, soit une augmentation de 60%. Mêmes observation pour les bâtiments d’activité dont les surfaces cumulées sont égalent maintenant les surfaces de logement dans la construction nouvelle. L’activité agricole elle-même est en tête des volumes de construction par emploi.
Des causes conjoncturelles nouvelles :
- Une abondance de nouveaux capitaux (fonds souverains et fonds de pension privés) à reconvertir et à sécuriser à la suite du krach bancaire de 2007.
- Une circulation financière Sud – Sud décomplexée car débarrassée de la matrice coloniale.
Une offre foncière potentiellement abondante
L’offre foncière agricole est potentiellement considérable. Selon les chiffres de la FAO, seulement 33% des surfaces cultivables sur l’ensemble de la planète sont cultivées (1,4 milliards d’hectares sur 4,3 milliards). En Afrique, c’est 21% (240 millions d’hectares sur 1,14 milliards).
Il existe quatre types d’obstacles de natures complètement différentes à la mobilisation de ces terres techniquement exploitables :
- Un obstacle économique (manque d’infrastructures) devenu plus facile à lever dans le contexte actuel.
- Un obstacle écologique (cela entrainerait un déboisement massif) … mais est-ce un obstacle réellement pris au sérieux par les acteurs : Que restera-t-il de la forêt brésilienne dans vingt ans, ou même de la forêt guyanaise sous administration française ?
- Un obstacle sociopolitique : les terres agricoles convoités sont déjà occupés ; elles font vivre des centaines de millions de petits paysans et de pasteurs qui ont certes de faibles rendements sur de très petites surfaces, qui ne commercialisent presque rien, mais qui survivent. Seule une petite partie d’entre eux seront employés dans une activité agricole modernisée. Les autres seront chassés et iront grossir les bidonvilles des grandes villes.
- Un obstacle juridique qui tient essentiellement au flou du statut de la plupart de ces terres. Seules quelques rares grands espaces (par exemple du Cône Sud ou d’Australie) sont susceptibles d’être achetés sur le marché par un simple transfert de propriété offrant quelques garanties. Dans la plupart des pays africains, moins de 5% des terres font l’objet d’un titre de propriété ; on cite au contraire certaines régions d’Amérique latine où le cumul des surfaces titrées dépasse largement la surface totale du territoire… Partout les conflits entre l’usage et la loi interdisent toute transaction directe.
La course aux espaces agricoles sous exploités
En dépit de ces obstacles, on assiste depuis trois ans à un phénomène qualifié par les uns « d’appropriation massive des terres » par les autres de « néocolonialismeagraire » accompagné d’une montée sans précédent de l’agrobusiness.
(notes d’une conférence à la SAF le 15 déc.2010)
Le processus de mondialisation du marché des terres (suite logique de celui des produits agricoles), a subit une brutale accélération à la suite de la crise financière de 2007 qui a libéré une masse de liquidités en recherche de nouveaux emplois.
Une nouvelle faim de terres
Pourquoi la demande de terres agricoles augmente-t-elle ?
Des causes structurelles déjà à l’oeuvre :
1. On cite toujours en premier lieu le facteur démographique, l’augmentation du nombre de bouches à nourrir dans le monde, etc., mais il faut que ces bouches soient solvables pour que cela se traduise par un accroissement de la demande de foncier agricole sur le marché.
2. De manière paradoxale, un second facteur, plus important que le premier, est donc l’amélioration des niveaux de vie, en particulier dans les pays émergeants, car elle se traduit par des modifications des modes alimentaires, avec une augmentation du nombre de calories consommées, mais surtout avec le remplacement d’un certain nombre de calories végétales par des calories animales qui nécessitent des surfaces de production 4 à 8 fois plus vastes (il faut d’abord nourrir l’animal avant de s’en nourrir).
3. L’accroissement de la demande de matières premières fournies par des cultures industrielles (fibres textile, corps gras), mais surtout l’apparition d’une demande subventionnée d’agro-énergies de substitution au pétrole dont la fin est annoncée.
4. L’accroissement des surfaces habitées au sens large (pour les constructions et les infrastructures aussi bien en milieu urbain que rural), là aussi en liaison avec l’accroissement des niveaux de vie1. En France cela représente 600 m2 de terrain par habitant. A l’échelle de la planète, si le même niveau de développement était assuré dans tous les pays, cela représenterait 240 millions d’hectares à prendre majoritairement sur les terres arables puisque c’est là qu’habite la plus grande partie de l’humanité.
5. Dans certains pays du Sud, la thésaurisation foncière (souvent stérile) constitue un dernier facteur d’accroissement de la demande de terrains. Cette demande est liée à l’insécurité politique et financière interne à ces pays : pour la petite bourgeoisie locale, lorsqu’il devient dangereux de placer son argent à la banque,la valeur ne peut être stockée que sous forme de bijoux et de terrains.
Ainsi, on sait qu’en France la surface de planchers de résidence principale par habitant est passée de 25 m2 à 40 m2 entre 1972 et 2006, soit une augmentation de 60%. Mêmes observation pour les bâtiments d’activité dont les surfaces cumulées sont égalent maintenant les surfaces de logement dans la construction nouvelle. L’activité agricole elle-même est en tête des volumes de construction par emploi.
Des causes conjoncturelles nouvelles :
- Une abondance de nouveaux capitaux (fonds souverains et fonds de pension privés) à reconvertir et à sécuriser à la suite du krach bancaire de 2007.
- Une circulation financière Sud – Sud décomplexée car débarrassée de la matrice coloniale.
Une offre foncière potentiellement abondante
L’offre foncière agricole est potentiellement considérable. Selon les chiffres de la FAO, seulement 33% des surfaces cultivables sur l’ensemble de la planète sont cultivées (1,4 milliards d’hectares sur 4,3 milliards). En Afrique, c’est 21% (240 millions d’hectares sur 1,14 milliards).
Il existe quatre types d’obstacles de natures complètement différentes à la mobilisation de ces terres techniquement exploitables :
- Un obstacle économique (manque d’infrastructures) devenu plus facile à lever dans le contexte actuel.
- Un obstacle écologique (cela entrainerait un déboisement massif) … mais est-ce un obstacle réellement pris au sérieux par les acteurs : Que restera-t-il de la forêt brésilienne dans vingt ans, ou même de la forêt guyanaise sous administration française ?
- Un obstacle sociopolitique : les terres agricoles convoités sont déjà occupés ; elles font vivre des centaines de millions de petits paysans et de pasteurs qui ont certes de faibles rendements sur de très petites surfaces, qui ne commercialisent presque rien, mais qui survivent. Seule une petite partie d’entre eux seront employés dans une activité agricole modernisée. Les autres seront chassés et iront grossir les bidonvilles des grandes villes.
- Un obstacle juridique qui tient essentiellement au flou du statut de la plupart de ces terres. Seules quelques rares grands espaces (par exemple du Cône Sud ou d’Australie) sont susceptibles d’être achetés sur le marché par un simple transfert de propriété offrant quelques garanties. Dans la plupart des pays africains, moins de 5% des terres font l’objet d’un titre de propriété ; on cite au contraire certaines régions d’Amérique latine où le cumul des surfaces titrées dépasse largement la surface totale du territoire… Partout les conflits entre l’usage et la loi interdisent toute transaction directe.
La course aux espaces agricoles sous exploités
En dépit de ces obstacles, on assiste depuis trois ans à un phénomène qualifié par les uns « d’appropriation massive des terres » par les autres de « néocolonialismeagraire » accompagné d’une montée sans précédent de l’agrobusiness.
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