Le journaliste Michel Taubmann a enquêté sur le patron du FMI.
Des extraits exclusifs du « Roman vrai de Dominique Strauss-Kahn » (Editions du Moment, 310 pages.)
STRAUSS ET KAHN
Le père de Dominique Strauss-Kahn, Gilbert, était à moitié juif. Mais il ne s’appelait pas Strauss-Kahn à sa naissance. Une grande partie de sa vie, on le connut simplement sous le nom de Gilbert Strauss. En fait, il avait deux pères. L’un, naturel, s’appelait Strauss, et l’autre, adoptif, Kahn. Ils aimèrent la même femme et en eurent chacun un enfant. Cette histoire peu ordinaire mérite quelques explications. Le père naturel de Gilbert Strauss, Gaston, était né en 1875 à Bischwiller dans une de ces familles juives installées depuis plusieurs siècles en Alsace.
Ce juif non pratiquant avait épousé une catholique lorraine de Lunéville, Yvonne Stengel, de dix-sept ans sa cadette, vendeuse dans le magasin de sa propre soeur aînée en Alsace. Il l’emmena à Paris, où il monta un négoce d’éponges. Son commerce était prospère, le couple était heureux. Gaston Strauss est âgé de 39 ans en 1914, lorsqu’il part au front. Après son retour définitif, son épouse Yvonne accouche le 11 décembre 1918 d’un petit Gilbert, qui sera le père de Dominique Strauss-Kahn.
Au milieu des années 20, les Strauss accueillent chez eux, dans le 20e arrondissement de Paris, un jeune cousin de Gaston qui vient également d’Alsace, il s’appelle Marius Kahn. Ses parents voudraient faire de lui un rabbin. Marius ne rêve que d’une chose : quitter son milieu d’origine pour partir à la conquête d’un monde plein de promesses en ce lendemain de guerre mondiale. C’est ainsi qu’il s’installe à Paris où, tout en étudiant le droit, il travaille comme acheteur pour la SPC (Société parisienne de confection), fournisseur des Galeries Lafayette.
Dans la capitale, il découvre la modernité, le socialisme et… sa cousine Yvonne, l’épouse de Gaston Strauss, qui l’héberge. Marius est un tout jeune homme d’une vingtaine d’années et Yvonne en a près de 35. Son mari Gaston, victime des gaz allemands pendant la Grande Guerre, est un quinquagénaire prématurément vieilli, aussi Marius s’impose- t-il peu à peu comme l’homme de la maison. Le « vieux » Strauss ne pouvant plus voyager, le jeune Kahn emmène Yvonne visiter l’Espagne pendant six mois, avec, semble-t-il, l’assentiment du mari.
Gaston Strauss a vraiment l’esprit large et beaucoup de générosité. Sentant sa fin proche, il laisse sa famille se recomposer sous ses yeux. Yvonne et lui ont donc un fils, Gilbert, né en 1918, le futur père de Dominique Strauss-Kahn. Du vivant de Gaston, en 1931, Yvonne et Marius ont eu une fille, Elise, surnommée Lisette dans la famille. Gaston étant mort en 1934, Marius épouse Yvonne l’année suivante. A la fin de la décennie 40, il adoptera Gilbert, le fils de Gaston, et aussi… Elise Strauss, sa propre fille naturelle, que le défunt avait reconnue pour qu’elle naisse d’une union légitime.
Quant au père de DSK, il devient pour l’état civil Gilbert Strauss-Kahn. « Mon père, se rappelle Dominique Strauss-Kahn, ne rejetait pas Marius. Au contraire, ils étaient très proches. Ils ont même été associés professionnellement. Mais il n’arrivait pas à le considérer comme un père. N’ayant que quatorze ans de différence avec lui, mon père considérait Marius comme un grand frère. Moi, en revanche, j’ai toujours vu en lui mon grand-père.
Si, dans ma jeunesse, je me faisais appeler Strauss, comme mon père, à partir des années 70, j’ai voulu me faire appeler Strauss-Kahn, conformément à mon état civil. C’était une manière de montrer mon attachement à mon grand-père et aussi d’affirmer mon identité juive qui avait été réveillée par la guerre des Six- Jours en 1967, puis celle du Kippour en 1973. »
GILBERT ET JACQUELINE
Mai 1943. Jacqueline Fellus, à 24 ans, est une très belle jeune fille, brune, le teint mat, le type méditerranéen. Les Américains viennent de chasser les Allemands de Tunisie. Elle peut penser à son avenir. Elle a étudié le droit pendant deux ans et l’histoiregéographie pendant un an. C’est énorme pour une jeune Tunisienne à cette époque. Elle n’a cependant aucun diplôme. Juste une vocation : l’écriture Dans la capitale française, elle va devenir une vraie journaliste. Par une relation de son père, elle est embauchée à Gavroche, hebdomadaire socialiste sis sur les Grands Boulevards, dans l’immeuble mitoyen de celui du Populaire, le quotidien de la SFIO.
Jacqueline habite juste à côté, avec ses frères, dans un magnifique appartement en location doté d’une terrasse, au 236, boulevard Raspail, où ils reçoivent souvent leurs amis. L’appartement appartient à des architectes partis pour un long séjour en Tunisie. Au bout de quelques mois, cependant, les propriétaires rentrés à Paris exigent de récupérer leur logement du jour au lendemain. Jacqueline refuse. Pour défendre ses droits, elle consulte le conseiller juridique du Parti socialiste dont le bureau est situé dans les locaux du Populaire, à quelques mètres du sien.
Il s’appelle Gilbert Strauss. « J’ai gardé l’appartement, écrira Jacqueline, et trouvé un mari. » Le coup de foudre est réciproque. Malgré la Méditerranée qui les a séparés, tous deux sont issus de milieux proches, ouverts sur le monde, socialistes, et laïques. Les parents de Dominique Strauss-Kahn se marient le 24 juillet 1946 à la mairie du 14e arrondissement de Paris. Jacqueline accouche avec quelques jours d’avance le lundi 25 avril 1949. Mais Gilbert rêve de grands espaces, d’aventure, de soleil et aussi de prendre un peu de champ par rapport à son père. (…) Gilbert apprend qu’Agadir possède un seul avocat. Il y a là un vide à combler, un avenir à construire. Jacqueline est réservée mais se laisse convaincre.
En novembre 1951, tous deux embarquent à Marseille pour Casablanca, accompagnés du petit Dominique âgé de 2 ans et demi et d’une jeune fille au pair allemande. Gilbert Strauss veut que ses enfants parlent la langue de Goethe comme lui, leur grand-père Marius Kahn et leurs ancêtres alsaciens. Ces jeunes filles ayant leur vie en Allemagne, tous les deux ans arrivera par bateau une nouvelle « Mademoiselle ».
Il y a toujours du monde à la table des Strauss. Des gens de milieux très divers, aussi bien des Arabes que des Européens de passage. « Quand nos amis, écrit Jacqueline Strauss-Kahn, recevaient la visite de métropolitains qui leur posaient la question classique : » Qu’est-ce qu’on fait tous les soirs à Agadir ? » ils répondaient : » On dîne chez les Strauss. »" Le midi, en général, ils se retrouvent avec des amis au club nautique, juste en bas de la maison. Domi arrive de l’école, la Mademoiselle descend les petits. Le temps d’une baignade suivie d’un repas léger, Gilbert et Jacqueline remontent chez eux avec la Mademoiselle et les deux petits alors que Domi retourne à l’école.
Il n’a pas 10 ans et adore la compagnie des Mademoiselles qui se succèdent tous les deux ans au domicile familial. Grâce à elles et à son grand-père, Marius Kahn, avec qui il parlait allemand, Dominique Strauss- Kahn maîtrisera parfaitement la langue de Goethe, au même titre que l’anglais, alors qu’il est moins à l’aise avec l’espagnol. Dominique aime manier les mots, il aime lire, il s’intéresse à tout. Il a de bons résultats à l’école sans se tuer à la tâche. La nature l’a doté d’une mémoire phénoménale qui lui permet d’ingurgiter ses leçons plus vite que les autres.
La suite...
Des extraits exclusifs du « Roman vrai de Dominique Strauss-Kahn » (Editions du Moment, 310 pages.)
STRAUSS ET KAHN
Le père de Dominique Strauss-Kahn, Gilbert, était à moitié juif. Mais il ne s’appelait pas Strauss-Kahn à sa naissance. Une grande partie de sa vie, on le connut simplement sous le nom de Gilbert Strauss. En fait, il avait deux pères. L’un, naturel, s’appelait Strauss, et l’autre, adoptif, Kahn. Ils aimèrent la même femme et en eurent chacun un enfant. Cette histoire peu ordinaire mérite quelques explications. Le père naturel de Gilbert Strauss, Gaston, était né en 1875 à Bischwiller dans une de ces familles juives installées depuis plusieurs siècles en Alsace.
Ce juif non pratiquant avait épousé une catholique lorraine de Lunéville, Yvonne Stengel, de dix-sept ans sa cadette, vendeuse dans le magasin de sa propre soeur aînée en Alsace. Il l’emmena à Paris, où il monta un négoce d’éponges. Son commerce était prospère, le couple était heureux. Gaston Strauss est âgé de 39 ans en 1914, lorsqu’il part au front. Après son retour définitif, son épouse Yvonne accouche le 11 décembre 1918 d’un petit Gilbert, qui sera le père de Dominique Strauss-Kahn.
Au milieu des années 20, les Strauss accueillent chez eux, dans le 20e arrondissement de Paris, un jeune cousin de Gaston qui vient également d’Alsace, il s’appelle Marius Kahn. Ses parents voudraient faire de lui un rabbin. Marius ne rêve que d’une chose : quitter son milieu d’origine pour partir à la conquête d’un monde plein de promesses en ce lendemain de guerre mondiale. C’est ainsi qu’il s’installe à Paris où, tout en étudiant le droit, il travaille comme acheteur pour la SPC (Société parisienne de confection), fournisseur des Galeries Lafayette.
Dans la capitale, il découvre la modernité, le socialisme et… sa cousine Yvonne, l’épouse de Gaston Strauss, qui l’héberge. Marius est un tout jeune homme d’une vingtaine d’années et Yvonne en a près de 35. Son mari Gaston, victime des gaz allemands pendant la Grande Guerre, est un quinquagénaire prématurément vieilli, aussi Marius s’impose- t-il peu à peu comme l’homme de la maison. Le « vieux » Strauss ne pouvant plus voyager, le jeune Kahn emmène Yvonne visiter l’Espagne pendant six mois, avec, semble-t-il, l’assentiment du mari.
Gaston Strauss a vraiment l’esprit large et beaucoup de générosité. Sentant sa fin proche, il laisse sa famille se recomposer sous ses yeux. Yvonne et lui ont donc un fils, Gilbert, né en 1918, le futur père de Dominique Strauss-Kahn. Du vivant de Gaston, en 1931, Yvonne et Marius ont eu une fille, Elise, surnommée Lisette dans la famille. Gaston étant mort en 1934, Marius épouse Yvonne l’année suivante. A la fin de la décennie 40, il adoptera Gilbert, le fils de Gaston, et aussi… Elise Strauss, sa propre fille naturelle, que le défunt avait reconnue pour qu’elle naisse d’une union légitime.
Quant au père de DSK, il devient pour l’état civil Gilbert Strauss-Kahn. « Mon père, se rappelle Dominique Strauss-Kahn, ne rejetait pas Marius. Au contraire, ils étaient très proches. Ils ont même été associés professionnellement. Mais il n’arrivait pas à le considérer comme un père. N’ayant que quatorze ans de différence avec lui, mon père considérait Marius comme un grand frère. Moi, en revanche, j’ai toujours vu en lui mon grand-père.
Si, dans ma jeunesse, je me faisais appeler Strauss, comme mon père, à partir des années 70, j’ai voulu me faire appeler Strauss-Kahn, conformément à mon état civil. C’était une manière de montrer mon attachement à mon grand-père et aussi d’affirmer mon identité juive qui avait été réveillée par la guerre des Six- Jours en 1967, puis celle du Kippour en 1973. »
GILBERT ET JACQUELINE
Mai 1943. Jacqueline Fellus, à 24 ans, est une très belle jeune fille, brune, le teint mat, le type méditerranéen. Les Américains viennent de chasser les Allemands de Tunisie. Elle peut penser à son avenir. Elle a étudié le droit pendant deux ans et l’histoiregéographie pendant un an. C’est énorme pour une jeune Tunisienne à cette époque. Elle n’a cependant aucun diplôme. Juste une vocation : l’écriture Dans la capitale française, elle va devenir une vraie journaliste. Par une relation de son père, elle est embauchée à Gavroche, hebdomadaire socialiste sis sur les Grands Boulevards, dans l’immeuble mitoyen de celui du Populaire, le quotidien de la SFIO.
Jacqueline habite juste à côté, avec ses frères, dans un magnifique appartement en location doté d’une terrasse, au 236, boulevard Raspail, où ils reçoivent souvent leurs amis. L’appartement appartient à des architectes partis pour un long séjour en Tunisie. Au bout de quelques mois, cependant, les propriétaires rentrés à Paris exigent de récupérer leur logement du jour au lendemain. Jacqueline refuse. Pour défendre ses droits, elle consulte le conseiller juridique du Parti socialiste dont le bureau est situé dans les locaux du Populaire, à quelques mètres du sien.
Il s’appelle Gilbert Strauss. « J’ai gardé l’appartement, écrira Jacqueline, et trouvé un mari. » Le coup de foudre est réciproque. Malgré la Méditerranée qui les a séparés, tous deux sont issus de milieux proches, ouverts sur le monde, socialistes, et laïques. Les parents de Dominique Strauss-Kahn se marient le 24 juillet 1946 à la mairie du 14e arrondissement de Paris. Jacqueline accouche avec quelques jours d’avance le lundi 25 avril 1949. Mais Gilbert rêve de grands espaces, d’aventure, de soleil et aussi de prendre un peu de champ par rapport à son père. (…) Gilbert apprend qu’Agadir possède un seul avocat. Il y a là un vide à combler, un avenir à construire. Jacqueline est réservée mais se laisse convaincre.
En novembre 1951, tous deux embarquent à Marseille pour Casablanca, accompagnés du petit Dominique âgé de 2 ans et demi et d’une jeune fille au pair allemande. Gilbert Strauss veut que ses enfants parlent la langue de Goethe comme lui, leur grand-père Marius Kahn et leurs ancêtres alsaciens. Ces jeunes filles ayant leur vie en Allemagne, tous les deux ans arrivera par bateau une nouvelle « Mademoiselle ».
Il y a toujours du monde à la table des Strauss. Des gens de milieux très divers, aussi bien des Arabes que des Européens de passage. « Quand nos amis, écrit Jacqueline Strauss-Kahn, recevaient la visite de métropolitains qui leur posaient la question classique : » Qu’est-ce qu’on fait tous les soirs à Agadir ? » ils répondaient : » On dîne chez les Strauss. »" Le midi, en général, ils se retrouvent avec des amis au club nautique, juste en bas de la maison. Domi arrive de l’école, la Mademoiselle descend les petits. Le temps d’une baignade suivie d’un repas léger, Gilbert et Jacqueline remontent chez eux avec la Mademoiselle et les deux petits alors que Domi retourne à l’école.
Il n’a pas 10 ans et adore la compagnie des Mademoiselles qui se succèdent tous les deux ans au domicile familial. Grâce à elles et à son grand-père, Marius Kahn, avec qui il parlait allemand, Dominique Strauss- Kahn maîtrisera parfaitement la langue de Goethe, au même titre que l’anglais, alors qu’il est moins à l’aise avec l’espagnol. Dominique aime manier les mots, il aime lire, il s’intéresse à tout. Il a de bons résultats à l’école sans se tuer à la tâche. La nature l’a doté d’une mémoire phénoménale qui lui permet d’ingurgiter ses leçons plus vite que les autres.
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