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Où en est l’Algérie du printemps arabe ?

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  • Où en est l’Algérie du printemps arabe ?

    Pour Séverine Labat, chargée de recherche au CNRS, les jeunes Algériens observent avec distance et scepticisme les révoltes arabes qui ne débouchent pas nécessairement sur un changement démocratique.

    À l’heure où sa voisine tunisienne est engagée dans un processus long et pénible de transition démocratique, où le Maroc cherche sa juste voie entre monarchie et réformes constitutionnelles, où l’Égypte peine à jeter les bases d’un nouvel ordre post révolutionnaire, et où la Syrie, son ancienne alliée du « Front du refus » radical arabe, se débat entre révoltes et répressions, l’Algérie semble être assoupie dans une léthargie sociale qui ne lui ressemble pas.

    Pourquoi le « printemps arabe » s’est-il arrêté à ses frontières ? Quelle est la réalité de la contestation dans ce pays à l’histoire révolutionnaire ? Que pense la jeunesse algérienne de ce qui se passe dans le monde arabe ? Dans une conférence organisée par l’Iremmo (Institut de recherche et d’études Méditerranée et Moyen-Orient), Séverine Labat, chargée de recherche au CNRS, membre du CADIS CNRS/EHESS, et spécialiste de l’Algérie, a tenté de répondre à ces questions.

    Abordant la complexité de la situation socio-économique en Algérie et des rapports de force internes, Labat a indiqué que le pouvoir algérien part du principe que la paix sociale a un coût. En conséquence, il utilise la rente pétrolière pour augmenter les revenus sociaux et engager de grands travaux d’infrastructure.

    La situation économique n’est pourtant guère réjouissante, les salaires sont trop bas alors que tous les produits de consommation sont importés, l’Algérie ne produisant pas de biens ni de services. Aujourd’hui, en dehors du domaine des hydrocarbures, très peu d’investissements étrangers sont effectués dans le pays. Sur le plan politique, les disputes internes au sein des différents partis ont créé un fossé générationnel et les jeunes ne s’y retrouvent pas. Il y a certes eu une manifestation d’étudiants le 12 avril, regroupant de façon inédite 12 000 personnes, mais elle revêtait un caractère sociopédagogique.

    L’inhibition de la jeunesse algérienne s’explique, d’après Labat, par le fait que « les jeunes Algériens observent avec distance et scepticisme les révoltes arabes et savent que le printemps arabe ne débouchera pas nécessairement sur un printemps démocratique. Ils en ont déjà fait l’expérience lors des émeutes de 1988 », souligne-t-elle, ajoutant : « Les jeunes veulent du mieux, mais pas au prix du pire. »

    « Cette génération a grandi dans la terreur islamiste et a vu ses parents en souffrir », précise Labat. « L’islamisme institutionnalisé ne recueille pas forcément le suffrage des jeunes ; en même temps, l’islamisation de la société se poursuit, phénomène auquel le président Bouteflika n’est pas totalement étranger. » La conférencière ajoute que « la défiance des jeunes s’exerce également à l’égard du syndicalisme, y compris l’UGT (Union générale des travailleurs) et des autres syndicats autonomes, dont celui de la fonction publique. Ils estiment que ces organisations sont manipulées par le pouvoir ».

    Au niveau du régime, Séverine Labat a qualifié de « catastrophique » l’allocution télévisée du 15 avril dernier du président Bouteflika, dans laquelle il promettait des réformes. Le président algérien y était apparu fatigué, expédiant sur un ton monocorde un discours censé annoncer un nouvel élan. « Les réformes qu’il a promises sont interprétées comme visant à proroger le régime » face à la contestation sociale, malgré la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1992.

    « Le pouvoir cherche à initier un changement avec des acteurs qu’il a contribué à discréditer », a poursuivi Labat, relevant que l’élite traditionnelle est quasiment inexistante depuis que les Français en ont éliminé les figures de proue et les représentants durant la guerre d’Algérie.

    La Constitution algérienne octroie de grands pouvoirs au président, qui ne réunit plus le Conseil des ministres qu’une fois tous les six mois environ ; quant à l’armée, elle est plutôt légaliste, a précisé la chercheuse. Sur le plan international, « les Américains ont donné leur quitus au régime algérien pour initier des réformes, pourvu qu’il joue son rôle dans la lutte contre le terrorisme.

    C’est que l’Algérie partage 1 000 km de frontières avec la Libye et 2 000 km avec le Sahel, deux territoires où les islamistes sont particulièrement actifs. Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, qui s’est récemment rendu en Algérie, a obtenu des assurances que le pays n’est pas impliqué dans l’acheminement de mercenaires en Libye et n’aide pas le colonel Kadhafi », a souligné Labat.

    Des rivalités internes aux différents partis, un pouvoir peu enclin à passer la main ou à entreprendre de vraies réformes, une situation économique et sociale figée, un traumatisme infligé par les « années GIA », un scepticisme quant à l’issue des révoltes arabes, un accès guère répandu aux technologies Facebook, Twitter et autres instruments ayant favorisé le déclenchement et l’organisation des soulèvements arabes, le désistement des intellectuels, qui ont été « organiques à l’État, pas à la société, selon la définition de Gramsci » : tel est le portrait brossé par Séverine Labat d’une société algérienne qu’elle estime touchée par « une déprime générale ».

    « Les jeunes ne veulent qu’une chose, a-t-elle conclu, c’est partir. La classe moyenne a disparu ou elle a émigré, et le nombre de demandes de visas long séjour bat des records. La France est la première destination recherchée. À elle seule, la région Ile-de-France totalise 7 000 médecins algériens. »

    Alors, la résignation serait-elle le lot des Algériens ? Labat répond : « Si le front social se transformait en déferlante politique, il serait difficile de contenir des manifestations qui se déclineraient sur un mode violent.

    Quelle serait l’attitude des officiers ? Se rangeraient-ils du côté des revendications démocratiques ou bien seraient-ils tentés par l’exemple de leurs aînés ? » (i.e. la répression des manifestations des années 80).

    Pour l’heure, il n’existe pas de prémices d’un quelconque soulèvement. À l’horizon du printemps 2012 se profile l’anniversaire du cinquantenaire de l’indépendance algérienne. Une date hautement symbolique.

    Carole DAGHER
    L'Orient-Le Jour
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Alors, la résignation serait-elle le lot des Algériens ? Labat répond : « Si le front social se transformait en déferlante politique, il serait difficile de contenir des manifestations qui se déclineraient sur un mode violent.
    Je partage cet avi.

    Par contre je pense pas que l'armée va tirer sur les foules comme en 1988

    Quelle serait l’attitude des officiers ? Se rangeraient-ils du côté des revendications démocratiques ou bien seraient-ils tentés par l’exemple de leurs aînés ? » (i.e. la répression des manifestations des années 80).

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