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Tindouf: une ville, une nature et des hommes

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  • Tindouf: une ville, une nature et des hommes

    Tindouf, ce n’est pas la porte à côté, quand on y va du littoral, ou même du Tell, comme les gens d’ici désignent toute la région située au nord du Sahara. D’Oran, douze heures de route, Béchar, après environ 900 km. Une courte escale et encore 800 bornes sud-ouest, presque toute une nuit en autocar. Et pourtant, point de dépaysement, on ne se sent pas ailleurs. Dès les premiers abords, le contact s’établit, le message passe. Les chauffeurs de taxi qui attendent l’arrivée des voyageurs de nuit, entre 3 h et 4 h, sont avenants, accueillants, parlent le même langage.

    Au café tout près, et déjà ouvert, les mêmes mots simples mais pleins de sollicitude : « Marahba », une expression qui accompagne à jamais les salutations des gens d’ici... Une sensation de bien-être malgré la fatigue du voyage et peut-être, surtout, à cause de cette impression d’être en sécurité malgré l’heure tardive. C’est d’ailleurs une impression qui ne vous quittera plus jamais. A Tindouf, on finit par s’apercevoir, au fil des jours, qu’on peut sortir à n’importe quelle heure de la nuit, seul ou accompagné, qu’on peut utiliser son portable n’importe où... sans être continuellement sur ses gardes. A Tindouf, le premier changement que l’on ressent, c’est surtout cela. On ne vit plus sur ses nerfs, on baisse la garde et on se laisse vivre sans méfiance. La ville, avec son architecture typiquement saharienne et ses maisons basses où même les quelques immeubles n’excèdent pas les quatre étages et ses larges espaces, participe, apparemment, à cette sensation de bien-être et de sérénité qui vous enveloppe.

    Les hamadas, un autre monde

    Au-delà des petites collines qui cernent la cité : les hamadas. Des havres de paix dans un désert qui ne ressemble pas aux autres. Ici, pas de dunes comme on se l’imagine, mais de vastes étendues recouvertes de fines pierres à peine aussi grosses qu’un grain de café, parfois quelques monticules de sable formés par les vents et, de loin en loin, des rangées surprenantes d’arbres aux feuilles vertes.

    Le talh, un arbre épineux aux effets médicinaux et généreux, fournit, après sa mort, du bois aux férus des sorties aux hamadas. « On ne peut pas vivre sans ces sorties, explique-t-on, c’est comme cela depuis tous les temps, dès qu’on a une journée de libre, on y va. » On y va pour un ou plusieurs jours, et souvent, on prévoit la journée et on finit par y passer la nuit. Et quelle nuit ! Indescriptible ! Bercé par le feu de camp, enveloppé d’un silence apaisant sous une voûte céleste pétillante d’étoiles qu’on ne voit nulle part ailleurs. Un moment à vivre ! Tous les Tindoufis, ou presque, sont des accros de ces vastes étendues et les sorties aux hamadas font partie des traditions. Un véhicule, tout-terrain de préférence, et le nécessaire de camping. De la viande de chameau, de la farine pour préparer el mella, du pain cuit à la braise sous le sable qui servira, mélangé à la viande, à la confection du plat pour le dîner et... le thé, bien sûr. Ce qui serait un non-sens autrement. « Une sortie sans le thé, ça ne peut pas se concevoir ! », lance Mouloud que cette allusion a fait tiquer. « Si on oublie le thé, on ramasse le paquetage et on rentre »,ajoute-t-il.

    Grillades et thé se succèdent et des petites incursions de part et d’autre du campement, tant qu’il fait jour, à la recherche de quelques truffes ou autre animal du désert. Après des chutes importantes de pluie et le réveil des nombreux oueds qui sillonnent la région, comme ce fut le cas en février, c’est un tout autre monde que l’eau ruisselante vient baigner d’un nouveau don de la nature. On boit de cette eau limpide, el ghdir, on en remplit tous les récipients disponibles. « Quand on revient de ces sorties, on se sent d’attaque pour le reste de la semaine », dit-on. C’est le bol d’air en plus pour des gens qui vivent dans une région où, pourtant, il n’a jamais été question de pollution. Les sorties aux hamadas, ce n’est pas seulement une tradition, c’est toute une culture.

    Tindouf, la ville de l’insolite

    Mais quand on est à Tindouf, on ne peut pas s’empêcher de se poser des questions sur la vie de tous les jours. En ville, fait pour le moins insolite à l’ère du portable : une multitude de taxiphones se côtoient presque, difficile d’en donner le nombre exact, mais cela dépasse l’entendement. « Entre deux taxiphones, il y a un taxiphone », dira pour rire Sid Ahmed. Pas de risque d’attente... les cabines sont, tout le temps, libres.

    A se demander si tous ces jeunes exploitants y trouvent leur compte. La raison d’une telle situation remonte à quelques années. « C’était très rentable, Tindouf est une ville garnison et tous les militaires qui y transitaient, recouraient à ce moyen pour communiquer avec leurs proches. » Les taxiphones ont poussé comme des champignons et les choses sont restées en l’état malgré l’évolution enregistrée dans le domaine de la téléphonie. « Que veux-tu que je fasse ? », répond un de ces jeunes. « Je gagne très peu, ça dépend des jours, mais au moins, j’ai une occupation », ajoute-t-il. Comme lui, les autres guettent une opportunité pour changer d’activité. Par contre, à l’opposé de ce foisonnement, il n’est pas évident de dénicher un cybercafé. Déplorable pour les internautes d’une manière générale, et, plus particulièrement, pour les jeunes qui bénéficient d’une initiation à l’informatique dans les établissements scolaires et qui gagneraient à la développer en solo. Là, c’est le grand vide !

    Deux ou trois cybercafés à peine, mais un seul fonctionne vraiment, en quelque sorte, puisque ni sa capacité d’accueil, ni ses horaires d’activité ne répondent à la forte demande... malgré le tarif à 100 DA l’heure pour une connexion capricieuse. « A un moment donné, cette activité a connu une véritable envolée avec l’ouverture de plusieurs cybercafés, mais avec la mauvaise qualité de la connexion, ceux qui s’y sont risqués l’ont très vite regretté et se sont reconvertis dans d’autres activités plus lucratives », vous répond-on lorsque vous soulevez le problème. Cela est d’autant plus regrettable quand on sait ce qui a été réalisé dans ce domaine par le secteur de l’éducation. Tous les établissements sont équipés de micro-ordinateurs - les écoles primaires viennent de réceptionner les leurs- et disposent, pour certains, de salles spécialisées avec réseau intranet et possibilité de connexion, défaillante là aussi malheureusement, à internet depuis des années...bien en avance sur certaines wilayas du nord du pays.

    Autre inconvénient, et pas des moindres. L’information, du moins nationale, n’est jamais fraîche. Elle date de la veille. On ne peut lire son journal du jour, quand il est disponible, que le lendemain. « Et dire, ironise un citoyen, qu’on est au XXe siècle ! » Il y a la télé, mais là aussi, on ne regarde pas trop l’unique, car les antennes paraboliques sont là, un peu partout comme ailleurs.

  • #2
    Un coût de vie trop élevé

    La cherté de la vie est un autre revers de la médaille. Fruits et légumes surtout, mais aussi les produits alimentaires, sont commercialisés au double, voire au triple des prix pratiqués dans les wilayas du Nord. « Tout nous vient d’ailleurs, dit-on, et on nous fait subir tous les frais. » Tout le monde attend donc le marché hebdomadaire pour s’approvisionner à quelques dizaines de dinars en moins. Un marché qui s’étale sur deux jours et où l’on trouve un peu de tout. Les commerçants ambulants avec camions frigorifiques arrivent de plusieurs wilayas avec des denrées alimentaires, des produits laitiers, des boissons de toutes sortes et même du poisson, la sardine seulement.

    « Au souk, explique un père de famille, j’économise de 20 à 40 DA parfois, selon le produit, par rapport aux prix des magasins, mais ça reste un peu trop cher. » Par contre, certains produits comme l’huile, les légumes secs et, surtout, la farine, introduits par les commerçants sahraouis, ils sont cédés à des prix qui défient toute concurrence. Une légère compensation pour des ménages qui payent la pomme de terre à plus de 40 DA, quand les prix baissent et la tomate à pas moins de 60 DA. Les autres légumes et les fruits sont, pour certaines familles, inabordables. « Il y a quelques années, confient des habitants, les prix étaient encore plus élevés que ceux d’aujourd’hui. » Il y a une production locale qui, malgré son insuffisance, a contribué, apparemment, à faire chuter les prix.

    Une relance et des projets


    On évoque le lieu-dit El Grara, où des agriculteurs exploitent quelques-unes des rares parcelles cultivables de la région. En effet, Tindouf est une région à végétation saharienne plus pastorale, pourrait-on dire, qu’agricole qui se caractérise par de très faibles chutes de pluie (pas plus de 50 ml/an) et de très forts vents du sud-ouest qui entraînent une érosion continue du sol. On apprendra que le programme de développement agricole a contribué à faire bouger un peu les choses. Cependant on reste loin du compte « puisque, expliquent des citoyens, la production actuelle n’est pas en mesure de répondre aux besoins de la population. » Ce qui, même à l’avenir, reste fort improbable.

    Les données sont éloquentes puisque les derniers chiffres dans ce domaine font état d’environ 850 ha cultivables pour une wilaya qui s’étend sur 160 000 km2. Sur cette superficie qu’exploitent un peu plus de 300 cultivateurs, seuls 25 ha sont consacrés à la culture maraîchère. Ce qui a permis, tout de même, grâce au recours à la culture sous serres et à l’irrigation au goutte à goutte, d’atteindre une production de presque 10 000 t pour l’année 2005. La cherté de la vie à Tindouf, que ce soit pour les aliments ou pour tous les autres produits de consommation en général, relève de son éloignement et de son isolement au fin fond du Sud-Ouest algérien. L’unique route qui arrive du nord du pays passe par Béchar (plus de 800 km) alors que, jusqu’à présent, il n’existe pas de voie de communication avec la wilaya voisine d’Adrar, connue pourtant pour son agriculture, et même pour sa surproduction si on se rappelle l’histoire toute récente de la tomate qu’elle n’arrivait pas à écouler. A ce propos, on a appris que plusieurs projets sont prévus ou en cours de réalisation pour, justement, faire sortir cette partie du pays de son isolement. Une route de 680 km reliera, prochainement, Tindouf directement à Adrar et au-delà vers l’est du pays jusqu’en Libye alors que deux autres feront la jonction d’une part avec la Mauritanie (75 km) et le Sahara-Occidental et le Maroc (30 km). « Espérons que tous les projets prévus pour la région se réalisent dans les meilleurs délais et ne demeurent pas des promesses en l’air », souhaitent les habitants de Tindouf qui attendent, depuis des années, une meilleure prise en charge de leurs préoccupations.

    Certes, il fait bon vivre à Tindouf, mais rien n’empêche une amélioration des conditions de vie. Ici, on soulève aussi d’autres problèmes : la qualité de l’eau qui coule dans les robinets, la récente restriction imposée au niveau des stations-services, une décision visant la contrebande des carburants mais imposant des contraintes aux honnêtes automobilistes. Le manque de médecins spécialistes malgré les conditions qui leur sont offertes pour venir s’installer. On évoque, de même, les lourdeurs administratives, comme partout ailleurs, qui bloquent les initiatives et découragent toute entreprise à même de contribuer au développement de certains secteurs.

    Tindouf est, tout compte fait, une grande ville comme toutes les autres avec sa médaille offerte par une nature rude mais combien généreuse... et ses multiples revers.

    Par El watan

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