Introduction : un rapprochement trompeur…
A l’heure du surprenant et radical rapprochement de la Russie avec l’Occident, il serait opportun de s’interroger sur la réalité de la menace de l’axe Otan/USA. Dans ce cadre, il s’agira de revenir sur la perception russe des dangers issus de l’ingérence occidentale dans sa proche périphérie et, en particulier, de la volonté américaine de se rapprocher des ex-républiques de l’URSS présentant un caractère stratégique.
Selon une lecture plus globale de l’évolution géopolitique, la stratégie américaine garde une cohérence structurelle, au sens où elle reste guidée par la ligne Brzezinski centrée, d’une part, sur l’encerclement de la Russie et, d’autre part, sur la déstabilisation de sa ceinture périphérique en vue de son contrôle.
A l’issue de la fin de la Guerre froide, ce maintien d’une relative inertie stratégique nous amène à nous interroger sur l’évolution passée, présente et future de la Russie, pour, en dernière instance, nous interroger sur son statut international hérité du post-communisme.
Dans une première partie, nous verrons donc le rôle de l’Otan comme levier de la politique étrangère américaine, en phase de Guerre froide.
Dans une seconde partie, nous présenterons la ligne structurellement anti-russe conduite par la puissance américaine depuis la fin de la Guerre froide.
Dans une troisième partie, nous analyserons les enjeux cachés du récent rapprochement russo-américain.
Dans une quatrième et dernière partie, nous nous interrogerons sur le statut post-soviétique de la puissance russe en transition identitaire et sur sa volonté de retour vers l’Europe.
I – Historiquement, l’Otan apparait comme un levier de la politique étrangère américaine.
La politique extérieure américaine est marquée par 2 phases principales : l’endiguement de la puissance soviétique (1) puis, à partir de 1991, le reflux de la puissance russe (2).
1/ L’endiguement de la puissance soviétique, comme stratégie dominante en phase de Guerre froide.
- Après la seconde Guerre mondiale, le nouvel ordre mondial est caractérisé par l’équilibre stratégique de la Guerre froide : (USA + Otan) versus (URSS + Pacte de Varsovie).
- A l’origine, la théorie de G. Kennan du " Containment " )[1] (endiguement) de la puissance soviétique – par la suite, appelée aussi " doctrine Truman " – a pour objectif de bloquer l’expansion du bloc communiste sous leadership russe, en aidant les pays prêts à s’y opposer. A l’époque, l’Administration Truman (1945–1953) redoute l’offensive militaire d’une Union soviétique surpuissante qui, désormais, " fait peur ". D’autant plus que cette dernière développe une force de frappe nucléaire impressionnante, qui égalisera la puissance américaine au début des années 70.
- L’endiguement : c’est l’amorce d’une ligne anti-soviétique, présentant une relative cohérence sur long terme et qui sera, plus tard, reprise par le conseiller à la sécurité du président Carter, Z. Brzezinski.
- L’objectif : contenir l’expansion du communisme en Afrique, Asie, Europe et Amérique latine, quel qu’en soit le prix (dont l’émergence de dictatures militaires fascisantes, notamment au Chili).
Ex : en Amérique latine, on peut rappeler le Coup d’Etat de 1973 contre S. Allende au Chili (" la révolution assassinée ", pour reprendre le titre d’un ouvrage).
- Une stratégie alternative a été d’encourager les mouvements nationalistes et démocratiques, pour déstabiliser le pouvoir russe.
Ex : la révolution polonaise de Solidarnosc, en 1989, avec le rôle des ONG étrangères, principalement américaines (ancêtre des révolutions " colorées " qui toucheront plus tard l’espace post-soviétique).
- Une autre stratégie a été de créer des conflits périphériques ou d’accélérer la course aux armements pour épuiser l’économie soviétique (à 2 exemples).
Ex 1: Afghanistan en 1979, formation et armement des combattants islamistes (dont talibans) pour enliser l’armée soviétique dans une guerre coûteuse (il faut donner à l’URSS " sa guerre du Vietnam ", selon Z. Brzezinski)
Ex 2 : le projet surréaliste de " Guerre des étoiles " de R. Reagan, au début des années 1980 (bouclier spatial anti-missiles).
Avec l’appui de son levier otanien, lui conférant un vernis de légitimité internationale, il s’agit pour la puissance américaine d’éroder les bases économiques et idéologiques de la domination soviétique. Dans ce cadre, l’Otan apparaît comme un véritable bouclier politico-militaire contre l’avancée soviétique, destiné in fine à rééquilibrer le " balancier stratégique ". On peut donc parler d’une Otan défensive, adaptée au contexte stratégique de la Guerre froide.
2/ Le reflux de la puissance russe, comme stratégie post-guerre froide.
- 25 décembre 1991 : la démission contrainte du président Gorbatchev marque la chute finale de l’Union soviétique, " La plus grande catastrophe géopolitique du XX° siècle ", selon V. Poutine.
- La stratégie d’endiguement, est alors radicalisée et transformée en stratégie de reflux (roll back) de la puissance russe issue de la fin de la Guerre froide. On remarque l’influence décisive de Brzezinski dans cette inflexion stratégique.
- L’objectif tacite de l’Amérique est alors de profiter de la fragilité temporaire de la Russie en transition vers le marché, pour la repousser et l’expulser de ses postions fortes et traditionnelles.
- L’Otan est au cœur de cette stratégie et elle est instrumentalisée par Washington, pour renforcer cette orientation et lui donner une apparente légitimité (impression d’un consensus).
- Il s’agit aussi de créer les conditions structurelles d’une irréversibilité : empêcher tout retour en arrière et surtout, toute velléité de reconquête impériale russe. En d’autres termes, l’objectif est de verrouiller la position hégémone des Etats-Unis, en créant les mécanismes adéquats, voire en influençant les institutions en charge de la gouvernance mondiale.
Contrairement à la promesse faite en 1989 à Gorbatchev à Berlin, l’Otan continue de s’étendre, notamment vers l’Europe de l’Est et réduit, de ce fait, le glacis sécuritaire de la Russie. Il s’agit d’une véritable provocation pour Moscou, qui voit l’encerclement otanien se resserrer autour d’elle. La Russie a l’impression d’être trahie. Dans ce cadre, on peut donc parler d’une Otan offensive, intégrant les nouveaux rapports de force issus du post-communiste comme une réelle opportunité d’élargir sa zone de responsabilité, donc d’intervention.
A l’heure du surprenant et radical rapprochement de la Russie avec l’Occident, il serait opportun de s’interroger sur la réalité de la menace de l’axe Otan/USA. Dans ce cadre, il s’agira de revenir sur la perception russe des dangers issus de l’ingérence occidentale dans sa proche périphérie et, en particulier, de la volonté américaine de se rapprocher des ex-républiques de l’URSS présentant un caractère stratégique.
Selon une lecture plus globale de l’évolution géopolitique, la stratégie américaine garde une cohérence structurelle, au sens où elle reste guidée par la ligne Brzezinski centrée, d’une part, sur l’encerclement de la Russie et, d’autre part, sur la déstabilisation de sa ceinture périphérique en vue de son contrôle.
A l’issue de la fin de la Guerre froide, ce maintien d’une relative inertie stratégique nous amène à nous interroger sur l’évolution passée, présente et future de la Russie, pour, en dernière instance, nous interroger sur son statut international hérité du post-communisme.
Dans une première partie, nous verrons donc le rôle de l’Otan comme levier de la politique étrangère américaine, en phase de Guerre froide.
Dans une seconde partie, nous présenterons la ligne structurellement anti-russe conduite par la puissance américaine depuis la fin de la Guerre froide.
Dans une troisième partie, nous analyserons les enjeux cachés du récent rapprochement russo-américain.
Dans une quatrième et dernière partie, nous nous interrogerons sur le statut post-soviétique de la puissance russe en transition identitaire et sur sa volonté de retour vers l’Europe.
I – Historiquement, l’Otan apparait comme un levier de la politique étrangère américaine.
La politique extérieure américaine est marquée par 2 phases principales : l’endiguement de la puissance soviétique (1) puis, à partir de 1991, le reflux de la puissance russe (2).
1/ L’endiguement de la puissance soviétique, comme stratégie dominante en phase de Guerre froide.
- Après la seconde Guerre mondiale, le nouvel ordre mondial est caractérisé par l’équilibre stratégique de la Guerre froide : (USA + Otan) versus (URSS + Pacte de Varsovie).
- A l’origine, la théorie de G. Kennan du " Containment " )[1] (endiguement) de la puissance soviétique – par la suite, appelée aussi " doctrine Truman " – a pour objectif de bloquer l’expansion du bloc communiste sous leadership russe, en aidant les pays prêts à s’y opposer. A l’époque, l’Administration Truman (1945–1953) redoute l’offensive militaire d’une Union soviétique surpuissante qui, désormais, " fait peur ". D’autant plus que cette dernière développe une force de frappe nucléaire impressionnante, qui égalisera la puissance américaine au début des années 70.
- L’endiguement : c’est l’amorce d’une ligne anti-soviétique, présentant une relative cohérence sur long terme et qui sera, plus tard, reprise par le conseiller à la sécurité du président Carter, Z. Brzezinski.
- L’objectif : contenir l’expansion du communisme en Afrique, Asie, Europe et Amérique latine, quel qu’en soit le prix (dont l’émergence de dictatures militaires fascisantes, notamment au Chili).
Ex : en Amérique latine, on peut rappeler le Coup d’Etat de 1973 contre S. Allende au Chili (" la révolution assassinée ", pour reprendre le titre d’un ouvrage).
- Une stratégie alternative a été d’encourager les mouvements nationalistes et démocratiques, pour déstabiliser le pouvoir russe.
Ex : la révolution polonaise de Solidarnosc, en 1989, avec le rôle des ONG étrangères, principalement américaines (ancêtre des révolutions " colorées " qui toucheront plus tard l’espace post-soviétique).
- Une autre stratégie a été de créer des conflits périphériques ou d’accélérer la course aux armements pour épuiser l’économie soviétique (à 2 exemples).
Ex 1: Afghanistan en 1979, formation et armement des combattants islamistes (dont talibans) pour enliser l’armée soviétique dans une guerre coûteuse (il faut donner à l’URSS " sa guerre du Vietnam ", selon Z. Brzezinski)
Ex 2 : le projet surréaliste de " Guerre des étoiles " de R. Reagan, au début des années 1980 (bouclier spatial anti-missiles).
Avec l’appui de son levier otanien, lui conférant un vernis de légitimité internationale, il s’agit pour la puissance américaine d’éroder les bases économiques et idéologiques de la domination soviétique. Dans ce cadre, l’Otan apparaît comme un véritable bouclier politico-militaire contre l’avancée soviétique, destiné in fine à rééquilibrer le " balancier stratégique ". On peut donc parler d’une Otan défensive, adaptée au contexte stratégique de la Guerre froide.
2/ Le reflux de la puissance russe, comme stratégie post-guerre froide.
- 25 décembre 1991 : la démission contrainte du président Gorbatchev marque la chute finale de l’Union soviétique, " La plus grande catastrophe géopolitique du XX° siècle ", selon V. Poutine.
- La stratégie d’endiguement, est alors radicalisée et transformée en stratégie de reflux (roll back) de la puissance russe issue de la fin de la Guerre froide. On remarque l’influence décisive de Brzezinski dans cette inflexion stratégique.
- L’objectif tacite de l’Amérique est alors de profiter de la fragilité temporaire de la Russie en transition vers le marché, pour la repousser et l’expulser de ses postions fortes et traditionnelles.
- L’Otan est au cœur de cette stratégie et elle est instrumentalisée par Washington, pour renforcer cette orientation et lui donner une apparente légitimité (impression d’un consensus).
- Il s’agit aussi de créer les conditions structurelles d’une irréversibilité : empêcher tout retour en arrière et surtout, toute velléité de reconquête impériale russe. En d’autres termes, l’objectif est de verrouiller la position hégémone des Etats-Unis, en créant les mécanismes adéquats, voire en influençant les institutions en charge de la gouvernance mondiale.
Contrairement à la promesse faite en 1989 à Gorbatchev à Berlin, l’Otan continue de s’étendre, notamment vers l’Europe de l’Est et réduit, de ce fait, le glacis sécuritaire de la Russie. Il s’agit d’une véritable provocation pour Moscou, qui voit l’encerclement otanien se resserrer autour d’elle. La Russie a l’impression d’être trahie. Dans ce cadre, on peut donc parler d’une Otan offensive, intégrant les nouveaux rapports de force issus du post-communiste comme une réelle opportunité d’élargir sa zone de responsabilité, donc d’intervention.
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