mohamed mounjid, Le soir Echos
25 Fevrier 2012
Fourre-tout de souhaits et d’ambitions ou plutôt d’objectifs concrets et réalisables ? Les différentes stratégies sectorielles (Plan Emergence, Plan Maroc Vert…) mises en place, ces dernières années, sont en effet sous les feux de la critique. Mode de gouvernance «défaillant» oblige.
Cette «opacité» dans la conception et cette «grande insuffisance» au niveau des résultats acquis jusqu’alors a poussé certains experts de qualifier d’échec la gestion du développement économique et social du Maroc. Comme ce fut le cas de cet analyste relevant du Haut commissariat au plan (Les Cahiers du plan) qui met le doigt sur un point très sensible qui a coûté au Maroc un gaspillage et de moyens et d’efforts : absence de cohérence globale entre les stratégies sectorielles. Des stratégies qui ont nécessité la mobilisation de 500 milliards de dirhams. Qui dit mieux! Le pire c’est que ces mécanismes, selon le HCP, faisaient défaut à plusieurs niveaux : implication des acteurs, évaluation, suivi, coordination, étude d’opportunités économique et financière…
L’absence de cohérence globale renvoie au déphasage du cadre juridique et réglementaire. À titre d’illustration, l’auteur évoque l’absence d’une loi sur la protection des données personnelles, d’un système de veille concurrentielle et la réglementation encadrant l’exercice des nouveaux métiers des services délocalisés. Sans parler de la médiation et des règlements de conflits, en cause de la «défection d’investisseurs pressentis». Cette défection (Fadesa, Clony capital, Nissan…) « compromet non seulement les chances de relance des secteurs concernés mais également celles des secteurs qui y sont liés», analyse-t-il.
Cette relance «essoufflée» nous renseigne sur le degré élevé de la dépendance des stratégies sectorielles aux capitaux étrangers ainsi qu’à l’expertise étrangère (McKinsey, Ernest&Young). La dépendance aux motivations et intérêts étrangers n’est pas en reste.
Il faut noter que ce recours massif aux bureaux d’études étrangers se fait généralement sans la moindre implication des acteurs locaux ni la moindre concertation sur les choix stratégiques. «Ce plan (Maroc vert), qui concerne presque la moitié de la population marocaine et plus de 40% de la population active, n’a pas considéré opportun, au niveau de la conception, d’impliquer les agriculteurs…», argumente-t-il.
Cette négligence est aggravée par des carences flagrantes au niveau de la communication sur les analyses de rentabilité économique et les études d’impact. «L’opacité» du plan vert a irrité même un autre économiste, Najib Akesbi professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat en se prononçant contre : «C’est une escroquerie intellectuelle», tonne-t-il.
Il faut dire également que les dysfonctionnements ne sont plus à compter au niveau de l’adoption des autres stratégies, à l’instar du plan émergence ou encore du Plan azur. Une navigation à vue troublée, accentuée par la moindre défection d’un acteur majeur comme ce fut le cas du départ de l’ancien ministre du Tourisme, initiateur du Plan azur, qui a perdu de ses couleurs. Le plan Emergence a perdu lui aussi «beaucoup de consistance après la cession du pilotage de certaines composantes du plan initial, comme les produits de la mer et l’agroalimentaire».
Sur un autre registre, le manque de coordination et de collaboration au niveau des départements ministériels a apporté aussi son lot de désolations. «Il est impossible de mener une stratégie de développement économique cohérente lorsque les composantes de celle-ci créent des distorsions en faveur de secteurs privilégiés», est-il souligné. Ce choix de donner plus de chances à quelques secteurs (tourisme, immobilier, industrie…) aux dépens d’autres (formation, énergie, transport, logistique) ne va pas sans mettre à mal les équilibres macroéconomiques. Il faut dire enfin que ce choix reste fortement déterminé par les rapports de force et les lobbys en place.
25 Fevrier 2012
- Le HCP qualifie d’échec la gestion du développement économique et social du Maroc.
- Ses mécanismes faisaient défaut à plusieurs niveaux : incohérence globale, implication des acteurs, évaluation, suivi, coordination, étude de l’opportunité économique et financière….
- Degré élevé de la dépendance des stratégies sectorielles aux capitaux étrangers et à l’expertise et intérêts étrangers.
Fourre-tout de souhaits et d’ambitions ou plutôt d’objectifs concrets et réalisables ? Les différentes stratégies sectorielles (Plan Emergence, Plan Maroc Vert…) mises en place, ces dernières années, sont en effet sous les feux de la critique. Mode de gouvernance «défaillant» oblige.
Cette «opacité» dans la conception et cette «grande insuffisance» au niveau des résultats acquis jusqu’alors a poussé certains experts de qualifier d’échec la gestion du développement économique et social du Maroc. Comme ce fut le cas de cet analyste relevant du Haut commissariat au plan (Les Cahiers du plan) qui met le doigt sur un point très sensible qui a coûté au Maroc un gaspillage et de moyens et d’efforts : absence de cohérence globale entre les stratégies sectorielles. Des stratégies qui ont nécessité la mobilisation de 500 milliards de dirhams. Qui dit mieux! Le pire c’est que ces mécanismes, selon le HCP, faisaient défaut à plusieurs niveaux : implication des acteurs, évaluation, suivi, coordination, étude d’opportunités économique et financière…
L’absence de cohérence globale renvoie au déphasage du cadre juridique et réglementaire. À titre d’illustration, l’auteur évoque l’absence d’une loi sur la protection des données personnelles, d’un système de veille concurrentielle et la réglementation encadrant l’exercice des nouveaux métiers des services délocalisés. Sans parler de la médiation et des règlements de conflits, en cause de la «défection d’investisseurs pressentis». Cette défection (Fadesa, Clony capital, Nissan…) « compromet non seulement les chances de relance des secteurs concernés mais également celles des secteurs qui y sont liés», analyse-t-il.
Cette relance «essoufflée» nous renseigne sur le degré élevé de la dépendance des stratégies sectorielles aux capitaux étrangers ainsi qu’à l’expertise étrangère (McKinsey, Ernest&Young). La dépendance aux motivations et intérêts étrangers n’est pas en reste.
Il faut noter que ce recours massif aux bureaux d’études étrangers se fait généralement sans la moindre implication des acteurs locaux ni la moindre concertation sur les choix stratégiques. «Ce plan (Maroc vert), qui concerne presque la moitié de la population marocaine et plus de 40% de la population active, n’a pas considéré opportun, au niveau de la conception, d’impliquer les agriculteurs…», argumente-t-il.
Cette négligence est aggravée par des carences flagrantes au niveau de la communication sur les analyses de rentabilité économique et les études d’impact. «L’opacité» du plan vert a irrité même un autre économiste, Najib Akesbi professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat en se prononçant contre : «C’est une escroquerie intellectuelle», tonne-t-il.
Il faut dire également que les dysfonctionnements ne sont plus à compter au niveau de l’adoption des autres stratégies, à l’instar du plan émergence ou encore du Plan azur. Une navigation à vue troublée, accentuée par la moindre défection d’un acteur majeur comme ce fut le cas du départ de l’ancien ministre du Tourisme, initiateur du Plan azur, qui a perdu de ses couleurs. Le plan Emergence a perdu lui aussi «beaucoup de consistance après la cession du pilotage de certaines composantes du plan initial, comme les produits de la mer et l’agroalimentaire».
Sur un autre registre, le manque de coordination et de collaboration au niveau des départements ministériels a apporté aussi son lot de désolations. «Il est impossible de mener une stratégie de développement économique cohérente lorsque les composantes de celle-ci créent des distorsions en faveur de secteurs privilégiés», est-il souligné. Ce choix de donner plus de chances à quelques secteurs (tourisme, immobilier, industrie…) aux dépens d’autres (formation, énergie, transport, logistique) ne va pas sans mettre à mal les équilibres macroéconomiques. Il faut dire enfin que ce choix reste fortement déterminé par les rapports de force et les lobbys en place.
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