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Poèmes de prison de Saïda Menebhi

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  • Poèmes de prison de Saïda Menebhi


    Le vent de mon pays
    souffle, hurle, gronde
    sur la terre humide qu’il balaie
    il trace des figures
    il grave un passé
    le mien, le tien, celui de chacun
    son bruit me rappelle une symphonie
    celle que tu susurrais à mon oreille chaque nuit
    Avant, il y a longtemps déjà
    aujourd’hui, ce soir, cette nuit
    seules les empreintes de la vie
    me reviennent à l’esprit et
    la pluie tenace, le vent têtu
    reviennent comme chaque année
    et me ramènent à toi
    aussi loin que tu sais
    me rappellent encore
    que j’ai un corps que j’ai une voix
    que j’élève en offrande à toi.
    -
    _________________________________________________

    Nous marchions
    La tête haute, le regard perdu
    Tu parlais d’un monde merveilleux
    Qui viendrait car nous le voulons
    Dans ce monde, disais-tu
    Les enfants ne connaitront plus la misère
    Les mamans n’abandonneront plus leurs bébés
    Les femmes ne seraient plus battues
    Méprisées, avilies
    Nous marchions encore et toujours
    Comme des fous et des damnés
    Lorsque nous sommes arrivés
    Déjà je rêvais.

    -
    _________________________________________________

    Cette femme n’est pas seule
    Elle est comme tant d’autres
    Victime de l’exploitation
    Du pouvoir des laquais
    De New York et de Paris
    Quand je l’ai vue
    Son visage était calme
    Un masque livide
    Qui couve la terreur
    Qui cache la douleur
    Car l’homme qu’elle a aimé
    Aujourd’hui l’a trahie
    Il a prétexté l’adultère
    Pour la jeter en prison
    Et l’arracher à ses enfants
    Le fer creuse son coeur
    Si fort
    Qu’elle a vomi du sang
    Et elle est là
    Gisante et souffrante
    Réclamant justice à mille dieux
    Mais les assassins veulent l’achever
    Car elle est du peuple
    Qui demain prendra l’arme
    Pour la libérer.

    _________________________________________________

    La prison, c'est laid
    Tu la dessines, mon enfant
    Avec des traits noirs
    Des barreaux et des grilles
    Tu imagines que c'est un lieu sans lumière
    Qui fait peur aux petits
    Aussi pour l'indiquer
    Tu dis que c'est là-bas
    Et tu montres avec ton petit doigt
    Un point, un coin perdu
    Que tu ne vois pas
    Peut être la maîtresse t'a parlé
    De prison hideuse
    De maison de correction
    Où l'on met les méchants
    Qui volent les enfants
    Dans ta petite tête
    S'est alors posé une question
    Comment et pourquoi
    Moi qui suis pleine d'amour pour toi
    Et tous les autres enfants
    Suis-je là-bas ?
    Parce que je veux que demain
    La prison ne soit plus là

    -

    Saida Menebhi est née en 1952 à Marrakech. Professeur d’anglais. Membre de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Maroc) puis de de l’UMT (Union Marocaine du Travail) et de l’organisation Ilal Amam.

    Le 16 janvier 1976 à Rabat, elle est arrêtée et incarcérée au tristement célèbre centre "clandestin" de torture de Casablanca "Derb Moulay Chérif" où elle subit des tortures physiques et psychologiques.

    En janvier 1977, elle est jugée à Casablanca, avec 138 autres inculpés, pour atteinte à la sûreté de l’État. Au procès, elle dénoncera entre autres la situation d’oppression que vivent les femmes au Maroc... Elle est condamnée à 5 ans de détention, plus deux ans pour outrages à magistrat.

    Le 11 décembre 1977, elle meurt après 34 jours de grève de la faim, à l’âge de 25 ans.
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence
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