Des sources militaires s’expriment sur l’attaque de Tiguentourine
«L’objectif était d’assiéger le site avant de le faire exploser avec les otages»
le 29.01.13 | 10h00
L’attaque menée par un commando de mercenaires islamistes contre le complexe gazier d’In Amenas, à Illizi, n’a pas livré tous ses secrets.
Que s’est-il passé ? Y a-t-il eu des défaillances dans les systèmes de sécurisation des frontières et des sites sensibles ? Des questions auxquelles les réponses sont très difficiles à trouver. Sous le couvert de l’anonymat, des militaires de haut rang, en activité et à la retraite, ont accepté d’apporter leur éclairage. Tous sont unanimes à dire que l’opération a été préparée durant des semaines, voire des mois : «Recruter une trentaine de mercenaires, les doter d’armement lourd et les guider jusqu’en Algérie n’est pas une affaire de quelques jours.» A-t-elle un lien avec la guerre au Mali ? La réponse de nos interlocuteurs est catégorique : «Si l’on tient compte des premiers éléments de l’enquête, l’attaque aurait été décidée il y a deux mois. Ce qui nous renvoie à la décision prise par le Conseil de sécurité de l’ONU d’autoriser une intervention militaire étrangère. Rappelez-vous, cette mesure avait été encouragée et défendue par la France, dont les dirigeants avaient annoncé leur intention de passer à l’action. C’est à ce moment-là que Belmokhtar a décidé de frapper. Il a fait plusieurs déplacements en Libye pour recruter des mercenaires et les doter d’armement. Les frappes aériennes françaises ont accéléré l’attaque. Craignant les bombardements contre les bastions d’Al Qaîda, notamment Gao et Tombouctou, Belmokhtar a tenté de faire d’une pierre deux coups. D’un côté, il faisait pression pour arrêter l’intervention militaire française ; de l’autre il assénait un coup dur à l’Algérie, qui reste le plus important rempart contre les terroristes.»
Selon nos interlocuteurs, «cette menace a été appréhendée par les plus hautes autorités du pays. Des réunions avec les responsables des forces de sécurité des pays voisins (Libye, Tunisie et Niger) ont eu lieu avant et pendant la guerre au Mali. Des mesures ont été prises, dont le renforcement des unités des garde-frontières et l’échange de renseignements. Il faut savoir que dans la région, c’est l’Algérie qui subit le plus. Toutes ses frontières sont en état d’alerte rouge et elle est la plus sollicitée par ses voisins minés par des crises eu égard à ses moyens, ses capacités humaines, matérielles et techniques. La décision de fermer les frontières est plus théorique que pratique. Lorsqu’on annonce une telle mesure, cela suppose que l’on a au moins doublé, voire triplé les effectifs de surveillance, avec tout ce que cela implique comme logistique, sachant que nous sommes dans une région du désert».
«Il serait utopique de croire qu’une frontière peut être fermée hermétiquement, même avec une armée d’hommes alignés tout le long de la bande. Le seul moyen reconnu efficace est la surveillance satellitaire que seuls les Français, les Américains et les Russes maîtrisent. Néanmoins, sans drones tueurs, cette surveillance devient aléatoire. Sans ces drones, les unités qui auront reçu les images de ces terroristes en direction d’un site, devront attendre l’arrivée d’un hélicoptère de combat. Pendant ce temps, les terroristes auraient eu tout le temps de disparaître dans le désert. Ces drones sont reliés aux réseaux d’informations données par les satellites. Ils permettent de neutraliser, en temps réel, une cible. Vu la situation particulièrement difficile que nous vivons au niveau de nos frontières et le risque extrêmement élevé de pénétration des groupes terroristes, cet outil devient une nécessité», explique une source proche des gardes-frontières. Pour elle, le commando qui a mené l’attaque d’In Amenas est entré en Algérie par la Libye, «en petits groupes», à bord de pick-up, durant la nuit. «Ils ont eu suffisamment de temps pour bien étudier leur coup. Ils ont évité de s’approcher de la frontière algérienne, qu’ils ont longée jusqu’au point le plus proche d’In Amenas, où ils ont fait leur dernière halte à quelques kilomètres d’Edjle, sur le territoire libyen, à moins d’une centaine de kilomètres d’In Amenas, avant de pénétrer sur le territoire par les ergs (dunes) en se dispersant. Il était peut-être 1h du matin de la journée du mercredi.»
Nos sources sont formelles : «Il n’y a pas eu de défaillance dans les systèmes de sécurité déployés aux alentours du complexe et de la base-vie. Il y a eu des complicités internes puisque les terroristes avaient un plan de la base et du complexe. De toute façon, l’expérience a montré que les terroristes ne s’aventurent jamais dans un site sur lequel ils n’ont pas d’informations. Ils ont toujours réussi à trouver des personnes pour les aider de l’intérieur. Dans le cas d’In Amenas, il n’y a pas uniquement le chauffeur nigérien qui aurait donné des informations. Une enquête a été enclenchée pour lever le voile sur toutes les complicités dont auraient bénéficié les terroristes. Il est probable que d’autres complices seront démasqués.»
(à suivre)
«L’objectif était d’assiéger le site avant de le faire exploser avec les otages»
le 29.01.13 | 10h00
L’attaque menée par un commando de mercenaires islamistes contre le complexe gazier d’In Amenas, à Illizi, n’a pas livré tous ses secrets.
Que s’est-il passé ? Y a-t-il eu des défaillances dans les systèmes de sécurisation des frontières et des sites sensibles ? Des questions auxquelles les réponses sont très difficiles à trouver. Sous le couvert de l’anonymat, des militaires de haut rang, en activité et à la retraite, ont accepté d’apporter leur éclairage. Tous sont unanimes à dire que l’opération a été préparée durant des semaines, voire des mois : «Recruter une trentaine de mercenaires, les doter d’armement lourd et les guider jusqu’en Algérie n’est pas une affaire de quelques jours.» A-t-elle un lien avec la guerre au Mali ? La réponse de nos interlocuteurs est catégorique : «Si l’on tient compte des premiers éléments de l’enquête, l’attaque aurait été décidée il y a deux mois. Ce qui nous renvoie à la décision prise par le Conseil de sécurité de l’ONU d’autoriser une intervention militaire étrangère. Rappelez-vous, cette mesure avait été encouragée et défendue par la France, dont les dirigeants avaient annoncé leur intention de passer à l’action. C’est à ce moment-là que Belmokhtar a décidé de frapper. Il a fait plusieurs déplacements en Libye pour recruter des mercenaires et les doter d’armement. Les frappes aériennes françaises ont accéléré l’attaque. Craignant les bombardements contre les bastions d’Al Qaîda, notamment Gao et Tombouctou, Belmokhtar a tenté de faire d’une pierre deux coups. D’un côté, il faisait pression pour arrêter l’intervention militaire française ; de l’autre il assénait un coup dur à l’Algérie, qui reste le plus important rempart contre les terroristes.»
Selon nos interlocuteurs, «cette menace a été appréhendée par les plus hautes autorités du pays. Des réunions avec les responsables des forces de sécurité des pays voisins (Libye, Tunisie et Niger) ont eu lieu avant et pendant la guerre au Mali. Des mesures ont été prises, dont le renforcement des unités des garde-frontières et l’échange de renseignements. Il faut savoir que dans la région, c’est l’Algérie qui subit le plus. Toutes ses frontières sont en état d’alerte rouge et elle est la plus sollicitée par ses voisins minés par des crises eu égard à ses moyens, ses capacités humaines, matérielles et techniques. La décision de fermer les frontières est plus théorique que pratique. Lorsqu’on annonce une telle mesure, cela suppose que l’on a au moins doublé, voire triplé les effectifs de surveillance, avec tout ce que cela implique comme logistique, sachant que nous sommes dans une région du désert».
«Il serait utopique de croire qu’une frontière peut être fermée hermétiquement, même avec une armée d’hommes alignés tout le long de la bande. Le seul moyen reconnu efficace est la surveillance satellitaire que seuls les Français, les Américains et les Russes maîtrisent. Néanmoins, sans drones tueurs, cette surveillance devient aléatoire. Sans ces drones, les unités qui auront reçu les images de ces terroristes en direction d’un site, devront attendre l’arrivée d’un hélicoptère de combat. Pendant ce temps, les terroristes auraient eu tout le temps de disparaître dans le désert. Ces drones sont reliés aux réseaux d’informations données par les satellites. Ils permettent de neutraliser, en temps réel, une cible. Vu la situation particulièrement difficile que nous vivons au niveau de nos frontières et le risque extrêmement élevé de pénétration des groupes terroristes, cet outil devient une nécessité», explique une source proche des gardes-frontières. Pour elle, le commando qui a mené l’attaque d’In Amenas est entré en Algérie par la Libye, «en petits groupes», à bord de pick-up, durant la nuit. «Ils ont eu suffisamment de temps pour bien étudier leur coup. Ils ont évité de s’approcher de la frontière algérienne, qu’ils ont longée jusqu’au point le plus proche d’In Amenas, où ils ont fait leur dernière halte à quelques kilomètres d’Edjle, sur le territoire libyen, à moins d’une centaine de kilomètres d’In Amenas, avant de pénétrer sur le territoire par les ergs (dunes) en se dispersant. Il était peut-être 1h du matin de la journée du mercredi.»
Nos sources sont formelles : «Il n’y a pas eu de défaillance dans les systèmes de sécurité déployés aux alentours du complexe et de la base-vie. Il y a eu des complicités internes puisque les terroristes avaient un plan de la base et du complexe. De toute façon, l’expérience a montré que les terroristes ne s’aventurent jamais dans un site sur lequel ils n’ont pas d’informations. Ils ont toujours réussi à trouver des personnes pour les aider de l’intérieur. Dans le cas d’In Amenas, il n’y a pas uniquement le chauffeur nigérien qui aurait donné des informations. Une enquête a été enclenchée pour lever le voile sur toutes les complicités dont auraient bénéficié les terroristes. Il est probable que d’autres complices seront démasqués.»
(à suivre)
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